jeudi, décembre 14, 2006

-There's only one trilogy you fucking morons

Seigneur des anneaux ou Star Wars?

«...three movies of people walking to a fucking volcano.»
«Danger. Danger. My name is Anakin and my shitty acting is ruining saga.»

On voit quelquefois des adultes matures (ou non) dévoiler leur côté fanatique et enfantin au grand jour lorsque vient le temps de défendre une oeuvre cinématographique. Ce phénomène est drôlement bien parodié dans un film pas du tout sérieux que je viens de voir il y a quelques jours, Clerks II. Youtube à l'appui, je peux partager ce moment hilarant avec vous.

http://www.youtube.com/watch?v=b0sc-gS9AqM

mardi, décembre 05, 2006

Nostalgie et désirs

Je pensais dernièrement à quelques dessins que j'ai donnés et dont je ne me rappelais même plus l'existence. Il y a celui-ci que je ne donnerai jamais, je pense.

Ces temps-ci, j’aimerais pouvoir lire davantage, me remettre au dessin et à l’étude du mandarin, faire du montage vidéo, écouter plus attentivement Wagner, prendre un cours de cinéma, perfectionner mon écriture, appeler mes amis et ma famille… Or ces dernières semaines, rien de tout ça. Je n’ai fait que travailler et m’occuper de mon déménagement. Quoi de plus trivial. Je me lis et je m’ennuie.

Ce dessin représente pour moi un des chemins que je n’ai pas emprunté : celui de devenir artiste (ou architecte). Après ce dessin, j’ai compris que le réalisme était chose très facile pour moi et que je devais explorer d’autres avenues. Ce que je n’ai pas fait.

Pour apaiser mes pulsions créatrices, j’ai substitué la vidéo au dessin, mais sans jamais réussir à terminer mes quelques projets amorcés. Dès que j’aurai terminé le contrat pressant qui m’occupe en ce moment, je me promets de m’y remettre…

Note sur le dessin : on peut penser que ce dessin représente l’amour ou l’amitié –ce qui ne serait pas faux- mais il s’agit en réalité de deux mâles qui se regardent de très près dans les yeux avant de se charger. C’est un peu yin et yang comme représentation.

mercredi, novembre 29, 2006

Quelques images du dernier Zhang Yimou

Une nouvelle bande-annonce du film Curse of the Golden Flower de Zhang Yimou vient d'être mise en ligne. Homme d'affaires en même temps que cinéaste, il alterne habilement entre films intimistes et films grand public. Ainsi, après Riding Alone for Thousands of Miles, il enchaîne avec un film historique à grand déploiement et à l'esthétique léchée qui devrait plaire autant au grand public chinois qu'américain.

Chow Yun-Fat est aussi connu en Asie qu'en Amérique et Gong Li est un peu plus connu du grand public américain depuis qu'elle a tenu des rôles dans Memoirs of a Geisha et Miami Vice (Gong Li parlant français avec un petit accent hispanique... euh, enfin). Zhang Yimou semble vouloir ratisser le plus large public possible avec ce film.

Pour ceux qui suivent la carrière du réalisateur depuis longtemps, ce film a été l'occasion pour Gong Li et Zhang Yimou de se retrouver sur le même plateau, eux qui n'avaient pas travaillé ensemble depuis La Triade de Shanghai (1995).

J'ai bien hâte de voir ça, espérons que ce sera moins ennuyant que House of the Flying Daggers et plus profond et développé que Hero.

Critique aigre-dou... aigre

Je suis tombé par hasard sur cette courte critique que je n'aurais pas osé écrire de cette façon mais qui rejoint pas mal ce que je pense de Dans Les Villes de Catherine Martin. Dommage, c'est le genre de film contemplatif que j'aurais aimé aimer.

Dans Les Villes
Directed by Catherine Martin
CANADA/90 MINUTES/VISIONS
One can't help but wonder just who Dans Les Villes has been crafted to appeal to, as writer/director Catherine Martin has infused the movie with an unreasonably slow pace and an underlying sense of pointlessness. The story revolves around several thoroughly miserable characters as they attempt to get through their day-to-day lives. Martin kicks the proceedings off with an interminable sequence set inside a museum, and it's all downhill from there. The filmmaker seems to have a certain amount of disdain for her audience, as she's clearly not even remotely interested in offering up an entertaining or even interesting cinematic experience. As such, Dans Les Villes contains a surfeit of long, relentlessly tedious sequences that go absolutely nowhere - ie characters walk aimlessly, ride the subway, go shopping, etc - leaving the viewer with little to do other than daydream and count the reel changes. It's a shame, really, as the movie is actually fairly well made and nicely acted - though some of these characters are somewhat lacking in authenticity (the blind guy [Robert Lepage!!!] who takes pictures is a fairly good example of this). It's apparent right from the get-go that Martin is going for a Magnolia-esque portrait of loneliness, but since every one of these characters remains sketchily drawn (at best!), the film is distinctly lacking in the sort of emotional impact that Martin must have been striving for.

http://www.reelfilm.com/tiff0603.htm#dans

mardi, novembre 21, 2006

Tension entre l'intello et le populiste

Dernièrement j'ai écrit un billet (au titre un peu ampoulé, je l'admets) sur le blogue de Canoë au sujet de ma découverte tardive du film de Robin Aubert, Saints-Martyrs-des-Damnés. J'y nommais d'autres cinéastes comme Robert Morin, André Forcier, Éric Tessier et Alejandro Jodorowsky. Il n'y a eu qu'un commentaire de la part d'un internaute et ce fut:

«O...K...Voici un blogue qui ne s'adresse pas à moi. J'écoute beaucoup de film et je ne connait presque qu'aucune personne que tu nommes.Plus sobre et dépouillé que Jodorowsky!?! Come on...»

Lorsqu'on occupe un espace public, faut-il toujours aborder des polémiques ou parler des derniers blockbusters? Suivre la vague médiatique? Sans toujours vouloir surfer à côté de la vague, je parlais tout de même dans ce billet d'un film parrainé par Roger Frappier et Luc Vandal à grands coups de publicités. Le métro et les journaux étaient remplis d'affiches de Saints-Martyrs-des-Damnés avant son lancement en salles. Est-ce un film si obscur? Mais qui est notre internaute moyen?

Cela me faisait penser aux échanges que j’ai eu récemment avec quelques internautes sur le blogue de Helen, Arrête ton cinéma, au sujet de la critique et du public cible auquel s'adressent les critiques (entre autres choses). Certains des intervenants accusaient la critique actuelle d'être très relâchée, pauvre en arguments et en analyses, médiocre, voire nulle. Or, presque tout de suite après, je lis un commentaire d'internaute comme ça. Entre ces deux extrêmes, une partie de moi a envie de «tout sacrer là».


Mais il faut être plus dur que ça envers soi-même et se faire une carapace car il y aura toujours des gens pour dire qu'un journaliste est trop intello et trop obscur ou alors trop populiste et insignifiant. Alors à moi de faire l'introspection, de juger ce qui est important et d'aller de l'avant.

Ce commentaire précis m'a incité à écrire un long billet sur Jodorowsky en prenant pour prétexte son prochain film, King Shot, qui devrait mettre en vedette Marilyn Manson. Un nom qui attire l’attention…

(Dessin de Selçuk Demirel, dont j'admire l'univers)

Altman nous a quitté

C'est rare que je réagis à chaud comme ça, mais voilà, ça me touche beaucoup. Je viens d'apprendre que:

«Le réalisateur et scénariste américain Robert Altman est décédé lundi soir dans un hôpital de Los Angeles. Il avait 81 ans.

Il avait notamment réalisé "M.A.S.H", "Trois femmes", "Prêt-à-porter" et "Gosford Park".

La cause de son décès n'est pas encore connue. »

C'est vrai qu'il n'était plus tellement en santé. Sur le plateau de son dernier film, A Prairie Home Companion, on avait même engagé Paul Thomas Anderson au cas où Altman mourrait pendant le tournage. Et bien, voilà... Un autre grand qui s'en va. Rest in peace.

PS.: je n'ai pas abandonné mon blogue, je reviens vite c'est promis!

samedi, octobre 21, 2006

Schizophrénie bloguienne

En ce moment, je couvre le Festival du nouveau cinéma comme je peux. Nouveau défi, nouveau rythme d'écriture, marathon de visionnements, etc. J'aime bien ça tout en me promettant d'être mieux organisé une prochaine fois.

Une autre chose s'est ajouté cette semaine: ma participation au blogue de Canoë. J'ai indirectement soulevé la question dans mon premier et unique billet sur Canoë, mais je me demande comment je vais faire pour nourrir deux blogues. En fait, je dois définir ma vision pour chacun des deux blogues afin de trouver et de trier les sujets correspondants. Je pense qu'ici je continuerai de donner quelques bribes d'états d'âme (comme ce présent billet) et de longs billets «sérieux». Sur le blogue Canoë, j'essaierai d'être plus collé à l'actualité... Enfin, je verrai bien.

mardi, octobre 03, 2006

Tati dépoussiéré

Je sais depuis longtemps que Radio-Canada a travaillé très fort pour numériser et organiser ses archives et faire un super site web du tonnerre. Mais je n'avais jamais visité ses voûtes virtuelles jusqu'à hier. Hier, je regardais le film Mon Oncle de Jacques Tati et je cherchais des informations sur le web – par rapport à son jeu chaplinesque notamment – et je tombe sur le site de Radio-Canada. Il y a là une entrevue de 30 minutes où Tati fait rire Fernand Séguin, l'auditoire et l'internaute. Il répond aussi avec intelligence et précision, avec toute son originalité, aux questions fort pertinentes et pas toujours confortables de Séguin. Bref j'ai bien aimé.

J'ai vu en passant que Radio-Canada avait rendu disponibles des entrevues (télé et radio) avec Jean Cocteau, François Truffaut, Simone Signoret, Louis Malle, Jeanne Moreau, Jacques Prévert, Alain Resnais et Marguerite Duras. Et ça c'est seulement pour la période de la nouvelle vague.

S'il n'y a rien qui pique votre curiosité là-dedans...

-Entrevue avec Jacques Tati

-Section nouvelle vague

-Pour ne plus savoir où donner de la tête, Arts et culture

mardi, septembre 26, 2006

Kaufman le réalisateur

Ceux qui me connaissent un peu savent que je suis fana du scénariste Charlie Kaufman, de A à Z. Si vous ne le saviez pas, vous le savez maintenant.

