Voici un article d'Éric Perron paru dans le magazine Cinébulles, Volume 24, Numéro 1, Hiver 2006. Comme je suis un fervent croyant de la diffusion de l'information par le web, et suite à un billet lu sur le blogue arrêtetoncinéma, je prends le risque de le publier sur mon blogue sans l'assentiment de la revue. Dans le même numéro de Cinébulles, on y retrouve un entretien d'Éric Perron avec Michel Ciment. [Et oui, j'aime transcrire des articles, ça me détend et j'ai l'impression d'accomplir un petit devoir]
-Voir le site web de l'Association des cinémas parallèles du Québec de laquelle dépend la revue Ciné-Bulles
Michel Ciment sur la critique en France
Voilà ce que répondait Michel Ciment [directeur de la revue Positif] à un spectateur lors de la conférence tenue au FIFM à propos d'une perte de crédibilité de la critique française.
«Je pense que la critique a beaucoup moins d'impact aujourd'hui qu'elle n'en avait autrefois. Là, vous me forcez à intervenir un peu dans une polémique. Elle a moins d'impact en raison du merchandising qui domine notre époque, le bombardement publicitaire, le fait que les films sortent sur 800 écrans, cette façon de monopoliser les choses... La critique a donc vu son espace se réduire. Mais elle a aussi participé à son propre déclin. Je parle de la France ici. Cette bataille que je mène me fait beaucoup d'ennemis. J'espère que vous n'allez pas prendre cela comme une querelle de chapelles entre Positif et Les Cahiers du cinéma. En même temps, c'est un coup de chapeau que jeur donne...
Les Cahiers du cinéma ont gagné la guerre de la critique contre Positif. Ils l'ont gagnée incontestablement, en termes d'espace médiatique. Parce que c'est devenu la critique officielle, c'est devenu l'establishment. Les Cahiers du cinéma contrôlent les pages cinéma du Monde, de Libération, des Inrockuptibles, une partie de Télérama, plus Les Cahiers du cinéma, c'est-à-dire les organes où se pratique une critique sérieuse, documentée, développée par des gens de talent. Le seul problème, c'est que tous ces gens pensent la même chose. Il n'y a donc pas la diversité critique qu'on pourrait attendre. En plus, ils ont adopté les techniques de la Nouvelle Vague, c'est-à-dire le terrorisme intellectuel, le copinage, le fait de défendre systématiquement les amis. Et le résultat aujourd'hui, c'est que le public, les lecteurs de ces journaux ne font plus attention à ce qu'ils lisent. [...]
Je prends un exemple: Basse-Normandie de Patricia Mazui, un film que j'estime extrêmement mauvais, que j'ai trouvé vraiment atroce. J'aime beaucoup Patricia Mazuy, elle a fait des films comme Saint-Cyr et Peaux de vaches qui sont très bons. Basse-Normandie, je ne sais pas pourquoi, a été adopté comme un chef-d'oeuvre absolu par Les Cahiers du cinéma. Ils en ont fait la couverture, ils ont fait 10 pages disant : «Quel film extraordinaire», etc. Les réseaux ont fonctionné magnifiquement bien, c'est-à-dire que Télérama a fait trois pages, Le Monde, une page, Libération trois pages, Les Inrockuptibles trois ou quatre pages, et tous en même temps, à l'unisson, le jour de la sortie. Ils ont annoncé qu'il s'agissait d'un des plus grands films de l'année. Cela veut donc dire qu'envrion deux millions de lecteurs ont appris qu'un chef-d'oeuvre était né. Eh bien, en 18 semaines d'exclusivité, dans toute la France, il y a eu 4 500 entrées.
Il y a 30 ans, quand Jean de Baroncelli – qui n'est pas mon critique favori ni modèle -, un critique de poids, intelligent, écrivait en première page du Monde: «Je tiens ce film comme un chef-d'oeuvre», il le disait trois fois par an maximum et, curieusement, il y avait quelques centaines de milliers de gens qui allaient voir le film.
C'est de cette façon que des cinéastes comme Bergman ou Fellini se sont construit un public. Le problème, c'est qu'aujourd'hui on essaie de faire passer Basse-Normandie pour du Bergman ou du Fellini. Je pense que la critique, en tout cas cette critique-là, a perdu tellement le sens des réalités concrètes qu'elle a fini par se couper de ses lecteurs. Il y a une crise de crédibilité...
Prenons un autre exemple : le dernier film de Claire Denis, L'Intrus. J'ai vu le film au Festival de Venise. Je ne veux pas être méchant, mais les producteurs roupillaient, dormaient – ils étaient assis à côté de moi dans la salle. Le film a eu un effet terrible. Toute la presse internationale était là, 450 personne : aucun applaudissement, beaucoup de sifflets. J'aime bien Caire Denis, elle a du talent. Mais ce film était d'une obscurtié absolue. Je défie quiconque de savoir vraiment ce qui se passait sur l'écran. Rejet absolu donc de la presse internationale.
Le lendemain, Libération et Le Monde écrivaient: «Le Festival de Venise illuminé par le chef-d'oeuvre de Claire Denis.» On a ainsi commencé à bâtir la réputation du film. Il n'a eu aucun succès, tout au plus 8 000 personnes sur toute la France. Mais avec une presse absolument délirante. Alors qu'au départ, c'était un échec monumental. Je ne me réjouis pas, mais c'est tout de même des perversions du système qui sont extrêmement inquiétantes. Si les gens qui sont allés voir L'Intrus avaient trouvé ça excellent, il y aurait eu un bouche-à-oreille formidable et, petit à petit, le film aurait eu 50 000, 100 000, 150 000 spectateurs. Or, ça c'est effondré.
Là, je pense que la critique en France a creusé sa tombe. Et même une revue comme Positif, qui ne participe pas à ce snobisme de la critique, est victime de ça, parce que les gens amalgament toutes les critiques intellectuelles.»
4 commentaires:
L'article d'E. Perron relate très justement les propos de M. Ciment.Bravo Eric!
Mais ce que le critique évoque, - le fameux copinage -, me semble être d'avantage une épine dans le pied de la critique franco-française. Ici, j'ai l'impression que nos critiques ont un autre problème à affronter: la complaisance. A la fois envers les films (notamment québécois, ça en devient presque gênant), mais encore envers les gens qui exercent ce métier: trop souvent, il est confondu avec celui de chroniqueur culturel. Et dans ces cas, les "critiques" ressemblent alors à de gentils commentaires sans colonne verterbrale. C'est aussi, avec la fameuse pression du marketing,ce qui tend à réduire l'espace critique ici. Désespoir....
a bientôt
helen
Complaisance, c'est bien cela. Quand je lis, regarde ou écoute des «critiques» molles sur un film vraiment insipide, mal fait ou carrément mauvais, je me demande toujours qu'est-ce qui se passe. Surtout quand cela sort de la bouche de vieux critiques ou chroniqueurs dans les grands médias comme La Presse ou Radio-Canada qui pourtant en ont vu des films dans leur carrière. Ils ne deviennent qu'une courroie de transmission dans le rouage de la promotion. La «couverture» orchestré par les promoteurs du film Code Da Vinci en est un excellent exemple.
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