samedi, février 25, 2006

Coffee's Ready prêt

Le café est prêt. J'ai finalement terminé ma petite étude. En autocritique, je dirais que j'ai
réussi à communiquer une certaine nervosité, mais pas l'électricité de l'électron libre que j'imaginais. Je me demande à l'instant si je ne vais pas faire une deuxième étude différente, mais avec le même matériel. J'ai diffusé mon petit vidéo sur le site fourre-tout Youtube pour donner une idée.




Pour visionner le film sur le site YouTube.com

mercredi, février 22, 2006

Le Top Gun français

Lundi dernier, je suis allé voir le film français Les Chevaliers du ciel. Dire «Le Top Gun français» est un peu injuste car il y a longtemps que l'expression «Les chevaliers du ciel» et ce qui s'y rattache sont passés dans la culture et l'imaginaire français. En même temps, le rapprochement est inévitable puisqu'il s'agit de films semblables où l'on voit des pilotes héros faire montre de leurs talents à bord du dernier modèle super rapide d'avion à réaction.

Il s'agit d'une histoire pas si simple de corruption politique et de trafic d'armes où tout le monde paraît louche et impliqué de près ou de loin dans les manoeuvres malhonnêtes. Tout le monde sauf nos deux héros qui sont intègres et loyaux.

Je ne veux pas trop m'étendre sur ce film puisque j'en ai déjà pondu un texte trop long à mon goût sur Canoë. Je dirai donc deux choses en terminant. Je suis très agacé par les films commerciaux qui mettent des femmes dans des rôles peu crédibles juste pour attirer davantage la clientèle. Les Chevaliers du ciel fait définitivement partie de ceux-là. Le film vaut la peine d'être vu pour les scènes aériennes tournées en 35mm sans effets spéciaux.

Lire la critique sur Canoë

Demain je vais voir Kirikou et les bêtes sauvages et j'essaie de terminer mon film d'une minute. :P

Dolent et à travers le monde

Dolent: adj. 1. littér. Qui est affecté par une souffrance physique, un mauvais état de santé. (corps dolent) 2. Qui se sent malheureux et cherche à se faire plaindre. 3. Qui exprime plaintivement une souffrance.

Angl. À travers le Québec, le monde / across, throughout
En voilà un qu'on entend à peu près tous les jours.
Les formes correctes: partout au Québec, aux quatre coins du Québec, autour du monde

Le mauvais calembour sexiste du jour appartient à Martin:
Quand une partie de hockey féminin se termine, peut-on dire que c'est "game ovaire" ?

Citation:
«L'avenir du cinématographe est à une race neuve de jeunes solitaires qui tourneront en y mettant leur dernier sou et sans se laisser avoir par les routines matérielles du métier». -Robert Bresson

mardi, février 21, 2006

Trésors d'avant-garde

Chaque cinéphile a ses petites déviances. Vous savez, ce film ou ces films que personne n'a vus et que personne ne veut voir (ou n'apprécie) mais que vous chérissez. Vous aimeriez que quelqu'un les voit pour pouvoir partager votre bonheur avec lui, mais en même temps c'est un peu votre trésor à vous, une partie de votre personnalité, de ce qui vous distingue. Par exemple, je n'ai jamais rencontré qui que ce soit qui ait vu la trilogie japonaise Human Condition de Masaki Kobayashi (Samurai Rebellion, Kwaidan), qui reste pour moi le film de guerre le plus touchant de toute l'histoire du cinéma. J'ai bien essayé de le faire écouter à ma mère, mais elle s'est essoufflée avant la fin...