Alors imaginez mon émotion lorsque j'ai vu sur imdb que Kaufman allait réaliser son premier film! Synecdoche, New York. Non, non, n'allez pas trop loin dans votre imagination, il ne s'agit tout de même pas d'une histoire de coeur ou d'une augmentation salariale. Si je me fie à cet article du Los Angeles Times, il y a tout de même des raisons de s'exciter un peu. Le journaliste qui a eu l'occasion de lire et de relire le script dit (notamment):

Synecdoche will make Adaptation and Eternal Sunshine look like instructional industrial films.

Ouf!

Voici l'article complet qui devrait donner l'eau à la bouche à quelques-uns d'entre vous:


Scriptland: Reading Charlie Kaufman's Next Project
Eternally expanding his art, the writer's "Synecdoche, New York" is personally epic.

By Jay A. Fernandez, Special to The Times
September 13, 2006

I have the new Charlie Kaufman screenplay on my desk.

I've read it — no, lived it. I've been moved and astounded by it. And I'm tortured by the dilemma of what I should or should not say about it here. I feel a bit like Frodo palming the One Ring.

The last two weeks have been a grueling cacophony of real and imagined voices — other journalists, producers, publicists, Kaufman, myself — trying to convince me either of my righteousness as a journalist or of my complicity in possibly hurting one of the greatest screenwriters in history, a man with a craving for privacy as singular and passionate as his creative vision.

Kaufman is widely and justifiably considered the most inventive screenwriter in Hollywood. He was nominated for an Oscar for both "Being John Malkovich" and "Adaptation," and finally won one (along with Michel Gondry and Pierre Bismuth) for "Eternal Sunshine of the Spotless Mind."

On a personal and professional level, I thought reading his latest script would bring me great joy. Charlie Kaufman is that rare artist who expands the possibilities of his art form. His work is designed to be experienced more than read or seen. His filmed screenplays become beautifully melancholy windows into some of life's most indescribable (and unavoidable) emotions.

But many people, beginning with Kaufman, do not want me to have the script, do not want me to read the script, and without question do not want me to write anything about the script. Words like "super-sensitive," "invasive" and "freaked" have been cautiously leveled at me as I've reached out to those involved with the project to get their thoughts on it.

And what a project. Ambitious doesn't even begin to describe the sublime and scary head-trip that is "Synecdoche, New York." For one thing, the marketers are going to have to borrow from the P.T. Anderson "Magnolia" poster campaign, in which the title was broken out syllabically, just to get people to pronounce the film properly. (It's sin-neck-duh-key, emphasis on the neck.)

For all those who aren't AP English professors, a "synecdoche," other than a clever play on Schenectady, where some of the film takes place, is a figure of speech in which a part is used to describe the whole or the whole is used to describe a part (think "threads" for clothes, or "the law" for a police officer). It's representative shorthand.

Yes, I had to look it up. Several times. And this is far from the only reference or play on words in Kaufman's story that rewards a closer look.

"Synecdoche" nominally concerns a theater director who thinks he's dying, and how that shapes his interactions with the world, his art and the women in his life. But it is really a wrenching, searching, metaphysical epic that somehow manages to be universal in an extremely personal way. It's about death and sex and the vomit-, poop-, urine- and blood-smeared mess that life becomes physiologically, emotionally and spiritually (Page 1 features a 4-year-old girl having her butt wiped). It reliably contains Kaufman's wondrous visual inventions, complicated characters, idiosyncratic conversations and delightful plot designs, but its collective impact will kick the wind out of you.

Spike Jonze, who directed Kaufman's scripts for "Malkovich" and "Adaptation," was once destined to helm this new project, but eventually opted for the Dave Eggers co-scripted "Where the Wild Things Are," now shooting in Melbourne, Australia. This left Kaufman, who's always been deeply involved with the making of his screenplays, to direct it himself. He's currently finalizing casting deals with an eye toward filming next spring.

If this film gets made in any way that resembles what's on the page — and with the writer himself directing, it will likely gain even more color and potency in the translation — it will be some kind of miracle. "Synecdoche" will make "Adaptation" and "Eternal Sunshine" look like instructional industrial films. No one has ever written a screenplay like this. It's questionable whether cinema is even capable of handling the thematic, tonal and narrative weight of a story this ambitious.

But, as one character says, "People starve for something of worth." Well, moviegoers will surely be gorging on the power and depth of this film for a long time.Meanwhile, I feel terribly sick to my stomach.


vendredi, septembre 08, 2006

Kitano le cancer du Japon


Ou Notre cinéma conformiste et plate (la suite)

Rencontre / Takeshi Kitano, Cahiers du cinéma juillet-août 2006

Faire un film destructeur

Quel désir est à l'origine d'un film aussi étrange que Takeshis'?

Takeshi Kitano. Depuis la naissance du cinéma, les films ont raconté beaucoup d'histoires différentes, mais de manière finalement assez similaire. J'ai eu envie d'essayer de sortir de la relation à l'espace et au temps qu'a, très tôt, instaurée le langage cinématographique, pour explorer de nouvelles pistes. Je voulais tenter de boulverser le rapport au temps, et explorer d'autres dimensions que les quatre dans lesquelles on reste enfermé d'habitude. Bien sûr, d'autres avant moi ont fait des tentatives comparables mais j'ai essayé de le faire à ma manière. Avec en tête deux références importantes, l'utilisation du montage par Jean-Luc Godard et la conception de l'image de Federico Fellini.

Et Bunuel?

T.K. Je ne connais pas ses films.

Il s'agit donc d'une expérience formelle, inscrite dans votre propre perception de l'histoire du cinéma?

T.K. Pas seulement du cinéma. Ce sont des aventures formelles que connaissent tous les arts, la peinture occidentale est passée par les étapes de l'impressionnisme, du cubisme, de l'abstraction et de la déconstruction. J'ai eu envie de tenter une opération de déstructuration. La matière sur laquelle je travaille, c'est le temps, qui est le matériau principal du cinéma. Mais pour mener à bien ce projet, il m'a semblé qu'il fallait que j'incarne physiquement cette déstructuration du temps, que cela devait passer par mon propre corps et mon propre personnage. Apparamment j'ai échoué: au Japon en tout cas, pratiquement personne ne m'a suivi.

On connaît beaucoup de films fondés sur un dédoublement. Il est beaucoup plus rare et troublant d'avoir affaire à un triple personnage.

T.K. Au début du film, il y a ce qu'on appelle au Japon le talento Beat Takeshi(1), qui est effectivement une facette de moi-même. Le deuxième Takeshi, celui qui rêve de devenir acteur, est en fait un personnage rêvé par Beat Takeshi et qui peut prendre de multiples apparences. Le troisième Takeshi, c'est moi, le réalisateur. Comme réalisateur, j'en ai marre qu'on me parle toujours de yakusa, j'ai mis en scène ce rapport obsessionnel en faisant rappliquer sans cesse des yakusas dans le cadre, comme un refoulé qui s'imposerait sans cesse à moi.

Vous menez deux carrières séparées, au cinéma et à la télévision. Pour vous, il s'agit de deux moyens d'expression différents?

T.K. Au cinéma, l'image est plus importante, il s'agit de construire un imaginaire différent de ce qu'on montre. Les films sont toujours des paysages mentaux – pas la télévision. Takeshis' est, de manière plus affirmée que d'ordinaire, la représentation d'un paysage mental, j'ai entièrement privilégié cette approche plutôt que de raconter une histoire ou partager des sentiments, dimension qui sont malgré tout plus actives dans d'autres films.

À quoi ressemblenet vos scénarios? Décrivez-vous à l'avance ce que vous allez tourner?

T.K. Non, ce que j'écris est plutôt minimaliste, il y a peu de dialogues. J'ai du mal à traduire en mot l'univers que j'ai en tête. Pourtant, en général ce que je veux est très précis, mais j'ai du mal à le communiquer. En revanche, je note souvent des idées de couleurs, d'assemblages de couleurs qui me semblent convenir pour une scène. Ensuite c'est durant les repérages que je trouve les exemples concrets illustrant ce que je cherche, et que je peux les montrer à l'équipe.

On peut voir Takeshis' comme un film du doute, sur vous-même, votre identité, votre statut.

T.K. Je comprends, mais ce n'est pas ça. Le doute, c'est maintenant que je l'éprouve, je me demande quel film faire après Takeshis'... Cela fait longtemps que j'ai envie de réaliser ce film, qui est une manière de s'interroger sur les manières variées dont les gens perçoivent un même fait. J'ai voulu inventer un style différent de celui de Rashomon, une manière plus instable, plus en déséquilibre. J'ai beaucoup admiré Rashomon et le cinéma de Kurosawa, il a joué un rôle décisif dans mon désir de faire du cinéma, mais je n'ai pas envie de faire le même cinéma que lui, de composer ces cadres parfaits. C'est trop! Ça ne me plairait pas, et de toute façon je n'ai pas le temps avec tout le travail que j'ai en même temps à la télévision, je dois aller vite. Je fais des films plus expédiés, mal coiffés, je fais du cinéma punk. Encore une fois, Takeshis' est conçu comme un film destructeur, pour casser un cinéma qui serait encore resté à l'ère impressionniste.

C'est aussi prendre le risque de l'échec: le public est plutôt traditionaliste, il n'aime pas les oeuvres de rupture.

T.K. C'est vrai, je le savais depuis le début, et surtout les producteurs le savaient, longtemps je n'ai pas pu monter ce film. Heureusement, Zatoichi a été un énorme succès, j'ai gagné assez d'argent pour me permettre de prendre ce risque, et de pouvoir survivre à l'échec commercial.

Le plan qui ouvre et ferme le film vous montre en soldat combattant les Américains. Faut-il y voir un symbole?

T.K. Non, surtout pas. Dans ce film, il y a beaucoup d'images qui n'ont pas de sens particulier. Comme dans les rêves... À l'origine, je voulais appeler le film Fractal – voilà qui aurait sûrement amélioré son succès, non? «Fractal» renvoyait à ce projet de déconstruction, à la mise en jeu d'éléments séparés pour interroger l'état de l'ensemble. Il s'agit de morceaux de rêves qui ne semblent pas raccorder ensemble, mais dont l'assemblage construit tout de même une forme. Le fractal est lié à l'époque du numérique, du nouveau rapport au monde comme totalité et comme assemblage de composants disjoints que cette technique permet, ou impose. C'est sans doute pour cela que j'ai eu l'idée de Takeshis' au moment où je tournais mon premier film en numérique, Kids Return (1996).

