mardi, août 15, 2006

Films en attente

Aaah, j'ai commencé à profiter de 3 semaines de congé de paternité sur 5 en cette mi-août. Je dois dire que ça fait du bien et que, pour une fois, j'apprécie une mesure gouvernementale - qui nous coûtera sûrement chère au bout du compte, mais qui demeure une bonne idée quand même.

Comme c'est le cas pour bien des gens, il y a quelques années, lorsque arrivait le moment de choisir un film au club vidéo, les titres de films qu'on m'avait suggérés s'envolaient comme par magie. Ainsi - il y a très très longtemps - j'ai regardé les deux premiers Highlander par mégarde avant de me rendre compte que ce n'était pas le titre qu'on m'avait suggéré: Blade Runner. Depuis, les choses ont changé. En ayant marre d'avoir le cerveau vide devant les boîtiers de cassette vidéo, j'ai commencé il y a quelques années à dresser une liste des films que je voulais voir, éliminant ainsi mon problème de choix... et de mégarde. Le problème, s'il en est un, c'est que ma liste gonfle de façon constante sans que j'aie le temps d'en voir le quart. Parce qu'en plus des titres s'accumulant sur notre liste, l'industrie ne cesse de vomir chaque année des tonnes de films que nous voudrions voir.

Voici les DVD que j'ai en ma possession et qui attendent de visiter mon lecteur. On ne parle donc même pas de ma liste de films que je veux louer prochainement...

Il y a ceux que j'ai commencé à regarder (oui c'est terrible, mais comme pour les livres, je commence des films que je termine plus tard)

Edvard Munch de Peter Watkins
Vampyr de Dreyer, que j'ai déjà vu
How the West Was Won, gigantesque film à trois réalisateurs: John Ford, Henry Hathaway et George Marshall; avec une brochette d'acteurs pas possible.
Tirez sur le pianiste de Truffaut

Il y a ceux que j'ai très hâte de voir (plus ou moins en ordre d'importance):

Eraserhead de Lynch
Sin City de Miller et Rodriguez
21 Grams d'Alejandro González Iñárritu
Platoon de Stone
'Klute' d'Alan J. Pakula

Ceux que j'ai déjà vus et que j'ai bien hâte de revisionner:

Alexander Nevsky d'Eisenstein
Brazil de Gilliam
Die Nibelungen de Lang
Jason and the Argonauts de Don Chaffey
Kwaidan de Masaki Kobayashi
Powaqqatsi de Reggio
Rocky d'Avildsen
Le Septième sceau de Bergman
The Stalker de Tarkovski
Touch of Evil de Welles
Yes sir! Madame de Morin

Tous les autres que je n'ai encore jamais vus:

-A Streetcar Named Desire de Kazan
-Avant-Garde
-La Bête humaine de Renoir
-Buster Keaton TCM Archives
-La Chute d'Oliver Hirschbiegel
-Le Corbeau de Clouzot
-Le Décalogue de Kieslowski
-Le Dernier métro de Truffaut
-Down by Law de Jarmusch
-Les États nordiques de Denis Côté
-The Fall of the House of Usher de Epstein et Bunuel
-Fanny et Alexandre de Bergman
-Fargo des Coen
-Faux coupable de Hitchcock
-La Femme qui boit de Bernard Émond
-Le fils des Dardenne
-Floating Weeds (1959) de Yasujiro Ozu
-The Graduate de Mike Nichols
-Great Expectations de David Lean sur un roman de Charles Dickens
-Hara-Kiri de Kobayashi
-Hatari! de Howard Hawks avec John Wayne
-Jimmywork de Simon Sauvé
-The Leopard de Visconti
-Un Long dimanche de fiançailles de Jeunet
-The Manchurian Candidate de John Frankenheimer
-Man of la mancha d'Arthur Hiller
-Mamma Roma de Pasolini
-Méliès
-Million Dollar Baby d'Eastwood
-Mother and Son de Sokurov
-Paisa de Rossellini
-Pink Floyd The Wall de Parker
-Psycho de Gus Van Sant
-Le Quai des orfèvres de Clouzot
-The Raven de Roger Corman (avec Vincent Price, Peter Lorre, Boris Karloff et... Jack Nicholson!)
-Les rivières pourpres de Kassovitz
-Schizopolis de Soderbergh
-Sex, Lies and Videotape de Soderbergh
-Short Cuts d'Altman
-Shorts de Lynch
-Transamerica de Duncan Tucker
-Unseen Cinema, la collection
-Viy de Kropachyov et Yershov
-Z de Costa-Gravras