Unseen Cinema vient de rendre disponible une passionnante anthologie de films qui risquent pourtant de demeurer assez marginaux et qui me vaudront bien des soliloques. Il s'agit d'une série de films américains d'avant-garde qui couvre la période 1894-1941. Dans ce véritable trésor d'archives on retrouve 19 heures de films qui vont d'obscurs courts métrages expérimentaux cubistes à des oeuvres plus connues telles The General de Buster Keaton et The Birth of a Nation de D.W. Griffith. Brakhage lui-même a été influencé par beaucoup de ces films et d'autres réalisateurs plus connus comme Orson Welles l'ont été aussi. Par exemple, j'ai appris aujourd'hui qu'Orson Welles, en hommage au film d'opéra de 4 minutes, Maytime, de Slavko Vorkapich (1937), a fait une séquence d'opéra identique à celle de Vorkapich dans Citizen Kane (1941). Il faudra que je revois le film en portant une attention particulière à cette séquence.

Hormis l'esthétique dépassée liée à la pellicule argentique de l'époque et à certaines techniques de montage désuètes, plusieurs de ces films paraissent encore aujourd'hui excentriques, audacieux et hors normes.

Le film qui m'a le plus frappé pour l'instant par sa musique mégalomane composée expressément pour l'oeuvre est Le ballet mécanique. Pour sa poésie, j'ai visionné plusieurs fois H2O de Ralph Steiner.

Que Dieu bénisse l'Amérique de Robert Morin

Robert Morin fait partie des réalisateurs que j'admire davantage pour leur démarche artistique et leur intégrité que pour leurs oeuvres. J'ai toujours trouvé que Morin, même s'il va parfois très loin au coeur de son sujet, maintenait une distance que je ne peux identifier encore, mais qui m'empêche d'être touché, d'être bouleversé. Paradoxal. Son film Que Dieu bénisse l'Amérique s'inscrit dans ce paradoxe, mais je l'admire pour son originalité et le divertissement qu'il procure.

Moi et Martin avons essayé une formule plus vivante de critique avec un dialogue électronique. J'ignore si c'est efficace.

Lire la critique sur Canoë.

Soliloque et être dans le même bateau

Soliloque: n.m. Discours d'une personne qui se parle à elle-même; monologue intérieur. Soliloquer. Facile à retenir parce qu'il signifie solus «seul» et loqui «parler». Alors qu'un monologue se fait généralement en présence d'autres personnes, soliloque se passe seul même s'il est parfois utilisé pour désigner un monologue qu'on se fait à soi-même en présence d'autres personnes plus ou moins impliquées. Si personne n'écoute votre monologue, ça devient un soliloque!

Angl.: être dans le même bateau / to be in the same boat
On devrait dire «être dans le même cas», «logé à la même enseigne»
Admettons que dire ça dans une conversation, ça détonne!

dimanche, février 19, 2006

Coffee's ready

C'est toujours facile de parler des autres, mais un peu moins de ses projets personnels. En ce moment, je prépare un petit film essai qui s'intitule Coffee's ready. C'est un essai inspiré (j'insiste sur inspiré) par l'oeuvre et la démarche de Stan Brakhage. C'est-à-dire que j'essaie de faire une représentation de la réalité en adoptant le rythme nerveux du cerveau et de l'oeil. Je m'intéresse donc au traitement avant le sujet, qui est très banal d'ailleurs dans ce cas-ci.

Je me suis déjà demandé, si je filmais ma marche quotidienne entre la station de métro et chez moi, pourquoi ce serait complètement ennuyant à regarder alors que je ne m'ennuie pas en marchant dans la réalité? Parce qu'il n'y a pas d'histoire? Pas nécessairement. Parce que notre oeil se promène continuellement d'un objet à l'autre et que nos pensées s'entrechoquent continuellement en dehors de cette réalité. Je cherche donc à voir comment et à quel point on peut rendre intéressant un sujet banal, comme se faire un café, simplement en simulant les stimulis qui nous occupent à chaque seconde.

Point non négligeable de l'essai, c'est mon premier film, alors j'apprends à me servir de mon caméscope et du logiciel Premiere Pro. Pour mon plaisir, je vais le publier sur le site web YouTube.com dans quelques jours.

Sapide et dépendant de

Sapide: adj. Qui a un goût, une saveur. N. f. sapidité
C'est peut-être le mot le plus utile que j'ai appris dernièrement et qu'on entend rarement. Nous connaissons pourtant très bien son antonyme «insipide».