Le scénario date de cette époque?

T.K. J'ai écrit un scénario dont il reste très peu de traces dans le film aujourd'hui. À l'époque, tout était construit autour du chauffeur de taxi, qui imaginait les rêves de ses cliens.

Dans ce film, pratiquement tout le monde est en conflit avec tout le monde, les rapports sont très agressifs.

T.K. C'est la réalité que je connais. Au Japon, tout est organisé en groupes antagonistes, en clans rivaux, etc. Pensez qu'il y a une association des victimes d'Hiroshima et une association de victimes de Nagasaki, eh bien elles se haïssent. Le pays est entièrement soumis à ces kyrielles d'affrontements de toute nature, plus ou moins reliés entre eux et souvent totalement dépourvus de raison. Tous mes films, d'une manière ou d'une autre, dénoncent cette réalité catastrophique qui tient à ce que, depuis la fin de la Guerre mondiale, le Japon s'est reconstruit sur des mensonges. Tant qu'on ne dira pas la vérité, qu'on n'acceptera pas notre histoire, cela continuera.

Comment faites-vous pour travailler, de manière aussi créative, dans un tel contexte?

T.K. Je travaille seul. Avec Masahiro Mori, mon producteur, nous avons créé une structrue autonome, Office Kitano, qui me permet de mettre en oeuvre mes projets sans dépendre des autres. Je ne saurais pas travailler autrement. Mais je suis, et je veux être un élément de crise dans la société japonaise, je suis un cancer pour le Japon, ils essaient de m'éliminer, mais je suis un cancer très virulent. Ils ne m'auront pas.

Propos recueillis par Jean-Michel Frodon, avec l'aide de Catherine Cadou.

1. «Talento» désigne les vedettes, indifféremment à la télévision, dans la chanson de variété et à la couverture des magazines. Beat Takeshi, nom de scène de Kitano à ses débuts, reste l'identité sous laquelle il poursuit, comme acteur et comme producteur, une prolifique carrière de comique à la télévision, parallèlement à ses activités de cinéaste.

Notre cinéma conformiste et plate

Environ un siècle après le passage de l'impressionnisme, de l'expressionnisme, du surréalisme, du dadaïsme et des autres ismes qui secouèrent à leur façon les assises des écoles conservatrices dans les diverses formes artistiques, je m'étonne toujours de voir la trop grande place qu'occupe le réalisme dans les films grand public. Pourquoi n'avons-nous pas évolué davantage dans notre façon de représenter le réel? Est-ce la faute des scénaristes? Des réalisateurs? Des studios? Du public? Le phénomène social échappe-t-il à la volonté des individus? Pourtant notre bagage culturel et nos moyens technologiques nous permettraient de créer un langage cinématographique beaucoup plus riche et probablement beaucoup plus juste pour exprimer notre «réalité».

Je m'étonne parce que dans presque toutes les formes d'art que nous connaissons en Occident, les artistes ont tous fini par représenter leur réalité «de l'intérieur». Toutes sauf celle du cinéma. Vous remarquerez que la plupart du temps, on suit des personnages «de l'extérieur» dans une histoire chronologique ou presque. Tout ça n'a rien à voir, mais absolument rien à voir, avec votre réalité à vous et à moi. Même si nous sommes soumis physiquement au temps et à la durée (de notre corps), notre réalité est d'abord mentale, psychologique, nerveuse, d'un mouvement perpétuel et circulaire entre l'intérieur ET l'extérieur. Dans une conversation à quatre, debout dans un hall public, rien n'est chronologique et l'utilisation du fameux champ/contre-champ n'est qu'un vieux réflexe primitif pour la représenter. La discussion part dans tous les sens, tantôt vous écouter attentivement, tantôt vous êtes distrait «tiens, une belle fille. Ses souliers sont un peu laids par contre. Ça me fait penser que je dois en acheter une nouvelle paire. Si je peux recevoir ce foutu chèque. Qu'est-ce qu'il me disait déjà lui. Ah oui.»

Un autre exemple. On enferme une personne dans une pièce vide sans fenêtre pour une période de deux heures. Que serait un film réaliste? Braquer une, deux, trois ou quatre caméras sur la personne pour filmer sa réaction? Ce serait d'un ennui mortel. Pourtant, la personne qui est enfermé là vivra peut-être les deux heures les plus intenses de sa vie: émotivement, psychologiquement et mentalement. Que vit la personne en «réalité»? Elle cherchera des explications, elle aura peut-être d'innombrables hypothèses et solutions, de la rage contre des personnes, des souvenirs douloureux, le désir d'être ailleurs dans un endroit précis, etc. Toutes ces idées et ces émotions se produiront de façon désordonnée, nerveuse, la pensée revenant parfois aux mêmes hypothèses et aux mêmes solutions cycliques. Le vrai défi des cinéastes de demain, c'est de sortir des petits patterns bien établis (par exemple le flash-back explicatif). Le mélange des genres à la Tarentino, c'est bien beau, c'est sanglant et drôle à la fois et ça «flash» esthétiquement, mais ça n'apporte rien de neuf. Des combats au ralenti à la Matrice, une très belle trouvaille technique mais qui se rapproche en quoi de notre réalité psychologique? En rien.

Loin de moi l'espoir de voir un jour le cinéma devenir à l'image des films de Stan Brakhage, mais je pense que le succès de films comme Being John Malkovich et Eternal Sunshine of the Spotless Mind laisse entrevoir une forme d'évolution vers un cinéma différent.

Alors que j'attendais impatiemment de sortir de l'hôpital Ste-Justine où les médecins trouvaient des maux inexistants à mon fiston et au gré de mes nombreuses lectures cumulées pendant ce qui s'avéra 6 jours d'attente institutionnelle, j'ai lu deux articles qui rejoignent ces préoccupations concernant le réalisme. Voici donc deux extraits que je veux partager avec vous. L'un est tiré d'un entretien du 24 Images avec Zbigniew Rybczynski et l'autre est un entretien complet des Cahiers avec Takeshi Kitano (dans le prochain billet). Lorsque j'ai vu l'analyse que fait Rybczynski des peintures du Moyen Âge et les leçons qu'il en tire, j'ai tout de suite été d'accord, et je ne vois plus l'art de cette époque de la même façon.

24 Images No 127

Qui a peur de la technologie?

C'est l'idée même de la réalité qui sera ainsi transformée.

L'idée du réalisme, du moins. J'ai la conviction que les gens regarderont bientôt les films prétendument réalistes d'aujourd'hui avec un sourire moqueur, s'amusant de notre naïveté, cela parce qu'il sera bientôt possible de concrétiser, de visualiser une image qui sera plus proche de celle qui existe dans notre tête, dans notre imagination. Nous n'arrivons pas encore à bien décrire cette image parce que nous n'avons pas le langage visuel pour l'exprimer, mais nous le pressentons. Nous sommes actuellement en train de lui donner une forme grâce aux progrès techniques. La perspective d'accéder à ces images mentales est extrêmement stimulante.

Je ne crois pas avoir directement répondu à votre question de tout à l'heure, mais j'ai l'impression que nous allons dans la direction que vous vouliez emprunter.

Tout à fait. De toute façon, vos propos nous permettent de déduire votre réponse à la question. J'aimerais cependant que vous élaboriez sur le concept d'image mentale.

Prenons New York, Manhattan. Si vous arrivez au coeur de la ville, en moins de deux secondes vous sentez les masses autour de vous, vous vous faites une idée claire de votre environnement et se dessine dans votre tête une sorte de carte de la ville avec vous au milieu, tout petit mais important à la fois. Je crois qu'il n'y a aucun moyen, avec une caméra, de traduire efficacement cette image mentale. Il n'y a pas un point de vue qui permette de le faire. Or, avant l'apparition des lentilles, dans les peintures de la fin du Moyen Âge par exemple, il est intéressant de constater que les artistes ont essayé de capter de telles images. Ce sont des images dans lesquelles se fondent un ou des individus, un espace géographique, des idées, des événements qui se sont produits à des moments divers. Tout cela a plus ou moins disparu avec l'invention de la perspective.

Je suis d'avis que ces images dites primitives expriment davantage la réalité psychologique que ce que peuvent offrir, par exemple, les représentations photographiques. Il y a une forme de régression découlant de ce qu'on pourrait appeler la dictature du regard. Ce qui n'est pas étonnant car toutes les découvertes, toutes les technologies provoquent d'abord une part de régression, souvent de manière incidente.

Si vous prenez une émission de télévision datant de la fin des années 1960, vous remarquerez d'abord la lenteur du montage. En publicité, à cette époque, un plan durait au minimum cinq secondes. À la fin des années 1980, on voyait des plans d'une seconde en publicité. Aujourd'hui, il n'est pas rare d'en voir qui durent 1/6e de seconde. Ce changement est lié à l'évolution technologique- le montage numérique permet de travailler ainsi -, mais il est aussi lié au fait que les spectateurs réagissent positivement à cette vitesse. Pourquoi? Peut-être parce que cela correspond davantage au fonctionnement cérébral, qui nous fait voyager dans le temps, dans l'espace, dans divers niveaux de réalité. Je crois que le surréel est plus conforme à notre mode de pensée que l'idée naturaliste qui tend à dominer encore aujourd'nui. Des associations d'images, des images qui étaient inacceptables il y a tout juste vingt ans deviennent aujourd'hui la norme. Je le répète, cela a à voir avec le fait que les gens sont en mesure de sentir que ces représentation sont proches d'eux. Ce que nous découvrons peu à peu est quelques chose qui est à l'intérieur de nous.

mardi, août 15, 2006

Films en attente

Aaah, j'ai commencé à profiter de 3 semaines de congé de paternité sur 5 en cette mi-août. Je dois dire que ça fait du bien et que, pour une fois, j'apprécie une mesure gouvernementale - qui nous coûtera sûrement chère au bout du compte, mais qui demeure une bonne idée quand même.

