mercredi, février 28, 2007

Lecture en vue

À ceux qui aiment lire les articles de Hors Champ, un petit mot pour vous dire que s'il faut parfois attendre quelques semaines avant de voir apparaître du nouveau contenu sur le site, ce n'est pas le cas cette dernière semaine, avec 5 articles publiés hier seulement. Beaucoup de lecture et de réflexion en perspective.

Au menu, rien de moins que:

Dossier Straub-Huillet : LE MATÉRIALISME CINÉMATOGRAPHIQUE DES STRAUB

Dossier Gus Van Sant : MOTIFS POUR UNE ÉTUDE VISUELLE : L'EXEMPLE DE PSYCHO

Lettre ouverte : ARTHUR LAMOTHE ET LES AUTRES

Dossier Straub-Huillet : LE CHAMP N'EST PAS LIBRE

Dossier Straub-Huillet : CURIOSITÉ / EXIGENCE

Sans compter les autres

lundi, février 19, 2007

Zhang Yimou toujours pertinent

Le film en DVD qui m'a le plus touché dernièrement est Riding Alone for Thousands of Miles. Voici un commentaire que j'ai écrit à son sujet.

Alors que le dernier film à grand déploiement de Zhang Yimou mettant en vedette Gong Li, Curse of the Golden Dragon, était à l’affiche à l’AMC Forum, son avant-dernier film Riding Alone for Thousands of Miles sortait en DVD.

Une belle occasion de voir cette très belle œuvre qui n’a pas été distribuée dans les salles québécoises (excepté à l’AMC Forum) même si elle est doublée en français!

Qian li zou dan qi raconte l’histoire d’un père japonais (Ken Takakura, 75 ans, dans son 204e film) parcourant des milliers de kilomètres pour filmer un opéra chinois afin, par ce geste symbolique, de se rapprocher de son fils en phase terminale d’un cancer. Ce voyage à l’étranger sera l’occasion pour lui d’en apprendre plus que jamais sur son fils, sur lui-même et sur la valeur de la vie.

Zhang Yimou reprend ainsi à son compte l’esprit d’un conte s’inspirant de l’Opéra chinois du même nom, lui-même tiré de l’
Histoire romancée des trois royaumes bien connue des Chinois et des Japonais. Cette histoire relate comment le loyal Guan Yu a parcouru des milliers de kilomètres pour aider un ami.

C’est dans le Sud de la Chine et plus particulièrement dans la province de Yunnan - riche en paysages agrestes et en ethnies folkloriques - que le réalisateur tourne des plans splendides dans lesquels on reconnaît le talent du directeur photo Zhao Xiaoding (le même que pour Hero et House of Flying Daggers). Attaché à la beauté de la Chine comme à celle des images, Zhang Yimou campe ses personnages dans les montagnes japonaises et chinoises et dans des villages pittoresques comme Lijiang ou Li plutôt que dans des villes modernes telles que Shanghai ou Pékin.

Le cinéaste revient ici à la sensibilité qu’on lui connaît dans des films tels que To Live, Road Home, Not One Less et Happy Times, laissant de côté le faste des Hero et House of Flying Daggers pour faire toute la place à l’émotion et à la réflexion. Son sujet circonscrit lui permet de se concentrer sur les rencontres et les relations entre les personnages.

Un film très beau sur le pardon et la relation père-fils qui souligne qu’avec des intentions nobles et la foi qui déplace des montagnes, on peut rallier les gens pour accomplir l’impossible.

Suppléments du DVD:

-Making of fort intéressant dans lequel on apprend notamment que tous les acteurs chinois sont amateurs, comme dans son film Not One Less.

dimanche, février 18, 2007

Transcendantal Tarkovski

J’étais tombé sur cette entrevue de Tarkovski il y a quelques jours. Elle recoupe bien les sujets de mes billets sur David Lynch et sur l’article d’Augendre.