Angl.: dépendant de / depending on
On devrait dire selon, suivant, en fonction de ou d’après.
On peut donc être dépendant de la drogue, mais pas de la température.
Quant à la locution dépendamment de, qui signifie elle aussi « selon, suivant, en fonction de », elle est répandue au Québec, mais cet usage est considéré comme familier.

Barton Fink et les frères Coen


Comme plusieurs cinéphiles, j'ai eu ma période de rejet du cinéma américain, considérant tout produit cinématographique de nos voisins comme étant inévitablement pourri (à l'époque j'admirais Kubrick, mais je pensais qu'il était britannique). Il y a déjà quelques années. j'ai découvert qu'il y a autre chose aux États-Unis que des blockbusters mettant en vedette des Chuck Norris, Schwarzenegger, Van Damme et autres gros bras.

Dans le cinéma récent, après avoir notamment découvert Charlie Kaufman, Jim Jarmusch, Spike Jonze et Paul Thomas Anderson, je viens de découvrir les talentueux frères Joel et Ethan Coen. J'avais déjà vu The Big Lebowski quelques fois sans me demander qui était derrière cette fucking delirious comedy. Sur le conseil de mon collègue de travail et ami Martin, après avoir vu O Brother, Where Art Thou?, je viens de voir Barton Fink et je dois dire que ces trois films sont excellents. J'ai bien hâte de voir les autres films des mêmes auteurs.

Dans le film Barton Fink, on retrouve des acteurs chers aux frères Coen: John Turturro, John Goodman et Steve Buscemi. Dans le rôle principal de Barton Fink, John Turturro joue à merveille l'écrivain en manque d'inspiration. Et que dire du jeu de John Goodman qui paraît tellement à l'aise dans ses rôles qu'on jurerait le voir tel qu'il est dans la vie.

L'histoire est simple. Un jeune écrivain qui a eu du succès à New York avec sa dernière pièce de théâtre accepte de partir à Hollywood pour écrire le scénario d'un film. Une fois sur place, loin de son succès, de sa famille et de ses amis, il tombe en panne d'inspiration malgré la médiocrité du sujet du film: la lutte. Dans l'hôtel minable où il loge, il se lie d'amitié avec l'occupant de la chambre voisine, un homme qui se dit vendeur d'assurances et qui se nomme Charlie Meadows (John Goodman).

Le film est une réflexion simple, remplie d'intelligence et d'humour, sur l'intégrité en art et sur le monde dur de Hollywood. Côté traitement, la ligne entre la réalité et l'état psychologique de Barton Fink reste floue. Par exemple, il y a concordance évidente entre l'état stagnant de l'hôtel et l'état d'âme stérile de Barton Fink. Quand à la représentation caricaturale du producteur type de Hollywood incarné par Michael Lerner, j'ai adoré et ce n'était pas sans me rappeler la vision toute aussi caricaturale du milieu hollywoodien de Robert Altman dans The Player.

J'aime beaucoup les frères Coen qui prouvent qu'il est possible de faire à la fois du cinéma intelligent, populaire, drôle et personnel.

mercredi, février 15, 2006

Itératif et être en amour avec

Itératif: adj. Qui est réitéré. Qui est répété plusieurs fois. adv. Itérativement

angl.: être en amour avec quelqu'un / to be in love with somebody
On devrait dire «amoureux de»

Quelques pensées marquantes lues cette semaine:

«La jalousie n'est souvent qu'un inquiet besoin de tyrannie appliqué aux choses de l'amour». -Proust

«Croire, ce n'est pas nécessairement croire. C'est aspirer». -Pierre Vadeboncoeur

«Un artiste engagé n'est pas nécessairement celui qui fait écho aux problèmes cruciaux de son temps; un artiste engagé est celui qui se parfait jusqu'à la limite du possible dans le domaine qui lui est propre, celui qui perfectionne éternellement son univers personnel.» -Jean-Pierre Lefebvre inspiré par Truffaut

Retour sur REGARD au Saguenay

Après une belle journée à me promener en raquettes à Petit Saguenay par un froid crispant, je suis allé assister à 5 séances de courts métrages au Festival REGARD. Travail oblige, je n'ai pas pu y aller le jeudi ni le dimanche. Mais c'était déjà une très belle expérience.