Comme c'est le cas pour bien des gens, il y a quelques années, lorsque arrivait le moment de choisir un film au club vidéo, les titres de films qu'on m'avait suggérés s'envolaient comme par magie. Ainsi - il y a très très longtemps - j'ai regardé les deux premiers Highlander par mégarde avant de me rendre compte que ce n'était pas le titre qu'on m'avait suggéré: Blade Runner. Depuis, les choses ont changé. En ayant marre d'avoir le cerveau vide devant les boîtiers de cassette vidéo, j'ai commencé il y a quelques années à dresser une liste des films que je voulais voir, éliminant ainsi mon problème de choix... et de mégarde. Le problème, s'il en est un, c'est que ma liste gonfle de façon constante sans que j'aie le temps d'en voir le quart. Parce qu'en plus des titres s'accumulant sur notre liste, l'industrie ne cesse de vomir chaque année des tonnes de films que nous voudrions voir.

Voici les DVD que j'ai en ma possession et qui attendent de visiter mon lecteur. On ne parle donc même pas de ma liste de films que je veux louer prochainement...

Il y a ceux que j'ai commencé à regarder (oui c'est terrible, mais comme pour les livres, je commence des films que je termine plus tard)

Edvard Munch de Peter Watkins
Vampyr de Dreyer, que j'ai déjà vu
How the West Was Won, gigantesque film à trois réalisateurs: John Ford, Henry Hathaway et George Marshall; avec une brochette d'acteurs pas possible.
Tirez sur le pianiste de Truffaut

Il y a ceux que j'ai très hâte de voir (plus ou moins en ordre d'importance):

Eraserhead de Lynch
Sin City de Miller et Rodriguez
21 Grams d'Alejandro González Iñárritu
Platoon de Stone
'Klute' d'Alan J. Pakula

Ceux que j'ai déjà vus et que j'ai bien hâte de revisionner:

Alexander Nevsky d'Eisenstein
Brazil de Gilliam
Die Nibelungen de Lang
Jason and the Argonauts de Don Chaffey
Kwaidan de Masaki Kobayashi
Powaqqatsi de Reggio
Rocky d'Avildsen
Le Septième sceau de Bergman
The Stalker de Tarkovski
Touch of Evil de Welles
Yes sir! Madame de Morin

Tous les autres que je n'ai encore jamais vus:

-A Streetcar Named Desire de Kazan
-Avant-Garde
-La Bête humaine de Renoir
-Buster Keaton TCM Archives
-La Chute d'Oliver Hirschbiegel
-Le Corbeau de Clouzot
-Le Décalogue de Kieslowski
-Le Dernier métro de Truffaut
-Down by Law de Jarmusch
-Les États nordiques de Denis Côté
-The Fall of the House of Usher de Epstein et Bunuel
-Fanny et Alexandre de Bergman
-Fargo des Coen
-Faux coupable de Hitchcock
-La Femme qui boit de Bernard Émond
-Le fils des Dardenne
-Floating Weeds (1959) de Yasujiro Ozu
-The Graduate de Mike Nichols
-Great Expectations de David Lean sur un roman de Charles Dickens
-Hara-Kiri de Kobayashi
-Hatari! de Howard Hawks avec John Wayne
-Jimmywork de Simon Sauvé
-The Leopard de Visconti
-Un Long dimanche de fiançailles de Jeunet
-The Manchurian Candidate de John Frankenheimer
-Man of la mancha d'Arthur Hiller
-Mamma Roma de Pasolini
-Méliès
-Million Dollar Baby d'Eastwood
-Mother and Son de Sokurov
-Paisa de Rossellini
-Pink Floyd The Wall de Parker
-Psycho de Gus Van Sant
-Le Quai des orfèvres de Clouzot
-The Raven de Roger Corman (avec Vincent Price, Peter Lorre, Boris Karloff et... Jack Nicholson!)
-Les rivières pourpres de Kassovitz
-Schizopolis de Soderbergh
-Sex, Lies and Videotape de Soderbergh
-Short Cuts d'Altman
-Shorts de Lynch
-Transamerica de Duncan Tucker
-Unseen Cinema, la collection
-Viy de Kropachyov et Yershov
-Z de Costa-Gravras

Une question en terminant, avez-vous un coup de coeur? Je suis très influençable. Vous pouvez aussi me souligner la présence d'un film exécrable.

jeudi, août 03, 2006

Le cinéma d'auteur selon Érik Canuel

Dans le cadre de la promotion à 2 millions de dollars orchestrée par Alliance Atlantis Vivafilm et visant à faire connaître le film Bon Cop, Bad Cop, j'ai interviewé le réalisateur Érik Canuel pour Canoë. Le résultat officiel de cette entrevue est publié ici sur Canoë.

Il y a une question que j'ai posée pour mon propre plaisir et qui n'apparaît pas sur Canoë. Elle n'y apparaît pas tout d'abord parce que c'était un peu hors sujet par rapport à Bon Cop, Bad Cop, mais surtout parce que, sans le savoir, j'étais mal préparé. La question était «Vous avez déjà dit que vous faisiez des «films d'auteur-commerciaux». Qu'entendez-vous par là?»

Lors de ma recherche sur Érik Canuel, j'ai trouvé un article du Voir où Séverine Kandelman semblait avoir «brassé la cage» au réalisateur lors d'une entrevue sur Nez Rouge, si l'on se fie au type de réponses qu'il lui a donné. Par exemple, on y retrouvait ce paragraphe:

Le réalisateur Érik Canuel nous offre une comédie romantique qui ne fait pas dans le grand Art, mais dans le divertissement sympathique. "Autant j'ai un sens développé comme artiste, c'est-à-dire que je veux être intègre vis-à-vis de mon art, autant j'ai un côté commercial qui comprend que le cinéma, c'est aussi une business. Quand tu fais un film, tu veux qu'il se vende et que les gens le voient. Je fais donc un cinéma qui est divertissant... parce que je veux que tout le monde vienne. De l'intellectuel au mineur, au livreur de bière, ce sont tous des gens qui comptent pour moi. Si mes messages sont d'ordre émotif, sociétal, tout le monde va les comprendre. T'as du plaisir, t'as pleuré, ça t'a donné le goût de rêver, c'est ça qui compte. La culture n'appartient pas à l'élite... mais qu'on s'entende: le cinéma populaire, ça ne veut pas dire que tu nivelles par le bas. Je suis un cinéaste qui fait des films d'auteur commerciaux."

Remarquez cette dernière phrase «Je suis un cinéaste qui fait des films d'auteur commerciaux». Mais qu'est-ce que ça veut dire? Je n'ai pu m'empêcher de lui poser la question.

Je ne m'en cache pas, je n'ai pas étudié en cinéma, mais plutôt en histoire. J'ai donc étudié les origines de la première et de la deuxième Révolution industrielle plutôt que de me demander ce qu'est vraiment la définition de cinéma d'auteur. Et cela paraît dans mes sous-questions. Cependant, j'ai appris par cette entrevue. Je pensais savoir précisément ce qu'était la définition du cinéma d'auteur alors que ce n'est qu'une idée floue qui nécessite des précisions. Posez-vous la question et tentez d'y répondre «Quel est le cinéma d'auteur?» Pas évident.

Justement -drôle de coïncidence- un nouvel article vient de paraître sur le site de Cadrage.net et qui s'intitule «Qu'est-ce que l'auteurisme (30 après la Nouvelle Vague)?»

Voici l'extrait d'entrevue

Antoine Godin: -Vous avez déjà dit que vous faisiez des «films d'auteur-commerciaux». Qu'entendez-vous par là?

Érik Canuel: -Moi le terme cinéma d'auteur, je le mets avec un grand «H». C'est de se prendre pour un autre que de se considérer un auteur. Tous les cinéastes sont des auteurs.

AG: -Mais est-ce que ça ne renvoie pas plus à quelqu'un qui écrit son scénario?

ÉK: -Non. Sais-tu d'où vient le terme cinéma d'auteur? André Bazin, Cahiers du cinéma, sais-tu à qui il l'a donné? Premier qui a été nommé cinéma d'auteur: Alfred Hitchock. Il n'a jamais écrit un film. Ça a été approprié par les intellos qui voulait se considérer...

AG: -Un cinéma d'auteur, souvent par exemple, Robert Morin c'est vraiment son univers direct qu'on voit. Toi c'est ton univers qu'on va voir, comme dans la Loi du Cochon, mais moins direct...

ÉK: -Comme dans tous mes films.

AG: -Peut-être moins dans Le Survenant quand même...

ÉK: -Non.

AG: -C'est quand même un autre univers, une autre époque, ça ne renvoie pas directement à ta vie.

ÉK: -Attention, c'est pas la même chose. C'est ça l'affaire. Que tu sois auteur d'un scénario c'est un. Ça veut pas dire que t'es l'auteur du film. C'est pas parce que c'est ton univers direct que tu es un auteur. Je veux dire, Dali est-il moins un auteur parce que c'est pas son univers direct? Il a créé un univers qui lui appartient. Picasso. Regarde tout le début de Picasso. Ça n'a rien à voir avec ce qu'il a fait par la suite. Il a fait un choix à un moment donné. Est-ce que ce qu'il a fait avant il en est moins l'auteur? Sa période bleue n'a rien à voir avec sa période d'affaires toutes croches. Est-il moins l'auteur de l'un parce qu'il a décidé de consacrer le reste de sa vie à faire ça? Non. Ce sont des choix.

Ridley Scott est-il moins un cinéaste d'auteur? Il a une signature dans tous ces chriss de films.
Spielberg est-il moins un auteur? Il y a une signature spielbergienne dans tous ses films. Tu comprends. À un moment donné, c'est d'attribuer une lettre de noblesse qui est inexistante.
Robert Morin fait un cinéma, propre à lui, qui est très efficace par moment, beaucoup moins par d'autres, il n'est pas plus auteur que Spielberg peut l'être, ou que Tim Buron peut l'être ou que n'importe quel autre. Tout le monde est auteur de ses films.

Est-ce que c'est un bon auteur ou un mauvais auteur? Ça, ça reste à voir. Est-ce que c'est un bon cinéaste ou un faiseur d'images?

Je m'amuse souvent à dire «il y a énormément de réalisateur qui ne connaissent que 2 voyelles et 10 consonnes». Tu leur demanderais d'écrire un roman de ce qu'ils connaissent du langage cinématographique, il y aurait 2 voyelles et 10 consonnes. Ils ne connaissent pas leur médium.

Ils savent écrire un scénario et puis ils savent mettre un kodak devant lequel le monde joue.
Est-ce des auteurs? C'est des auteurs de scénario qui savent diriger des acteurs et puis qui s'arrangent pour capturer ça sur peloche. Mais souvent ce sont des pièces de théâtre sur pellicule, ce ne sont pas des films. Un film c'est un langage.