Sur la spiritualité, extrait :

«L’homme moderne est trop préoccupé par son développement matériel, par le côté pragmatique de la réalité. Il est comme un animal prédateur qui ne sait que prendre. L’intérêt de l’homme pour le monde transcendant a disparu. L’homme se développe actuellement comme un ver de terre…»

Sur les deux sortes de cinéastes, extrait :

«En posant cette question, vous montrez que vous n’en avez rien à foutre. Spielberg, Tarkovski... tout cela pour vous se ressemble. Faux ! Il y a deux sortes de cinéastes. Ceux qui voient le cinéma comme un art et qui se posent des questions personnelles, qui le voient comme une souffrance, comme un don, une obligation.

Et les autres, qui le voient comme une façon de gagner de l’argent. C’est le cinéma commercial : E.T., par exemple, est un conte étudié et filmé pour plaire au plus grand nombre : Spielberg a atteint là son but et c’est tant mieux pour lui. C’est un but que je n’ai jamais cherché à atteindre. Pour moi tout cela est dénué d’intérêt.»

Cliquez ici pour lire l’entrevue complète

Autres extraits:

«Comme dit un proverbe russe, un pessimiste est un optimiste bien informé.»

«La position de l’optimiste est idéologiquement maligne, elle est théâtrale, et elle est dénuée de toute sincérité.» (C’est drôle, j’ai immédiatement pensé à Yves Desgagnés)

samedi, février 17, 2007

Un an déjà

Le blogue permet de se rendre compte à quel point le temps passe vite. Le 7 février 2006, je commençais mon blogue en publiant une entrevue du 24 Images avec Richard Leacock et publiée en 1989 (ici, tout en bas de la page).

Je n'ai même pas eu le temps de le souligner le jour même et là je me rends compte que ça ne fait pas quelques jours, mais bien presque 3 semaines que je n'ai rien écrit sur le blogue... Comme l'année dernière à la même époque, j'ai un sérieux rhume qui ne décolle plus.

J'ai beaucoup de trucs à dire, mais je ne prends pas le temps de les écrire parce que je veux toujours prendre le temps de développer les thèmes. Alors pour une fois, allons-y en vrac.

-Je risque de ne pas tellement écrire plus souvent sur mon blogue puisque, après avoir hésité entre Madame Bovary et La Guerre et la paix, j’ai commencé à lire Atlas Shrugged (La Révolte d'Atlas) de Ayn Rand après avoir lu la nouvelle selon laquelle Scénarisé par Randall Wallace : Atlas Shrugged s’en vient…

«The theme of Atlas Shrugged is that independent, rational thought is the engine that powers the world.» « Atlas Shrugged is a political book. It portrays fascism, socialism and communism – any form of state intervention in society, as systemically and fatally flawed.»

Ça ne m’étonne pas qu’on veuille finalement réaliser ce film en cette période florissante de néolibéralisme où on accuse de plus en plus l’État de pécher contre les lois économiques sacrées et intouchables.

Je lis le livre pour ne pas parler sans connaissance de cause quand Hollywood nous vomira son apologie d’un système économique «libre» qui en réalité ne crée rien d’autre qu’une majorité de pauvres et une minorité d’ultra riches.

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-J’ai acheté Trentemoller – The Last Resort que je trouve excellent et là, pour mon prochain achat, j’hésite entre un disque de The Orb ou entre les Substrata de Biosphere, Selected Ambient Works 2 d’Aphex Twin et 76 :14 de Global Communication (sous l’influence de Janmi)

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-Sur Youtube, les 7 meilleurs commerciaux du monde selon Ingmar Bergman, tous de Roy Andersson.

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-En 1971, lors du Palmarès du film canadien à Toronto, Claude Jutra reçoit huit prix pour son film Mon oncle Antoine. On peut regarder une entrevue de Radio-Canada la même année avec le réalisateur.

Ce qui me marque :

-On fume sur le plateau.