Une question en terminant, avez-vous un coup de coeur? Je suis très influençable. Vous pouvez aussi me souligner la présence d'un film exécrable.

jeudi, août 03, 2006

Le cinéma d'auteur selon Érik Canuel

Dans le cadre de la promotion à 2 millions de dollars orchestrée par Alliance Atlantis Vivafilm et visant à faire connaître le film Bon Cop, Bad Cop, j'ai interviewé le réalisateur Érik Canuel pour Canoë. Le résultat officiel de cette entrevue est publié ici sur Canoë.

Il y a une question que j'ai posée pour mon propre plaisir et qui n'apparaît pas sur Canoë. Elle n'y apparaît pas tout d'abord parce que c'était un peu hors sujet par rapport à Bon Cop, Bad Cop, mais surtout parce que, sans le savoir, j'étais mal préparé. La question était «Vous avez déjà dit que vous faisiez des «films d'auteur-commerciaux». Qu'entendez-vous par là?»

Lors de ma recherche sur Érik Canuel, j'ai trouvé un article du Voir où Séverine Kandelman semblait avoir «brassé la cage» au réalisateur lors d'une entrevue sur Nez Rouge, si l'on se fie au type de réponses qu'il lui a donné. Par exemple, on y retrouvait ce paragraphe:

Le réalisateur Érik Canuel nous offre une comédie romantique qui ne fait pas dans le grand Art, mais dans le divertissement sympathique. "Autant j'ai un sens développé comme artiste, c'est-à-dire que je veux être intègre vis-à-vis de mon art, autant j'ai un côté commercial qui comprend que le cinéma, c'est aussi une business. Quand tu fais un film, tu veux qu'il se vende et que les gens le voient. Je fais donc un cinéma qui est divertissant... parce que je veux que tout le monde vienne. De l'intellectuel au mineur, au livreur de bière, ce sont tous des gens qui comptent pour moi. Si mes messages sont d'ordre émotif, sociétal, tout le monde va les comprendre. T'as du plaisir, t'as pleuré, ça t'a donné le goût de rêver, c'est ça qui compte. La culture n'appartient pas à l'élite... mais qu'on s'entende: le cinéma populaire, ça ne veut pas dire que tu nivelles par le bas. Je suis un cinéaste qui fait des films d'auteur commerciaux."

Remarquez cette dernière phrase «Je suis un cinéaste qui fait des films d'auteur commerciaux». Mais qu'est-ce que ça veut dire? Je n'ai pu m'empêcher de lui poser la question.

Je ne m'en cache pas, je n'ai pas étudié en cinéma, mais plutôt en histoire. J'ai donc étudié les origines de la première et de la deuxième Révolution industrielle plutôt que de me demander ce qu'est vraiment la définition de cinéma d'auteur. Et cela paraît dans mes sous-questions. Cependant, j'ai appris par cette entrevue. Je pensais savoir précisément ce qu'était la définition du cinéma d'auteur alors que ce n'est qu'une idée floue qui nécessite des précisions. Posez-vous la question et tentez d'y répondre «Quel est le cinéma d'auteur?» Pas évident.

Justement -drôle de coïncidence- un nouvel article vient de paraître sur le site de Cadrage.net et qui s'intitule «Qu'est-ce que l'auteurisme (30 après la Nouvelle Vague)?»

Voici l'extrait d'entrevue

Antoine Godin: -Vous avez déjà dit que vous faisiez des «films d'auteur-commerciaux». Qu'entendez-vous par là?

Érik Canuel: -Moi le terme cinéma d'auteur, je le mets avec un grand «H». C'est de se prendre pour un autre que de se considérer un auteur. Tous les cinéastes sont des auteurs.

AG: -Mais est-ce que ça ne renvoie pas plus à quelqu'un qui écrit son scénario?