Maintenant, c'est une vision un peu arbitraire, je pense qu'il faut embrasser tout ce qui se fait et se dire «tous les cinémas sont du cinéma d'auteur». Il y a des gens qui disent sensiblement la même chose over and over dans le même style, dans la même ligne. Il y en a d'autres qui essaient d'explorer à chaque fois. Je veux dire, tu regardes ce qu'Orson Welles a fait, il n'a jamais fait rien d'aussi percutant - à part peut-être Touch of Evil, Lady of Shanghai- que Citizen Kane. Ça reste le point marquant, il a réinventé le cinéma avec ça. Lui-même l'a dit, il a copié sur tous les cinéastes avant lui et il a tout mis ça dans un film. C'est aléatoire tu sais.

Alors le terme «auteur» pour moi, quand on dit «cinéma d'auteur», quand j'entends certains cinéastes ou certains réalistateurs de films d'auteur se prétendre des auteurs et dirent qu'ils écrivent des scénarios... Oui, regarde, tu écris ton scénario. Il y a ben des gars qui écrivent leur scénario et qui devraient pas shooter de films parce que, chriss, ils ne savent pas shooter. Et puis il y a bien des cinéastes qui ne devraient pas écrire leur scénario parce qu'il ne savent pas écrire. Ils écrivent et ce n'est pas intéressant, mais ils ont un hostie de talent derrière le kodak par exemple. Je pense qu'il faut attribuer à tous les niveaux et dire que le cinéma de Robert Morin est le cinéma de Robert Morin et que ce n'est pas un cinéma d'auteur plus qu'un autre.

AG: -Ok, donc «films d'auteur-commerciaux» c'est un peu un genre de pied-de-nez?

ÉK: -Ben oui, ben oui, ben oui. C'est de s'amuser. Il y a certains films qui trompent la vigilance et qui deviennent des hosties de blockbusters qui sont pas supposés l'être, tout à coup ce sont des succès commerciaux. Va-t-on les amoindrir parce que ce sont des succès commerciaux? Non. C'est toujours un film extrêmement pointu qui a marché. Il y a des films qui sont faits pour être des succès commerciaux et qui se plantent hostie ça n'a pas de bon sang!

AG: -Comme Les dangereux.

ÉK: -Voilà. Il n'y a pas de recette.

mardi, août 01, 2006

Un film bien assommant

J'aime bien cette affirmation de Bertolt Brecht: «Depuis toujours, l'affaire du théâtre, comme d'ailleurs de tous les autres arts, est de divertir les gens. Cette affaire lui confère toujours sa dignité particulière; il n'a besoin d'aucune autre justification que l'amusement, mais de celui-ci absolument.»

Évidemment, le divertissement demeure aussi une chose «absolument» personnelle. À titre d'exemple, je me divertis tout en philosophant en regardant The Stalker et j'ai un plaisir fou à voir Ding et Dong le film. Par contre, ai-je eu quelconque amusement à voir Caché de Michael Haneke ? Que non! Certes, il y a des idées originales de réalisation et d'autres de réflexion sur l'oubli (notamment), mais l'utilisation des plans fixes où il ne se passe rien!? Les nerfs veulent nous sortir par la peau sans pour autant que le phénomène soit causé par une quelconque tension liée à la progression de l'histoire. Audacieux, original, intelligent... mais divertissant, non!

Souvent dans ces cas là, je cherche à comprendre ce que j'ai pu manquer. Par exemple, il a remporté le prix de la mise en scène à Cannes en 2005. Mouais.

Pour essayer de comprendre un peu mieux, j'ai lu une bonne partie d'une étude assez lourde sur le site universitaire Cadrage.net. Pour vous donner une idée du film et de l'étude, en voici un extrait:

«Ce sont donc trois formidables courts-circuits aux effets historiques, politiques, esthétiques, technologiques et psychanalytiques multiples et entremêlés dont Caché est structurellement zébré, tendu qu'il est à l'instar des films qui le hantent entre le lointain et le proche (dans l'espace et dans le temps), entre le privé et le public comme entre l'individuel et le collectif, entre le temps long de l'Histoire et l'« à-présent » de la brisure historique, entre l'actuel et l'intempestif selon la distinction établie par le philosophe Michel Foucault, entre les dominants et les dominés placés dans l'échelle de la stratification sociale comme l'expliquerait tout sociologue wébérien, ou encore entre les vivants et les morts, etc. »

Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je suis devant l'écran et qu'il ne se passe RIEN dans un plan, je ne commence pas à faire des parallèles sociologiques, du moins pas dans ce film.

Si quelqu'un a été diverti par ce film, il faudra qu'il m'explique comment cela lui est arrivé.


Étude sur le film Caché: http://www.cadrage.net/films/cache.htm

--------------------------------------------------------

En lisant cette étude, je suis tombé sur un terme que je ne connaissais pas. J'aime bien apprendre de nouveaux mots, alors j'ai cherché dans mes dictionnaires et il ne s'y trouve pas. Le mot est «diégèse».

Grâce au web, j'ai découvert que ce néologisme vient d'un article intitulé « La structure de l’univers filmique et le vocabulaire de la filmologie » (in : Revue internationale de Filmologie, n°7-8 [1948], pp. 231-40). Sa définition simple est :

«(Filmologie, Sémiotique cinématographique). Ensemble des éléments d’un récit filmique considérés en eux-mêmes, univers dans lequel s’inscrit une histoire.»

Si jamais la définition complète du mot vous intéresse, cliquez ici. Moi c'est l'article que je voudrais bien lire, alors si jamais quelqu'un sait comment le trouver, je lui serais reconnaissant de m'aider.

vendredi, juillet 14, 2006

Papa II

Quel air peut-on avoir le jour où on a pour la première fois de notre vie et en même temps:

un coup de froid, de l'air dans les poumons, un sein dans la bouche, le soleil directement dans les yeux, plein de gens nous parlant et nous touchant, une couche au cul et tout ce qu'il faut pour la remplir, le cri de notre propre voix, des piqûres aux talons, un bain, une tuque et des vêtements ?

Cet air là:



Après la naissance de Ludovic un 10 juillet 2004, voici celle de Médéric, un 14 juillet 2006.

jeudi, juillet 13, 2006

Cinémas engagés

On n'a pas toujours envie de lire le Monde diplomatique ni Manière de voir. Surtout que l'un et l'autre valent bien un roman chacun. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le prochain numéro de Manière de voir n'est pas consacré à quelconque problème politique africain ou à un des nombreux effets pervers de la mondialisation, mais plutôt au cinéma. On y retrouvera une tonne de textes sur les cinémas engagés. Évidemment, le thème central demeure politique, fidèle à l'esprit du journal.

On retrouve trois textes accessibles en ligne pour un avant-goût:

-Apocalypse Now ou la fuite dans le symbole
Christian Zimmer

-Tsahal, défense et illustration de l'armée israélienne
Amnon Kapeliouk

-Titanic et la lutte des classes
Thomas C. Frank

Aussi d'autres titres qui ont l'air intéressants tels que:

-Redécouvrir Le Cuirassé Potemkine
Lionel Richard
-«Phobies jaunes» à Hollywood
Jean-Pierre Jeancolas
-L’apocalypse nucléaire vue d’Amérique
Anne-Marie Bidaud
-Filmer le conflit du Vietnam
Ignacio Ramonet
-Présence du Québec caméra au poing
Roger Bourdeau
-Le drame intérieur du Danois moyen
Dorthe Wendt
-Renaissance méconnue du cinéma russe
Sylvie Braibant

Bien d'autres articles s'y retrouvent. Si le cinéma politique et les textes intellos d'analyse vous intéressent, consultez tous les détails sur le numéro 88 de Manière de voir à cette adresse :
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/88/

vendredi, juillet 07, 2006

La tragédie des dragons

Triste, c'est vraiment triste. J'ai tellement aimé voir la pièce de théâtre La Trilogie des dragons de Robert Lepage que j'étais tout excité quand j'ai appris qu'il voulait l'adapter au cinéma. Hé bien non, s'il faut en croire les dernières déclarations du cinéaste de Québec qui se fait plutôt boudeur en fermant Ex aequo. Il se dit tellement de choses depuis quelques jours sur ce sujet compliqué qu'est le financement public du cinéma qu'il est difficile de s'en faire une opinion.

Rapidement, je dirais que:

-Le gouvernement actuel n'en a rien à cirer (féd. et prov.)
-Le système d'enveloppes à la performance est certainement à revoir rapidement
-Davantage de petits films devraient être financés dans une certaine mesure sans qu'on ne laisse de côté les plus gros
-Nous ne devons pas oublier que nous vivons dans un tout petit pays d'environ 7 millions d'habitants, soyons réalistes et modestes en rêvant un peu moins quant à notre capacité de financer des films avec des fonds publics.
-Je sais que c'est facile à dire, mais je vais le dire quand même: cesser de vouloir à tout prix imiter une certaine industrie américaine lourde et coûteuse. Il y a des bijoux du cinéma qui ont été tournés avec rien, le génie n'est pas directement lié à l'argent. En quatre mots: penser le cinéma autrement (au moins quelques fois).
-Se donner les moyens de récupérer une partie de l'argent qui circule dans le monde du cinéma pour le redistribuer aux artisans. On ne fait presque rien de ce côté là. Par exemple, dans La Presse d'aujourd'hui, on rappelait qu'en France on impose une taxe aux compétiteurs hollywoodiens pour financer le cinéma national. Pourquoi ne pas faire cela ici aussi?

Je reviendrai sur ce sujet très large dans un billet plus élaboré. Je termine d'ailleurs quelques lectures à ce sujet.

J'ai trouvé ça un peu étrange que Robert Lepage et le producteur Mario St-Laurent brandissent encore le drapeau de l'inéquité régionale en disant «Hors de Montréal, point de salut!». Si cela a le mérite de donner un angle d'attaque particulier au débat et d'attirer l'attention, je ne pense pas que le problème soit vraiment là.

Région ou pas, il demeure toutefois étonnant que le projet de Lepage n'attire pas plus l'attention des gens de Téléfilm. La pièce de théâtre a eu du succès aux quatre coins de la planète et Robert Lepage possède une renommée internationale. De plus, il a remporté le prix Génie pour la meilleure adaptation cinématographique de sa pièce de théâtre La face cachée de la lune. Que demander de plus?