Je parlais la semaine dernière sur ce blog du peu de réalisateurs travaillant seul et je m'interrogeais sur ce phénomène. Après avoir vu plusieurs films, j'ai compris par l'ampleur de la plupart des films qu'il fallait une équipe plus importante pour mener à bien de tels projets. Le film produit par une seule personne est généralement expérimental et demande moins d'interventions diverses. Comme il ne s'agit pas d'un festival du film expérimental, il est normal que nous en ayons vu peu à la programmation.

J'ai finalement terminé d'écrire mon compte-rendu hier. J'aurais bien pu écrire sur le jeune Chick'n Swell Simon Olivier-Fecteau qui en est à des débuts prometteurs, mais j'ai préféré m'attarder à celui qui m'a davantage marqué et qui était présent le vendredi soir, André Forcier.

Lire le compte-rendu sur Canoë

mardi, février 14, 2006


Le travailleur moderne Posted by Picasa

JF et son blogue

Jean-François est un vieil ami que j'ai connu à Jonquière grâce à un autre ami, Louis. C'est un passionné de cinéma depuis toujours et il a un appétit de cinéphile gargantuesque constant et non moins varié, ce qu'on est à même de constater sur son blogue. Ce dernier prouve aussi qu'il aime écrire et ce de belle façon. Il aime aussi le théâtre et la littérature. Avec Louis, il m'avait notamment fait découvrir Ed Wood et 12 Angry Men dont je me souviens et probablement d'autres que j'oublie. Si je vous parle de lui ici, c'est que j'apprécie son blogue et même ceux de quelques-uns de ses amis. C'est cette petite communauté skybloguienne qui m'a donné le goût d'en ouvrir un.

À part la grosse brosse qu'il avait prise avec moi et Louis, j'ai une anecdote intéressante au sujet de Jean-François. Je jouais au hockey et aux jeux vidéo avec Martin et Louis. J'écoutais des films et de la musique avec Jean-François et Louis. Et bien, imaginez-vous que ça m'a pris quelque chose comme 3 ans avant de découvrir que Jean-François et Martin étaient non seulement des amis communs de Louis... mais des frères!

En ce moment sur son blogue, un navet d'or connu sous le nom de Turkish Star Wars, les extraits vidéo sont hilarants! http://thepoutchy.skyblog.com/

Éployer et main d'applaudissements

Quelques fois à chaque semaine, je vais publier la définition d'un mot que je trouve intéressant, mais surtout que je ne connaissais pas ou peu. Je vais aussi mettre un cas d'anglicisme.

Éployer: Littér. Éployer ses ailes. «Les ailes s'éploient pour la volée» (Pergaud). adj. éployé. Voilà qui est plutôt amusant en français, le même sens que déployer, mais littéraire, seulement pour se distinguer.

Angl.: donner une bonne main d'applaudissements/ to give a big hand
on devrait dire «applaudir chaleureusement»

mercredi, février 08, 2006

Dear Wendy de Thomas Vinterberg


La semaine dernière, j'ai vu l'excellent film Dear Wendy réalisé par Thomas Vinterberg sur un scénario écrit par Lars Von Trier. Le Dogme 95 est vraiment un groupe dont les activités et les idées sont passionnantes à voir évoluer. Je n'avais jamais vu leur voeu de chasteté avant de faire la critique du film et je dois dire qu'ils se prêtent à un exercice intéressant.

