lundi, mars 22, 2010

Simon Galiero attaque le cinéma d'auteur et la critique

Il y a deux textes - non trois - que j'ai lus dernièrement sur le cinéma québécois qui me paraissent très importants même s'ils ne font pas la Une de La Presse. Enfin si, celui de Foglia auquel j'ai pensé après les deux premiers, mais ils sont rares ceux qui ont quelque chose à dire et qui peuvent être entendus par le plus grand nombre.

Tout d'abord le fruit d'une entrevue du blogue Films du Québec avec Simon Galiero.

Extraits:

«Pour moi il [le cinéma d'auteur] n'est pas forcément si vivant que ça. Quand ça grouille, ça peut être vivant mais ça peut aussi être quelque chose de mort qui se fait bouffer par des vers.»

«Beaucoup de critiques ne sont plus des critiques mais des attachés de presse qui peuvent être autant au service d'"Avatar" que de la "nouvelle vague du cinéma québécois".»

Je prépare moi-même un article sur le manque de sens critique chez nos cinéastes inspiré par un article de Jean Douchet, et ce dernier extrait tiré de l'entrevue de Galiero rejoint ce que Douchet écrivait en 1961: «Il est évident que n'entre pas dans son propos [à la critique] d'entretenir le lecteur de ces papotages si répandus dans tant de gazettes. Ils n'ont de critiques que le nom et, dégradant le mot, avilissent la fonction et abaissent ceux qui la pratiquent. Considérer le cinéma (puisque c'est de cet art que nous parlons) comme un sujet de conversation et seulement comme tel me semble inqualifiable. L'envisager uniquement comme un objet d'intérêt personnel (gagne-pain, occasion de se faire un nom et d'arriver, possibilité de vendre un scénario ou de se vendre), ou l'utiliser pour mener un combat idéologique, politique, religieux, qui lui est étranger, bref, gonfler son moi ou une cause, fût-elle la plus noble, fût-ce même l'objection de conscience, ou détriment du cinéma, trahit une malhonnêteté intellectuelle foncière. L'art exige de la critique qu'elle le serve et non qu'elle s'en serve.» («L'art d'aimer»)

Dans son article Que disent les images? (24 Images, numéro 146) Marie-Claude Loiselle poursuit et élabore sa réflexion amorcée dans son éditorial Chercher sa place (24 Images, numéro 140). Ce superbe texte empreint de lucidité est très important, car si on accuse souvent la presse quotidienne de pauvreté intellectuelle, les magazines tels que Séquences, Ciné-bulles et même 24 Images se contentent le plus souvent d’éviter de faire des vagues.

L'article est très long et si les extraits stimulent votre intérêt, il vous faudra acheter le magazine ou le consulter à la biblio. (Pour les paresseux, voici l'article en pdf, désolé pour le look, Google a changé son service dernièrement et je ne le connaissais pas jusqu'à ce soir...) Je vous offre ces extraits qui n'apparaissent pas sur le site de 24 Images.

Il y a quelques phrases assez assassines bien senties mais beaucoup de questions importantes d'ordre plus général sont soulevées comme dans cet extrait:

«On a en tout cas l'impression que les plus jeunes cinéastes sont écartelés, et quelquefois de façon confuse, entre le poids de l'héritage (du cinéma) à assumer et le besoin d'affirmer une modernité en acceptant le fait de venir justement «après», en tournant le dos à ce qui pourrait constituer une entrave à leur simple envie de faire des films. Mais paradoxalement, c’est chez ceux qui revendiquent de la façon la plus ostensible un désir de liberté, de dissidence par rapport aux impératifs imposés par le commerce que cette liberté semble la plus difficile à atteindre, comme si la chape de plomb de ce qui apparaît moderne à leurs eux tendait à se refermer sur eux tels un piège, une prison. La lenteur, les silences soutenus, la fixité des cadrages, la quasi-absence de dialogue inscrivent, certes, leurs films aux antipodes d’un certain univers audiovisuel aux effets tonitruants, mais cela les place-t-il du coup à l’abri des tendances et de tout conformisme autant que leurs auteurs le souhaitent?»

À lire, absolument.

Finalement Pierre Foglia. Je suis toujours étonné du phénomène Foglia. Cet auteur adore l’écrit, il s’applique, il approfondit, il se torture pour livrer des textes vivants et intelligents, les gens l’aiment, l’admirent, on dit même que les ventes de La Presse augmentent quand on le publie. Alors quoi, la qualité peut vendre? Pourquoi la tendance est-elle uniquement de niveler par le bas dans les médias?

En tout cas, qu’il parle de vélo ou de cinéma, on a toujours envie d’être d’accord avec lui.

«Les céréales»