Dans Le Soleil on pouvait lire la frustration

FINANCEMENT DU CINÉMA
«Hors de Montréal, point de salut!»
Julie Lemieux
Le Soleil


Robert Lepage et le producteur de la défunte boîte Ex æquo, Mario St-Laurent, considèrent que les organismes de financement du cinéma devraient donner une petite chance aux régions, qui ont bien du mal à livrer une saine compétition à la puissante industrie montréalaise du film.

« La télévision aujourd’hui, c’est quoi ? C’est des téléséries qui se passent à Longueuil et à Outremont, s’insurge Lepage. C’est ça le Québec ? Ce n’est pas vrai, il y a une province énorme. Il y a le même nombre de personnes qui habitent en dehors de la ville et de la région immédiate de Montréal. »

Mais bien souvent, ces gens ne sont pas bien représentés, tant au petit qu’au grand écran. Car les Téléfilm de ce monde ne démontrent pas une très grande sensibilité envers les régions, affirme Mario St-Laurent. « Nous nous étions donné comme mission de développer l’industrie cinématographique de Québec, mais on dirait que ça nous a désavantagés. On a bien tenté de défendre notre point de vue devant Téléfilm. On leur a dit à quel point le projet de La Trilogie des dragons était important pour la région de la capitale. Mais regardez le résultat... Ils n’ont aucun intérêt pour le développement régional. En dehors de Montréal, point de salut ! »

Depuis 2003, depuis La Face cachée de la lune, la capitale n’a en effet accueilli aucun tournage majeur. Une situation inquiétante pour les artisans de l’industrie, mais aussi pour la diversité culturelle québécoise. Car selon Robert Lepage, il est naturel que l’industrie cinématographique soit concentrée dans la métropole pour des questions pratiques, « mais pas que la culture québécoise y soit polarisée. Aussi bien mettre la clé dans la porte du Québec, aussi bien fermer la province. Ça va être moins compliqué pour Montréal », ironise-t-il.


Système injuste

Le réalisateur affirme en outre que le système de financement de Téléfilm est injuste puisqu’il ne favorise pas le cinéma d’auteur « C’est très clair que si tu fais Boys 6 et que tu fais du cash, tu n’as pas besoin de présenter un scénario l’année d’après et tu fais Boys 7. Et les gens qui gagnent des prix, qui représentent le Canada ailleurs, ça n’a pas de valeur. »

Mario St-Laurent est du même avis. Selon lui, il est inacceptable que la performance des producteurs au box office soit aussi importante lorsque vient le temps d’octroyer des subventions. Et il donne l’exemple de Denise Robert, qui part toujours avec une longueur d’avance puisqu’elle récolte beaucoup plus d’argent, plus « d’enveloppes à la performance » que les autres en raison de la popularité de ses productions (Les Invasions barbares, Ma vie en cinémascope). « Tous les producteurs devraient pourtant être égaux », lance-t-il.

Malgré tout, M. St-Laurent n’a pas perdu tout espoir de continuer à faire du cinéma dans la capitale. Il souhaite toutefois que la présente crise de confiance qui secoue Téléfilm Canada contribuera à revaloriser le cinéma d’auteur, à changer les règles et à redonner aux régions la voix qui leur fait cruellement défaut.


Dans La Presse, c'était sensiblement la même chose

Autre article du Soleil


Fini les films à Québec
Julie Lemieux
Le Soleil

Dur coup pour la capitale. Désillusionné par le système, Robert Lepage ne veut plus tourner de films au Québec et ferme sa boîte de production cinématographique, Ex æquo, qui avait pignon sur rue dans la capitale. « Si je veux réaliser ou scénariser, il faut que j’aille ailleurs. C’est ce qu’on me dit », soutient-il.

Le réalisateur n’a pas digéré la cinquième gifle au visage de Téléfilm Canada, qui a encore une fois refusé de subventionner le tournage de La Trilogie des dragons, malgré la renommée internationale de cette pièce. Il rejette la faute sur le système de financement de Téléfilm, mais aussi sur la montréalisation de la culture. « Il y a un demi-million de personnes dans la région de la Capitale-Nationale. On a le droit nous aussi de refléter notre vision, d’être présents. »

Le producteur d’Ex æquo, Mario St-Laurent, ajoute que tous les autres projets de la compagnie, lancée il n’y a même pas deux ans, se sont aussi butés à la fermeture d’esprit de Téléfilm Canada. Les œuvres de Hugo Latulippe et de Martin Villeneuve ont en effet été refusées par Téléfilm, même si elles ont été appuyées par la SODEC. « Si Téléfilm refuse nos projets parce qu’ils sont différents, il faut bien se rendre à l’évidence que ce n’est plus possible de faire le type de cinéma que l’on veut faire », lance M. St-Laurent, en ajoutant que la productrice Fabienne Larouche avait bien raison de dénoncer le climat malsain qui règne au sein de cet organisme.

«C'est non seulement dramatique pour notre région, mais aussi pour la cinématographie québécoise», soutient pour sa part la directrice du Commissariat municipal du film et de la télévision de Québec, Lorraine Boily, qui réserve toutefois sa véritable réplique à plus tard.

jeudi, juillet 06, 2006

Refonte sur Canoë

Un petit scoop de rien du tout ce soir: il y a une refonte complète de la section Culture-Showbiz de Canoë qui est en cours, laquelle nouvelle section divertissement sera en ligne probablement en septembre. Si j'en parle, c'est que la section cinéma y sera beaucoup plus visible, mieux entretenue et mieux nourrie. Les internautes trouveront plus facilement les nouveautés en salle, les critiques, les nouvelles ciné et les entrevues.

Parlant d'entrevues, c'était la première fois que j'interviewais une personnalité du milieu du cinéma la semaine dernière. J'étais bien nerveux d'ailleurs. On a beau tenter de se rassurer et se dire que tout ira bien, l'irrationnel et la peur de l'inconnu prennent le dessus. L'inconnu dans ce cas-ci était probablement lié à l'orgueil. J'avais peur de poser mes questions devant d'autres journalistes et de passer pour un novice. Sacré orgueil, va!

Je me suis tout de même rendu à l'hôtel avec mon enregistreur vocal numérique tout neuf pour interviewer Ghyslaine Côté au sujet de son film Le secret de ma mère. Évidemment, tout s'est bien passé.

J'ai un seul regret, j'aurais aimé penser lui poser une question du genre: «Pourquoi ne pas avoir exploité davantage le côté fou de la mise en scène plutôt qu'un traitement classique et réaliste?»

Lire le compte-rendu de l'entrevue sur Canoë

Voici ma critique non-relue qui paraîtra demain sur Canoë, une fois qu'elle aura été relue...

Le secret de ma mère de Ghyslaine Côté

La comédie Le secret de ma mère nous prouve qu'il est possible d'allier légèreté et profondeur avec intelligence. Aussi se distingue-t-elle des nombreuses comédies d'été produites dans le seul but de distraire les vacanciers en quête de néantise. Avec des influences avouées telles que Ettore Scola et Robert Altman, la réalisatrice Ghyslaine Côté nous propose une comédie dramatique réussie qui n'a rien à envier aux antihéros idiots auxquels nous ont habitués certains réalisateurs.

Le sujet est grave. Exposée au salon funéraire, la dépouille du défunt Jos suscite de nombreux souvenirs, mais aussi l'émergence de secrets chez les parents et amis de la famille. La journée commence avec l'arrivée au salon des deux protagonistes, Blanche (Ginette Reno) et sa fille Jeanne (Céline Bonnier). L'humour et la détente viennent principalement du personnage de Blanche qui aborde l'événement avec sérénité et avec une pointe de détachement. Il faut aussi mentionner le personnage amnésique de Rolande (Clémence DesRochers) qui provoquent plusieurs situations cocasses.

Le film traite d'amour tout en juxtaposant et en télescopant de façon constante gravité et humour, passé et présent, mensonge et vérité, mort et vie. De l'idée du «regard d'une jeune femme sur ses parents qui se sont à la fois beaucoup aimés et déchirés», Ghyslaine Côté voulait parler d'«amour filial» et de «solidarité filiale».

Certes, si l'on compare ce dernier film de la réalisatrice avec son précédent, Elles étaient cinq, le traitement diffère par l'approche comique plutôt que tragique, mais des similitudes évidentes demeurent. Des notions qui semblaient encore préocupper la cinéaste se retrouvent dans l'un comme dans l'autre : le sentiment de perte, le secret, la mort, la vie et l'amour. Les souvenirs des personnages nous sont également révélés par des retours en arrière constants. La technique consistant à intégrer une série de flashbacks à même le déroulement chronologique des événements a le mérite d'être efficace, comme elle l'est dans ce film, mais classique.

Deux petites scènes moins classiques nous donnent l'occasion de faire une parenthèse sur la mise en scène. Si l'une des règles non-écrites du critique veut qu'il s'attaque davantage à la matière du film et le moins possible à ce qui en est absent, j'y ferai une entorse légère en me basant sur deux éléments de mise en scène apparaissant brièvement dans le film pour ensuite en déplorer l'utilisation anémique.

Lorsque Blanche aménage chez ses parents alors qu'elle et Jos viennent tout juste de se marier, la scène verse soudainement, et brièvement, dans le style comédie musicale, suprenant et amusant le spectateur au passage. Le même effet de surprise - le côté amusant en moins - se produit lorsque dans le salon funéraire, les lumières se tamisant et les invités s'immobilisant, le projecteur illumine Blanche et sa fille en tête à tête, créant une atmosphère intimiste suréelle et très efficace alors que Jeanne demande à sa mère de lui révéler le lourd secret.

Devant ces bribes d'originalité, on se demande pourquoi la réalisatrice Ghyslaine Côté n'a pas multiplié les techniques plus personnelles plutôt que d'utiliser les moyens conventionnels de mise en scène. Il est étonnant de constater que, malgré les divers courants artistiques ayant tenté de secouer les assises du réalisme depuis plus d'un siècle, celui-ci ait toujours une emprise aussi étendue sur le septième art. Sans s'étendre sur ce sujet, et pour terminer la parenthèse, disons qu'il serait admirable de voir un réalisateur québécois de talent tel que Côté prendre le risque d'aller jusqu'au bout de ses idées originales en laissant tomber le réalisme.