Selon la définition que j'ai trouvée en français sur Wikipédia «Le Dogme95 est un mouvement lancé par des réalisateurs danois sous l'impulsion de pour lutter contre les superproductions, les artifices et les spéciaux dans le cinéma contemporain et revenir à une sobriété originelle plus expressiveDogme 95 selon Wikipédia

Dans ma critique du film Dear Wendy j'ai fait un rapprochement entre le cinéma de Lars Von Trier et la théorie du théâtre de Brecht. Je n'ai pas osé pousser trop loin dans l'article parce que, après tout, il ne s'agit pas d'un travail de maitrise ou d'un article publié dans les Cahiers du Cinéma. Je profite ici du blog pour partager quelques extraits supplémentaires du Petit organon pour le théâtre de Brecht qui nous aident à comprendre le cinéma et les influences de Lars Von Trier:

«Le mode de jeu qui, entre la première et la deuxième guerre mondiale, a été mis à l'épreuve au Schiffbauerdammtheater de Berlin pour fabriquer de telles reproductions, repose sur l'effet de distanciation. Une reproduction qui distancie est une reproduction qui, certes, fait reconnaître l'objet, mais qui le fait en même temps paraître étranger.»
[...]
«Les nouvelles distanciations devraient seulement ôter aux processus socialement influençables le sceau du familier qui aujourd'hui les protège de cette intervention [le regard scientifique].»
[...]
«Ce qui est resté longtemps inchangé paraît en effet inchangeable. Partout nous rencontrons des choses qui se comprennent trop bien toutes seules pour que nous soyons obligés de prendre la peine de les comprendre. Ce dont ils font l'expérience ensemble paraît être aux hommes l'espérience donnée de l'humanité.»
[...]
«C'est ce regard, aussi difficile que productif, que le théâtre doit provoquer par ses reproductions de la vie en commun des hommes. Il doit amener son public à s'étonner, et cela se fait à l'aide d'une technique de distanciation du familier.
[...]
Cette méthode traite, pour comprendre la mobilité de la société, les situations sociales comme des procès et suit ceux-ci à travers leurs contradictions. Pour elle, tout n'existe qu'en se transformant, qu'en étant donc en désaccord avec soi-même. Cela vaut aussi pour les sentiments, opinions et attitudes des hommes, où s'exprime le caractère propre de leur vie sociale, à un moment donné

Quand ensuite je lis le dixième point de leur voeu de chasteté, je ne peux que faire des rapprochements:

«De plus je jure en tant que réalisateur de réfréner mon goût personnel. Je ne suis plus un artiste. Je jure de me garder de créer un « travail », car je vois l'instant comme plus important que le tout. Mon but suprême est faire sortir la vérité de mes personnages et de mes scènes. Je jure de faire cela par tous les moyens disponibles et au prix de mon bon goût et de toute considération esthétique.»



Lire la critique complète sur Canoë

REGARD sur le court métrage au Saguenay

Du 8 au 12 février se tient au Saguenay un festival du court métrage auquel j'irai assister vendredi soir et samedi. Il ne semble pas y avoir de film produit au Saguenay, ce qui est un peu désolant pour un festival qui a lieu dans la région. Remarquez, à Cannes il n'y a pas tellement de films français non plus.

Ce qui me frappe le plus par contre, c'est le très petit nombre de film produit par une ou deux personnes. Presque chaque film compte une personne distincte pour le scénario, l'image et le montage. Comprenez moi bien, je ne critique pas ce travail en équipe, mais je trouve simplement surprenant qu'aussi peu de gens profitent du court métrage pour exprimer totalement leur univers. Produire un film tout seul ou à deux qui dure 2 ou 10 minutes me semble envisageable. Après tout, ce ne sont pas des productions telles un Star Wars ou un Parrain. Où sont les Stan Brakhage, Norman McLaren, André Forcier, Robert Morin, Richard Leacock de notre temps? Serait-ce l'influence du modèle industriel hollywoodien?