-Jutra a un accent international.

-La sempiternelle question revient :

R.-C. : «Est-ce que vous avez l’impression que maintenant on arrive à une certaine stabilité, qu’on marche bien dans le monde du cinéma canadien-français?»

Claude Jutra : «On ne peut jamais dire ça avec le cinéma. Vous le savez autant que moi, que quand vous demandez à quelqu’un de n’importe quel pays, à n’importe quel moment, depuis la naissance du cinéma, «comment se porte le cinéma?» on vous répond automatiquement «le cinéma est en état de crise». Je crois que le cinéma est en état de crise permanent. Enfin, c’est quelque chose qui se généralise en ce moment pour absolument tout et tout le monde, mais ça a été le cas pour le cinéma depuis toujours. Ce qu’on peut dire, c’est que maintenant il se fait de plus en plus de films québécois et que les films sont de plus en plus sérieux et de plus en plus intéressants. J’ai l’impression qu’il y a une véritable industrie qui se bâtit mais quand les choses on l’air d’aller trop bien, je me méfie toujours et je crains le pire.»

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D’ailleurs, Mon oncle Antoine est encore souvent considéré comme le meilleur film québécois comme en témoigne cette nouvelle de la PC sortie cette semaine.

Meilleurs films québécois
Mon Oncle Antoine domine
12-02-2007

Mon oncle Antoine, le chef-d'oeuvre du réalisateur Claude Jutra, remporte la palme du meilleur film québécois de l'histoire d'après les résultats obtenus auprès des gens interrogés par le quotidien La Presse.

Le quotidien montréalais a questionné 50 personnes issues du milieu du cinéma dont les acteurs Michel Côté et Rémy Girard, le réalisateur Pierre Falardeau, Carol Faucher, analyste de la conservation à l'Office nationale du film (ONF), et Pierre Verroneau, conservateur à la cinémathèque.

Les répondants ont dressé chacun le palmarès des 10 films québécois qu'ils considéraient comme étant les meilleurs.

Dans ce classement, Mon Oncle Antoine est suivi par Les Bons Débarras, (Francis Mankiewicz), Les Ordres (Michel Brault), Léolo (Jean-Claude Lauzon) et le Déclin de l'empire américain (Denys Arcand).

Arcand compte deux autres films parmi les 10 premiers: Jésus de Montréal et Les Invasions barbares. Un zoo la nuit de Lauzon occupe le huitième rang.
C.R.A.Z.Y., de Jean-Marc Vallée, et Pour La Suite du monde de Pierre Perreault et Michel Brault, figurent aussi au sein du classement des 10 premiers.

Bon, assez pour aujourd’hui, je vous parle du prochain film de John Woo une autre fois.

Transcendental David Lynch

Je vois un lien étroit –mais non exclusif- entre la force créatrice et intuitive d’une œuvre et la richesse de l’expérience spirituelle, au sens large, de son réalisateur. Les Dreyer, Bergman, Tarkovski, Sokurov, Herzog et Bernard Émond nous touchent tous par leurs oeuvres car ils se tiennent sur la corde raide entre le cynisme et le défaitisme et les vérités préfabriquées déclamatoires. Cherchant eux-mêmes à donner un sens à l’art et à la vie, ces artistes nous mènent sur des chemins qu’ils ont empruntés, nous invitant à amorcer ou à poursuivre une réflexion plutôt que d’en imposer une.

David Lynch fait aussi partie de ceux-là d’une certaine façon. Et comment! Tous ceux qui ont vu Eraserhead savent que le réalisateur appartient à une catégorie à part, mais avez-vous lu son entrevue dans le Guardian dans le cadre de son dernier film Inland Empire? Ça ne ressemble pas aux entrevues que j’ai faites avec des réalisateurs, ça c’est sûr.