Qu'à cela ne tienne, la comédie Le Secret de ma mère n'en demeure pas moins un bon film touchant et drôle. La cinéaste avait raison de dire que «parler de la famille, ça fait toujours rire et ça fait toujours pleurer» puisque le spectateur ne peut qu'être touché par l'authenticité de l'histoire mais aussi des personnages. Ceux-ci sont d'ailleurs très bien interprétés par une brochette impressionnante d'actrices et d'acteurs vedettes tels que Ginette Reno, Céline Bonnier, Clémence DesRochers, David Boutin, Joëlle Morin, Bianca Gervais, Marie-Chantal Perron, etc.

Avec ce deuxième long métrage, la réalisatrice Ghyslaine Côté s'impose rapidement dans le paysage cinématographique québécois. Elle poursuivra d'ailleurs sa lancée avec un troisième long métrage traitant d'une partie importante de la vie de Ginette Reno. En attendant de découvrir sa vie en film, découvrons le secret que cache son personnage dans Le secret de ma mère.

mardi, juin 27, 2006

John Woo et Zhang Yimou à l'assaut de l'Amérique

San Guo Yan YiCertains connaissent mon faible pour la Chine, d'autres moins. J'évite de trop en parler sur ce blogue parce que cette belle inconnue en désintéresse plus d'un.

En témoigne les statistiques de la section Techno-Sciences sur Canoë, dès que le mot Chine ou chinois apparaît dans le titre d'un article, le nombre de clics est ridiculement bas. Pourtant, il s'agit parfois, et même souvent, de nouvelles très importantes telles que «Lenovo achète IBM»... Personne ne réagit. Allo? Les Chinois viennent d'acheter un emblème américain! Silence. Quelques semaines plus tard on apprend que: «Lenovo vendra des ordinateurs dans les BestBuy»... Personne ne s'y intéresse. Allo? Énergie, ressources premières, électronique, automobile, marché des télécommunications, etc. Tout se passe en Chine et en Inde en ce moment. Même la culture se perméabilise au coeur du Dragon. Et elle s'exporte aussi, comme le cinéma.

À la fin des années 80, suite à la mort de Mao et à l'ouverture officielle de la Chine sur le monde extérieur, des films chinois, la plupart du temps frappés d'interdit par le gouvernement chinois, ont eu un grand succès dans des milieux cinéphiles occidentaux assez restreints.

Les films des Zhang Yimou, Chen Kaige, Tian Zhuangzhuang et autres étaient alors beaucoup plus lyriques, personnels et bien moins commerciaux que les plus récents projets (sauf peut-être ceux de Tian). À l'image d'une Chine qui se modernise et se libéralise à la vitesse de l'éclair, Zhang et Chen ont opté pour un cinéma hybride, alliant l'approche commerciale des États-Unis et/ou de Hong Kong à des thèmes traditionnels chinois.

Un film comme L'empereur et l'assassin (1999) de Chen Kaige a eu un certain succès auprès du grand public occidental, mais c'est le très américanisé Chinois d'origine taiwanaise, Ang Lee, qui a vraiment donné un nouveau souffle à la présence du cinéma asiatique en Occident avec Tigre et dragon (2000). Avec Hero (2002), Zhang Yimou avait presque l'air de plagier.

C'est sur cette lancée commerciale que John Woo, un vieil habitué du continent américain, et Zhang Yimou nous préparent deux films historiques que j'ai bien hâte de voir: Battle of the Red Cliff et Curse of the Golden Flower. Les deux films puisent à même la culture chinoise et misent sur des distributions impressionnantes pour essayer de pénétrer un peu plus la carapace culturelle occidentale.

Depuis le tournage du film Shanghai Triad en 1995, je ne crois pas que Zhang Yimou ait travaillé avec son ex-flamme Gong Li. Les voici de nouveau réunis sur le même plateau, plus de 10 ans plus tard, pour le tournage de Curse of the Golden Flower. Le réalisateur s'est aussi assuré la collaboration de Chow Yun-Fat. Je ne crois pas que ce film apporte quoique ce soit de nouveau dans le genre. L'équipe de production est sensiblement la même que pour Hero et House of Flying Daggers et c'est encore Sony qui en assure la distribution.

On se retrouve une fois de plus à la cour royale de l'époque médiévale chinoise avec des chassés-croisés romantiques et des scènes d'arts martiaux (probablement avec des ralentis à la Matrix). Malgré l'odeur de recette industrielle, comment résister à un Zhang mettant en vedette Gong Li? Impossible.

Lire le communiqué

L'autre film, Battle of the Red Cliff, pourrait être surprenant et prend plus de risques quand à son succès sur le marché américain. Je suis très excité que ce soit John Woo qui ait pris cette histoire en main. La Bataille de la falaise rouge est l'un des événements historiques les plus connus en Chine, pourtant elle a eu lieu au tournant du 3e siècle... Il s'agit d'une petite partie de l'histoire officielle des Trois royaumes, mais aussi de l'histoire romancée des Trois royaumes qui, d'ailleurs, est beaucoup plus populaire. Ici complètement inconnue, voilà une belle occasion de faire connaître cette parcelle de la culture chinoise.

Lors de cette bataille, à peu près tous les protagonistes importants du roman sont réunis dans le cadre de l'affrontement. Cao Cao (prononcer Tsao Tsao et non Kao Kao) a rassemblé l'armée la plus puissante du pays sur la rive nord du royaume du Sud de Sun Quan (prononcer Swoun Tchuan). Ce dernier accepte de s'allier au héros Liu Bei (Liou Pei) le temps de repousser Cao Cao. Les Sudistes gagneront la bataille grâce à un stratagème compliqué élaboré par le très intelligent conseiller de Liu Bei, Zhuge Liang (selon la version romancée). Tout le génie de la diplomatie et de l'art de la guerre élaboré il y a des siècles par des Chinois exceptionnels comme Sun Zi et Zhuge Liang (Dzou-gueu Liang) se retrouve dans cette histoire.

Lire sur la bataille

Dans ce récit, les très nombreux noms de personnages et de lieux sont aussi difficiles à retenir que dans les classiques russes. Il est également facile de s'égarer parmi les nombreuses tactiques, stratagèmes et subtilités diplomatiques et culturelles. Le défi pour John Woo, c'est de réussir à rendre l'action compréhensible pour l'Occidental moyen alors que le Chinois moyen connait l'histoire par coeur. Si John Woo traite Battle of the Red Cliff comme Gibson l'histoire du Christ, ce sera l'écrasement au Box Office.

Pour l'instant, une distribution imposante semble déjà se profiler avec Chow Yun-Fat (Liu Bei), Tony Leung (Zhuge Liang) et Ken Watanabe (Cao Cao).

lundi, juin 26, 2006

Arrivée au Saguenay

Jusqu'à maintenant, notre déménagement au Saguenay n'a eu que de bons côtés. Le travail à la maison, la famille, la plage au Lac-Saint-Jean, les feux de camp et les excursions en forêt. J'ai même appris, une fois arrivé ici, que je pouvais assister à des avant-premières ici-même, à Chicoutimi!

Il va falloir que je me remette en selle bientôt sur mon vélo, le défi c'est de trouver la bonne routine.

Hier, je suis allé seul gravir quelques kilomètres en amont de la rivière qui coule sur notre terrain à Petit Saguenay, c'était magnifique, époustouflant. J'avais l'impression de remonter à la genèse de la planète. Plus je grimpais dans la montagne vierge, plus les rochers ayant quitté la parois des caps pour rouler dans le lit abrupt de la rivière se faisaient gros, jusqu'à ce qu'ils deviennent énormes. Je rampais, j'escaladais, je roulais toujours plus haut en m'accrochant à l'espoir de découvrir je ne sais quoi au sommet. Toujours plus loin, toujours plus haut.

Ce qui me rappelle un des seuls poèmes chinois que j'ai jamais appris. Voici la traduction anglaise que j'ai trouvée car ma traduction française n'y rendrait nullement justice.

White sun sets behind the mountain.
The Yellow River enters ocean.
If you want to stretch your eyes to explore
Another thousand li, climb one story more.

Les ombres et la lumière dansaient sur un air cristallin parmi les reflets opalescents dans l'étroite vallée sculptée d'une chaîne ininterrompue de cascades et de rapides se fracassant contre ce sol pléistocène. Encore très loin d'atteindre la source, la rivière cédant le terrain aux rochers qu'elle n'a pas encore réduits en pierres, c'est parmi de timides échos résonnant au sein des crevasses que j'ai décidé d'amorcer la descente.

En sautant de pierre en pierre vers l'aval, j'ai pêché quelques truites que l'on retrouve en abondance dans cette rivière. Rares étaient les lancés qui demeuraient sans action.

Seul dans la forêt, c'est probablement le seul endroit où je vis sans me poser de questions sur l'existence, où je n'ai pas besoin de mots pour expliquer. Pas d'anticipation, pas de regrets, seulement la poésie du moment.

mercredi, juin 14, 2006

Les Sept Samouraïs, le remake

Après le déménagement, je reviens peu à peu au web et à mon blogue. Pour donner signe de vie en vous épargnant mon écriture fatiguée, je me contente de faire circuler cette information que j'ai vue la semaine dernière et qui est donc déjà un peu dépassée. Il y aurait un remake des Sept Samouraïs, notamment avec le maître de kung fu Donnie Yen, l'actrice chinoise Zhang Ziyi et l'acteur, même pas un brin asiatique, George Clooney!!! Tout le monde se demande à quel genre de remake nous aurons droit.

Repêchée à tout hasard dans le Cinemag, cette brève:

Nouveau remake pour les Sept samouraïs. George Clooney, Donnie Yen , et Zhang Ziyi devraient composer l'affiche du remake du film culte de 1954 d'Akira Kurosawa. L'acteur chinois de 43 ans Donnie Yen a profité de sa présence à Cannes pour évoquer le projet avec le producteur Harvey Weinstein. Un représentant de l'acteur a déclaré que le film n'en étant qu'au stade de projet, les deux hommes préféraient ne pas révéler le contenu de leur discussion.
Remake d'un film culte

Le film japonais Les Sept samouraïs n'en est pas à son premier remake. Après avoir remporté en 1954 le Lion d'Argent au festival de Venise et été nommé deux fois aux Oscars de 1957 pour ses décors et ses costumes, il fit l'objet, dès 1960, de la légendaire adaptation façon western de John Sturges Les Sept mercenaires porté, entre autres, par Yul Brynner et Steve McQueen. Le remake rencontra un succès tel que plusieurs suites furent réalisées. Se succédèrent ainsi Le Retour des sept (Burt Kennedy, 1966), Les Colts des sept mercenaires (Paul Wendkos, 1969) et La Chevauchée des sept mercenaires (George McCowan, 1971). Le film original, Les Sept samouraïs marquait la septième collaboration d'Akira Kurosawa avec son acteur fétiche Toshirô Mifune et relate l'épopée de sept samouraïs qui s'engagent à protéger des paysans menacés par une bande de pillards.

mardi, juin 06, 2006

Dogma 95: canulard ou pas?