Peut-être aurai-je des éléments de réponse en rencontrant des gens là-bas. J'écrirai d'ailleurs un petit article sur mon expérience qui paraîtra dans la section cinéma de Canoë.

http://www.caravane.tv/

mardi, février 07, 2006

Entretien avec Richard Leacock

PROPOS RECUEILLIS PAR LOUIS MARCORELLES

Voici un entretien qui m'a vraiment marqué. C'est même son absence sur le web qui m'a incité à ouvrir ce blog pour le rendre accessible. Il s'agit d'un texte publié dans le magazine 24 Images en novembre-décembre 1989, no 46. Même s'il ne date pas d'hier, il garde toute sa pertinence puisque la vidéo légère demeure à la portée de tous avec les caméscopes numériques. Je reproduis donc le texte sans aucune permission et en espérant que le moteur Google le récupérera dans ses tentacules. Voyez aussi son site http://www.richardleacock.com/.



Richard Leacock est l'un des chefs de file de l'école américaine du cinéma direct. Il a fondé et animé, avec R. Drew et D.A. Pennebaker, la Drew Associates (1959-1963), financée par Time-Life, afin de mettre en oeuvre une forme de journalisme filmé. Des films comme Primary ou A Happy Mother's Day, ou comme Chiefs, réalisé plus tard (1968), sont des classiques du genre et ils définissent bien sa méthode. Professeur au M.I.T., à Boston, il s'est converti à la vidéo par souci d'économie et de liberté.

-24 images:
À partir du moment où vous avez pu travailler comme vous l'entendiez, avec un m atériel approprié, au début des années 60, quels principes vous ont guidé?

-
Richard Leacock: On se sentait proches de la manière dont certains cinéastes travaillaient au Canada... Aujourd'hui, on se perd dans des discussion stupides, inutiles, sur la Vérité, l'Objectivité. Je suis physicien de formation et je sais pertinemment qu'aucun physicien ne peut vous donner toutes les réponses. Il vous dit ce qu'il croit être pertinent. Et bien sûr, presque toujours il se trompe. Newton lui-même se trompait en un sens. Et en même temps, il avait parfaitement raison. J'ai toujours eu envie de partager mes expériences avec des amis, d'autres gens. Quand je suis allé aux Galapagos, à 17 ans, j'ai voulu ramener quelque chose qui me permettrait de faire comprendre ce que c'était que de vivre là-bas, tout seul, sur l'île déserte. J'ai eu le même désir durant la Deuxième Guerre de partager mon expérience. C'est ça la règle: partager une expérience. À la fin, vous avez un film qui transmet véritablement la perception de celui ou de ceux qui tiennent la caméra. C'est la définition la plus précieuse que je peux donner. Et je ne parle pas ici de Vérité absolue, ni d'Objectivité, ni de quoi que ce soit d'autre. Mais il est important de noter qu'il est plus difficile de mentir délibérément en procédant de cette façon. Bien sûr, on peut toujours mentir. Avec n'importe quel système.

-24 images: Et avec la télévision, la vidéo?

-Richard Leacock: En faisant nos films dans les années 60 ou 70, nous savions tous que la télévision comme médium était une catastrophe. Aujourd'hui, on veut que nous fassions des films sur commande. Comme des sandwiches. Pour satisfaire les besoins de la télé qui commande une douzaine de films sur ci, une douzaine de films sur ça. On ne peut pas y arriver. Ça prenait des années à Roert Flaherty pour faire un film. Certes, on peut faire des films en très peut de temps, mais pas sur commande! Et la télé n'est pas intéressée à ces films faits sous le coup d'une inspiration ou dans une situation d'urgence.

-24 images: Alors, que cherchez-vous à faire avec le nouveau matériel vidéo que vous avez adopté?

-Richard Leacock: Avec cette nouvelle caméra, depuis l'invention du CCD (le nouveau système pour produire des images qui a remplacé le tube), j'ai la qualité de l'image. J'accepte la boîte, les petits projecteurs. Ce que je fais n'est pas pour les grandes salles, je me fiche des grandes salles. Tout ce que je veux, c'est montrer mes films à mes amis, à ma famille, et si ça va plus loin, tant mieux. Mais cela ne me coûte rien. Je filme chaque jour, maintenant. J'aime filmer. Je travaille comme les peintres...