ÉK: -Non. Sais-tu d'où vient le terme cinéma d'auteur? André Bazin, Cahiers du cinéma, sais-tu à qui il l'a donné? Premier qui a été nommé cinéma d'auteur: Alfred Hitchock. Il n'a jamais écrit un film. Ça a été approprié par les intellos qui voulait se considérer...

AG: -Un cinéma d'auteur, souvent par exemple, Robert Morin c'est vraiment son univers direct qu'on voit. Toi c'est ton univers qu'on va voir, comme dans la Loi du Cochon, mais moins direct...

ÉK: -Comme dans tous mes films.

AG: -Peut-être moins dans Le Survenant quand même...

ÉK: -Non.

AG: -C'est quand même un autre univers, une autre époque, ça ne renvoie pas directement à ta vie.

ÉK: -Attention, c'est pas la même chose. C'est ça l'affaire. Que tu sois auteur d'un scénario c'est un. Ça veut pas dire que t'es l'auteur du film. C'est pas parce que c'est ton univers direct que tu es un auteur. Je veux dire, Dali est-il moins un auteur parce que c'est pas son univers direct? Il a créé un univers qui lui appartient. Picasso. Regarde tout le début de Picasso. Ça n'a rien à voir avec ce qu'il a fait par la suite. Il a fait un choix à un moment donné. Est-ce que ce qu'il a fait avant il en est moins l'auteur? Sa période bleue n'a rien à voir avec sa période d'affaires toutes croches. Est-il moins l'auteur de l'un parce qu'il a décidé de consacrer le reste de sa vie à faire ça? Non. Ce sont des choix.

Ridley Scott est-il moins un cinéaste d'auteur? Il a une signature dans tous ces chriss de films.
Spielberg est-il moins un auteur? Il y a une signature spielbergienne dans tous ses films. Tu comprends. À un moment donné, c'est d'attribuer une lettre de noblesse qui est inexistante.
Robert Morin fait un cinéma, propre à lui, qui est très efficace par moment, beaucoup moins par d'autres, il n'est pas plus auteur que Spielberg peut l'être, ou que Tim Buron peut l'être ou que n'importe quel autre. Tout le monde est auteur de ses films.

Est-ce que c'est un bon auteur ou un mauvais auteur? Ça, ça reste à voir. Est-ce que c'est un bon cinéaste ou un faiseur d'images?

Je m'amuse souvent à dire «il y a énormément de réalisateur qui ne connaissent que 2 voyelles et 10 consonnes». Tu leur demanderais d'écrire un roman de ce qu'ils connaissent du langage cinématographique, il y aurait 2 voyelles et 10 consonnes. Ils ne connaissent pas leur médium.

Ils savent écrire un scénario et puis ils savent mettre un kodak devant lequel le monde joue.
Est-ce des auteurs? C'est des auteurs de scénario qui savent diriger des acteurs et puis qui s'arrangent pour capturer ça sur peloche. Mais souvent ce sont des pièces de théâtre sur pellicule, ce ne sont pas des films. Un film c'est un langage.

Maintenant, c'est une vision un peu arbitraire, je pense qu'il faut embrasser tout ce qui se fait et se dire «tous les cinémas sont du cinéma d'auteur». Il y a des gens qui disent sensiblement la même chose over and over dans le même style, dans la même ligne. Il y en a d'autres qui essaient d'explorer à chaque fois. Je veux dire, tu regardes ce qu'Orson Welles a fait, il n'a jamais fait rien d'aussi percutant - à part peut-être Touch of Evil, Lady of Shanghai- que Citizen Kane. Ça reste le point marquant, il a réinventé le cinéma avec ça. Lui-même l'a dit, il a copié sur tous les cinéastes avant lui et il a tout mis ça dans un film. C'est aléatoire tu sais.

Alors le terme «auteur» pour moi, quand on dit «cinéma d'auteur», quand j'entends certains cinéastes ou certains réalistateurs de films d'auteur se prétendre des auteurs et dirent qu'ils écrivent des scénarios... Oui, regarde, tu écris ton scénario. Il y a ben des gars qui écrivent leur scénario et qui devraient pas shooter de films parce que, chriss, ils ne savent pas shooter. Et puis il y a bien des cinéastes qui ne devraient pas écrire leur scénario parce qu'il ne savent pas écrire. Ils écrivent et ce n'est pas intéressant, mais ils ont un hostie de talent derrière le kodak par exemple. Je pense qu'il faut attribuer à tous les niveaux et dire que le cinéma de Robert Morin est le cinéma de Robert Morin et que ce n'est pas un cinéma d'auteur plus qu'un autre.