Dans les Cahiers de mai 2006, dans une petite nouvelle sur le nouveau dogme de Lars Von Trier (j'en parlais ici), Jean-Michel Frodon concluait son article ainsi:

«Le numéro 48 de la revue 1895 vient de publier un dossier complet, quoique comme toujours prenant trop au sérieux l'opération Dogma, sous la signature de Claire Chatelet. Il comporte les principaux documents relatifs au geste transgressif et canulardesque réussi par LvT en 1995».

Étonné par ce jugement, j'ai voulu en savoir davantage. J'ai donc écrit à M. Frodon qui a été assez gentil pour prendre le temps de me répondre. Il n'a jamais eu l'occasion de développer sa pensée à ce sujet dans les Cahiers, mais en a précisé un peu les contours dans le cadre d'une interview pour un magazine russe. On remarque aisément que, de part et d'autre, l'anglais n'est pas leur langue maternelle, il faut donc être indulgent. Je présume que les rédacteurs russes allaient traduire l'interview en russe de toute manière.


Magazine russe: 1. Nowadays (since the mid-90s) von Trier enjoys a solid reputation as one of the most influential legislators in world cinema and as one of the most effective revolutionists in cinema language. Do you consider this reputation to be accurate? Does von Trier have any equal contemporary rivals in this "field"? And do you think that this reputation will extend to the future, verified by cinema historians and fixed in a Big Cinema History?

Jean-Michel Frodon: I really believe there is a misunderstanding, originally triggered by LVT himself, which eventually turned against him. I thing Dogma was mainly an efficient public relations operation much more than an aesthetic turning point. It did succeed in the way it attracted attention, first when it was launched, during the Centennial of cinema at Odéon Theatre in Paris, amidst a hundred plus well known directors and a host of media people (I was there), but also because not only is LVT a skillful user of media effects, he is also an excellent film director. He was so before the Dogma period (see "Epidemic"!), he was so during it, and still is now. The Dogma thing was not only an example of mediatic efficiency in its appearance but it also succeeded in defending a rather vague but correct "modern" New Wave style of cinema. That was accomplished in a region, not only in Denmark but also in Scandinavia, where most directors, producers and film schools are under the major influence of TV Drama and Hollywood-like patterns. It was healthy and it did exert to a certain extent a positive influence on a small number of other Scandinavian films, but that aspect had not much to do with LVT's own talent.

2.Has von Trier's position (artistic, human, moral, intellectual, other) radically transformed in the 00s in comparison with 90s? Is his "American trilogy" a denial of his "Golden Hearts trilogy" - or is it only a necessary logical antithesis? Or rather, an organic extension of his work?

J.-M. F.: I believe he is basically doing the same thing. On a certain level, I often compare him with philosophical stories tellers of the 18th and 19th Century (like Volataire's tales, or Daniel Defoe or Jonathan Swift), with deep moral questions put at work, not with litterature means like the previous but with cinematic means. Of course, LVT does question these means as well, it's obvious in Idiots, in Breaking the Waves as well as in the American Trilogy. I regard this as both daring and honnest. And, naturally, these approaches have to evolve, sometimes to go about in a completely different way at what has been attempted before. But there is one point I'd like to stress here: though LVT is dealing with important issues, he has a wonderful sens of humour and I am always amazed at how seriously his films are still looked at and commented. I remember that during the screening of Dancing in the Dark, I was laughing a lot during the last part and when the lights came back on everybody was crying, something I found quite weird.

3.Do you see any connections (parallels, contradictions, echoes) between von Trier's aesthetics and the modern technological (digital) revolution in world cinema, including commercial type of the latter? For example, are his formal exercises is a part of world cinema cult of formality - so natural in digital era?

J.-M. F.: May I remind first that Dogma orders to use only 35 mm? Each use of each technique, analogical or digital, is always very specific, there are, as far as I know, only two specific uses of the digital cameras in his work, in Idiots and Dancing in the Dark. There is a lot more of that elsewhere, but Kiarostami did not steal from LVT, nor did Larry Clark, Jia Zhangke or Alain Cavalier. So I am afraid that beyond the anecdotic use of carried by hand light camera or use of multiple cameras, there are only superficial effects of LVT attempts, which is quite logical, his choices being always directly related to a specific project.

4. Can one say that a Dogma aesthetic (with the exception of moral messages) could only come to be within a protestant culture? And what do you think - in this context - about relations between von Trier's and Dardennes' works?

J.-M. F.: I think that relations between catholicism and protestantism is an important issue in LVT's cinema as shows his recurrent questionning about the grace (remember the name of the American Trilogy's heroin?). And yes, this might echo the religious aspect of the Dardenne's cinema, especially with the carrying of the Cross-like finales of all their films. On the other hand, as I said before, I don't believe there really is a Dogma aesthetic (ultimatly, the unique exemple would probably be "Festen", not a LVT film - and a film I did not like much, I must say). The modernity of LVT's cinematographic language has much to do with Bresson, Welles, Rohmer and Minnelli. None of them are protestant, so so I don’t really see the point.

dimanche, juin 04, 2006

Nouveau film de Robert Altman

Robert Altman a une carrière qui n'en finit plus de finir. Il ne faut pas oublier qu'il est né en 1925, ce qui lui fait au moins 120 ans. Je n'ai pas vu beaucoup de films de ce réalisateur, mais ce que j'ai vu m'a beaucoup plu. Je parle de MASH, The Long Goodbye et The Player. Ha oui, dans une autre vie, j'ai vu Popeye... Je sais, le film à voir prochainement est Nashville.

Le voici qui poursuit sa carrière en réalisant le film A Prairie Home Companion qui arrive tout juste sur nos écrans cette semaine, probablement en très petites pompes. Je n'ai pu résister à l'attrait d'aller voir son dernier film. Alors ce sera ma vraie dernière critique pour Canoë... de Montréal.

La page couverture du dernier numéro de Filmmaker Magazine lui est consacrée et on y retrouve un long entretien au sujet de son dernier film.

J'y retiens:

1-«The story, written by Keillor and Ken LaZebnik, is both a delightful, homespun Middle American comedy as well as a profound meditation on death, survival, family, friendship and, of course, show business.»

2-La distribution: Woody Harrelson, Tommy Lee Jones, Garrison Keillor, Kevin Kline, Lindsay Lohan, Virginia Madsen, John C. Reilly, Maya Rudolph, Meryl Streep, etc.

3-Filmmaker: Besides its comedic elements and, of course, the focus on performance, the story touches on some incredibly weighty themes. Death, disappointment, age, survival...

Altman: You would never know that the way the responses were coming in. The picture is doing very well, people are really responding well to it, but they don’t take it as a serious film. Well, we’ll see what happens when it comes out in New York.

Filmmaker: That’s funny, because I thought it was quite a metaphysical film, not a comedy.

Altman: Well, I thought it was too. [laughs] It’s there, definitely, but people don’t want to deal with that.

Si vous avez le temps de lire le texte complet: THE SHOW MUST GO ON, Filmmaker Magazine

Anecdote hollywoodienne

En 1925, à Hollywood, le monde du cinéma était déjà une industrie florissante où les studios cherchaient d'abord et avant tout à faire des profits. Le réalisateur King Vidor l'a appris à ses dépens (on ne saurait trouver expression plus appropriée) comme en témoigne cette anecdote.

Le contexte
L'industrie du cinéma autour de Hollywood est jeune et en pleine expansion. C'est l'âge d'or du cinéma muet avec les Griffith, Chaplin, Keaton, etc. Les immigrants européens anonymes débarqués en Amérique à la fin du 19e siècle ont construit Hollywood en peu de temps et portent maintenant des noms connus: Adolph Zukor, Louis B. Mayer, les frères Warner, William Fox, Lewis Selznick, Samuel Goldwyn et autres.

En 1924, les Metro Pictures, Goldwyn Pictures et Louis B. Mayer Company fusionnent pour créer la société de production Metro-Goldwyn-Mayer. Dans le cadre de cet événement important, Louis B. Mayer réussit même à convaincre le président Calvin Coolidge (un non-interventionniste notoire) d'assister à l'ouverture officielle de la MGM.

À cette époque, la direction de la MGM ne fait pas de quartier et la devise Ars Gratia Artis, «L'art est la récompense de l'art», reflète plutôt mal l'esprit de l'entreprise.

Par exemple, «Erich von Stroheim, peu docile et soucieux de s'affranchir des doucereuses conventions échafaudées autour d'une glorieuse figure d'amant latin – Rudolph Valentino (le Cheikh en 1922, le Fils du cheikh en 1926) – rencontre les pires difficultés avec Irving Thalberg, l'autoritaire patron de la MGM: il assiste à la mutilation du film qui lui tenait à coeur (Greed, 1925), ce qui ne l'empêche pas de poursuivre le combat, tournant dès le lendemain trois ou quatre oeuvres insolentes» (Chronique du cinéma).

L'anecdote
En 1925, c'est dans cette jeune et importante entreprise que King Vidor travaille sur ce qui allait devenir un énorme succès des années 20, le film The Big Parade.

La direction de MGM se rend compte que selon son contrat, Vidor a droit à 20% des profits nets que générera le film. Jugeant cette situation inacceptable, MGM organise une rencontre entre ses avocats et King Vidor. Les avocats lui expliquent que le film coûte très cher à produire et qu'on ne prévoit pas un grand succès en salle. On lui offre donc de vendre ses droits à un prix modique, sûrement en le convainquant qu'il gagnera davantage de cette façon. Vidor accepte.

Le film est 96 SEMAINES (!) en salle et rapporte 5 millions de dollars sur cinq ans (ce qui équivaut à environ 50 millions aujourd'hui). Vidor aura donc participé au succès de la MGM pour un salaire de 425$ par semaine sur le plateau de tournage de The Big Parade.

MGM pourrait dire «L'argent est la récompense de l'art» (je m'abstiens pour le latin).

Vidor dira: «I thus spared myself from becoming a millionaire instead of a struggling young director trying to do something interesting and better with a camera.»

Source: imdb.com