-24 images: Quelle est la différence qualitative entre ce que vous filmiez dans les années 60 et ce que vous faites aujourd'hui?

-Richard Leacock: Dans les années 60, nous avions une liberté énorme, parce que Drew Associates avait obtenu un arrangement incroyable. Pendant quelques années, nous avons fait pratiquement ce que nous voulions. C'était merveilleux. Par notre façon de tourner et de monter nos films, nous avons eu quelques ennuis avec la télévision, mais nous étions libres. Ça a coûté à Time-Life des millions de dollars. Time-Life ne l'admettra jamais, mais c'est la vérité. Et on ne nous a jamais rien dit. Aujourd'hui, je filme quand je veux. Je suis inquiet parfois, parce que je ne sais pas très bien où je vais. Mais, peut-être que c'est exactement ce qu'il faut. Est-ce que les écrivains ou les peintres savent toujours où ils vont?

-24 images: Pensez-vous que le cinéma est en crise, voire qu'il est fini?

-Richard Leacock: Quand Jean Rouch dit que la télévision, ou la vidéo, c'est le sida du cinéma, il a sûrement raison. Moi, je crois que le cinéma est mort il y a longtemps. Le dernier film que nous avons présenté dans les salles c'était Monterey Pop, et seulement parce qu'il y avait des vedettes dedans. Il n'y a plus de cinéma.

-24 images: Pensez-vous être en train de montrer une voie de sortie à certains? Par exemple, qu'il soit essentiel de distinguer nettement le documentaire de la fiction et qu'il soit tout aussi essentiel de faire du long métrage ou de simples vignettes et de s'accommoder de ce choix?

-Richard Leacock: Je n'ai pas de réponse toute faites à cette question. Quand vous leur parlez de mélanger le documentaire et la fiction, il y a des gens qui pensent que ça veut dire de faire un documentaire qui semble vrai mais qui est joué. Pour ma part, j'estime que ça n'offre aucun intérêt. Par contre, je pense que le mélange de parties réellement documentaires et de parties jouées, clairement identifiées comme telles, est très intéressant. Ça m'a toujours fasciné. Malheureusement, aujourd'hui, la plupart des films sont des pseudo-documentaires, de style réaliste.

-24 images: Vous enseignez depuis vingt ans au M.I.T., une institution de haut calibre. Donnez-vous à vos étudiants une formation spécialisée? Ou pensez-vous que votre enseignement ouvre les portes à toutes les formes de pratique cinématographique?

-Richard Leacock: Je pense que dans une école de cinéma vous devez assister à un cours de six semaines pour savoir vous servir des appareils, comme on le fait à Baron. Six semaines suffisent pour cet apprentissage technique. Après ça, vous pouvez vous débrouiller tout seul. À Moscou, les cours en cinéma offerts aux étudiants étrangers durent six ans. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire pendant six ans, à part perdre tout intérêt pour le cinéma! C'est ridicule. Avec le nouvel équipement, même six semaines c'est peut-être trop pour acquérir les bases techniques. Il n'y a pas plus d'intérêt à créer une école de cinéma qu'une école de création littéraire ou de poésie. Il est stupide de croire que la créativité s'enseigne. Comme Robert Flaherty le disait: «On ne peut pas apprendre à quelqu'un à respirer une rose.»

-24 images: Vous avez toujours été favorable à la liberté totale en création. Par ailleurs, vous êtes furieux contre ceux qui critiquent Flaherty. Pensez-vous qu'ils sont malhonnêtes?