AG: -Ok, donc «films d'auteur-commerciaux» c'est un peu un genre de pied-de-nez?

ÉK: -Ben oui, ben oui, ben oui. C'est de s'amuser. Il y a certains films qui trompent la vigilance et qui deviennent des hosties de blockbusters qui sont pas supposés l'être, tout à coup ce sont des succès commerciaux. Va-t-on les amoindrir parce que ce sont des succès commerciaux? Non. C'est toujours un film extrêmement pointu qui a marché. Il y a des films qui sont faits pour être des succès commerciaux et qui se plantent hostie ça n'a pas de bon sang!

AG: -Comme Les dangereux.

ÉK: -Voilà. Il n'y a pas de recette.

mardi, août 01, 2006

Un film bien assommant

J'aime bien cette affirmation de Bertolt Brecht: «Depuis toujours, l'affaire du théâtre, comme d'ailleurs de tous les autres arts, est de divertir les gens. Cette affaire lui confère toujours sa dignité particulière; il n'a besoin d'aucune autre justification que l'amusement, mais de celui-ci absolument.»

Évidemment, le divertissement demeure aussi une chose «absolument» personnelle. À titre d'exemple, je me divertis tout en philosophant en regardant The Stalker et j'ai un plaisir fou à voir Ding et Dong le film. Par contre, ai-je eu quelconque amusement à voir Caché de Michael Haneke ? Que non! Certes, il y a des idées originales de réalisation et d'autres de réflexion sur l'oubli (notamment), mais l'utilisation des plans fixes où il ne se passe rien!? Les nerfs veulent nous sortir par la peau sans pour autant que le phénomène soit causé par une quelconque tension liée à la progression de l'histoire. Audacieux, original, intelligent... mais divertissant, non!

Souvent dans ces cas là, je cherche à comprendre ce que j'ai pu manquer. Par exemple, il a remporté le prix de la mise en scène à Cannes en 2005. Mouais.

Pour essayer de comprendre un peu mieux, j'ai lu une bonne partie d'une étude assez lourde sur le site universitaire Cadrage.net. Pour vous donner une idée du film et de l'étude, en voici un extrait:

«Ce sont donc trois formidables courts-circuits aux effets historiques, politiques, esthétiques, technologiques et psychanalytiques multiples et entremêlés dont Caché est structurellement zébré, tendu qu'il est à l'instar des films qui le hantent entre le lointain et le proche (dans l'espace et dans le temps), entre le privé et le public comme entre l'individuel et le collectif, entre le temps long de l'Histoire et l'« à-présent » de la brisure historique, entre l'actuel et l'intempestif selon la distinction établie par le philosophe Michel Foucault, entre les dominants et les dominés placés dans l'échelle de la stratification sociale comme l'expliquerait tout sociologue wébérien, ou encore entre les vivants et les morts, etc. »

Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je suis devant l'écran et qu'il ne se passe RIEN dans un plan, je ne commence pas à faire des parallèles sociologiques, du moins pas dans ce film.

Si quelqu'un a été diverti par ce film, il faudra qu'il m'explique comment cela lui est arrivé.


Étude sur le film Caché: http://www.cadrage.net/films/cache.htm

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En lisant cette étude, je suis tombé sur un terme que je ne connaissais pas. J'aime bien apprendre de nouveaux mots, alors j'ai cherché dans mes dictionnaires et il ne s'y trouve pas. Le mot est «diégèse».

Grâce au web, j'ai découvert que ce néologisme vient d'un article intitulé « La structure de l’univers filmique et le vocabulaire de la filmologie » (in : Revue internationale de Filmologie, n°7-8 [1948], pp. 231-40). Sa définition simple est :

«(Filmologie, Sémiotique cinématographique). Ensemble des éléments d’un récit filmique considérés en eux-mêmes, univers dans lequel s’inscrit une histoire.»

Si jamais la définition complète du mot vous intéresse, cliquez ici. Moi c'est l'article que je voudrais bien lire, alors si jamais quelqu'un sait comment le trouver, je lui serais reconnaissant de m'aider.