Voyez au moins la première question et la première réponse :

Mark Kermode: Just to start things rolling, and this is not specifically connected to Inland Empire which we've just seen, but transcendental meditation is a really big thing in your life. The last time we talked, it was entirely about how TM had changed and affected your life. In as much as it is possible to explain this complex subject in a pitifully small amount of time, please explain to us what TM has done for your consciousness and what you believe it's capable of doing for the greater good?

David Lynch: How many people have heard of TM? Quite a few. Good. TM is a mental technique. It's an ancient form of meditation that allows any human being to dive within and transcend and experience the unbounded, infinite ocean of pure consciousness. Pure vibrant consciousness, bliss, intelligence, creativity, love, power, energy - all there within. At the base of mind, the base of matter, is this field. And it's there. Modern science has just discovered the unified field by going deeper and deeper and deeper into matter. And there it was: a field of oneness, unity. They can't go in there with their instruments and everything, but any human being can go dive within through subtle levels of mind and intellect, transcend and experience this field. When you experience this deepest field, it's a beautiful experience, and experiencing it enlivens it and you grow in consciousness.
You grow in creativity and intelligence. And the side effect is that negativity starts to recede. Things like hate, anger and depression, sorrow, anxieties - these things start to recede and you live life in more freedom, more flow of ideas, more appreciation and understanding of everything.


It's so beautiful for working on projects. It's a field of knowingness - you enliven that and you get this kind of intuitive thing going. It's so beautiful for the arts, for any walk of life. In Vedic science, this field is called Atma, the self and there's a line, "Know thyself." In the Bible they say, "First seek the kingdom of heaven which lies within and all else will be added unto you." You dive within, you experience this, you unfold it and you're unfolding totality. The human has this potential and they have names for this potential: enlightenment, liberation, salvation, fulfilment - huge potential for the human being. And we don't need to suffer. You enliven this thing and you realise that bliss is our nature. We're like happy campers, flowing with ideas. We're like little dogs with tails wagging. It's not a goofball thing, it's a beautiful full thing, really, really great.

Toute l’entrevue

Billet à M. Augendre

Je me suis hasardé à lire le dernier numéro du ICI. J'ai pu constater que, par un souci de populisme invariable, vous laissiez tomber une fois de plus une phrase toute réfléchie comme :

«j’aimerais qu’Érik Canuel remporte le trophée de la réalisation pour son Bon cop... (pour un pied de nez à tous les râleurs qui s’offusquent de la nomination d’un film aussi populaire et si peu «artistique» – prenez une feuille et donnez-moi la définition du mot «artistique», je vous souhaite bon courage);»

Si vous lisiez un peu (ou si vous aviez un peu d'intégrité) vous constateriez que bon nombre de gens ont déjà pris la peine de se prêter à l'exercice. Dernièrement, on pouvait lire sur le site Hors Champ l'équivalent de plusieurs feuilles dans lesquelles Bernard Émond s'évertue à définir ce qu'est le cinéma «artistique» ou artistique ou Artistique.

Extrait:
«Chaque artiste sérieux a, à partir de ce qu'il est, à réfléchir et à réagir au monde qui l'entoure et à l'histoire de l'art qu'il pratique. Ce sont cette réflexion et cette réaction qui le constituent comme artiste et qui le mettent au monde. Il y a des artistes qui se sentent davantage interpellés par l'état du monde (disons Rossellini) et d'autres, par l'art qu'ils pratiquent ou par l'art tout court (disons Bergman), mais il s'agit de degrés et une position n'a pas de supériorité intrinsèque sur l'autre. Sans ce rapport au monde (on pourrait le nommer : engagement) et sans ce questionnement sur le sens et l'esthétique, il n'y a pas d'art. »

Sa vision complète dans sa lettre

Voilà qui ressemble déjà à une définition. On peut ensuite être en désaccord et démontrer en quoi cela est faux, mais se contenter de lancer un défi qui a déjà été relevé par les «râleurs» tient de la rhétorique bas de gamme.