-Richard Leacock: Je crois qu'ils attaquent Flaherty parce que ça fait bien. C'est à la mode. Ce sont des relents qui restent chez les vieux gauchistes qui en ont toujours voulu à Flaerty parce qu'il ne faisait pas de films sur ce qu'on appelle les «problèmes sociaux», sur l'exploitation des Esquimaux ou des gens de l'île d'Aran. Mais aujourd'hui, nous sommes à une époque où l'idée de progrès social est en régression. On a de moins en moins d'illusions sur l'avènement du «paradis des travailleurs». Je pense que nous arrivons à une période où l'on va comprendre la validité du point de vue de Flaherty. Et que c'étaient ceux qui colportaient ce romantisme idéologique qui étaient des romantiques. Les films de Flaherty, comme Nanook ou Moana, n'ont pas beaucoup vieilli, beaucoup moins que La ligne générale de M.S. Eisenstein qui, en plus d'être grossièrement réalisé, est une imposture. Qui a vraiment envie de voir un film pareil aujourd'hui? Flaherty était un humaniste, comme Renoir ou Pabst, et ses films nous en apprennent sur le comportement humain, sur le regard que l'on porte les uns sur les autres. La clef, c'est l'être humain... Par ailleurs, aujourd'hui, j'aimerais que le cinéma puisse vivre comme la musique. On ne devrait pas être obligé de faire ni de consommer ces énormes machins qui s'alignent sur des études de marché et qui sont censés plaire à des millions de gens. Le public devrait pouvoir voir ce qu'il veut, quand il veut, où il veut, pour un prix raisonnable.


-24 images: À ceux qui aspirent à créer librement aujourd'hui, vous dites en gros: «Ne travaillez pas pour les grands médias, pour les grosses compagnies, pour les grandes chaînes de télévision. Achetez-vous une caméra vidéo, des bandes, et filmez ce que vous voyez, ce que vous sentez.» Alors, quelle importance accordez-vous au montage. Est-il encore essentiel?

-Richard Leacock: Cela dépend de ce que vous voulez dire par montage. Je pense que «l'editing» est d'une importance capitale.

-24 images: Vous faites une distinction entre le montage et «l'editing»?

-Richard Leacock: Oui. La notion de montage se rattache aux théories d'Eisenstein sur les effets. Je crois qu'elles trouvent peu d'applications, sauf si vous faites des films publicitaires ou des vidéos musicaux dans lesquels on les utilise énormément. Et d'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles je suis si furieux contre ceux qui attaquent Flaherty c'est, entre autres, parce qu'ils ont été incapables de voir le merveilleux «editor» qu'il était. Je ne veux pas faire une sorte d'idole, mais je pense que si vous voulez apprendre comment filmer une séquence, comment maintenir la tension visuelle, il vous suffit de revoirs ses films. Le travail à la caméra et «l'editing», c'était ce qui l'intéressait. Dans ses films, il ne fournit jamais toutes les informations. Pour lui, la fonction du gros plan n'est pas tant de fournir des détails sur le sujet, mais plutôt de ne pas tout révéler sur ce qui l'entoure. Selon moi, sa vision du cinéma était celle d'un grand théoricien. Mais il n'a jamais rien écrit. La polémique ne l'intéressait pas. Ce n'était pas son genre. C'était un cinéaste qui n'aimait pas écrire sur son art, comme les peintres, souvent, n'aiment pas écrire sur leur pratique.

-24 images: Pour conclure, quelle est votre orientation actuelle?

-Richard Leacock: Je suis en train de changer, et c'est difficile parce que contraire à la formation que j'ai reçue. Avec la caméra vidéo, si je vois quelque chose qui me fascine, si j'ai envie de participer, je filme. J'essaie de faire sortir quelque chosse de mon expérience. De la partager. C'est difficile, et je fais constamment des erreurs. Et je sais pourquoi: c'est parce que je continue à avoir cette idée dans la tête qu'il faut un sujet, une histoire, alors que ce n'est pas du tout ce que je cherche à faire. La formation que j'ai reçue m'aide énormément, mais c'est aussi un handicap.»

-24 images: Mais lorsque vous partez avec votre caméra vidéo, et que vous filmez ce que vous voyez, que faites-vous de toute cette matière, de toutes ces images? Combien d'heures de film avez-vous sur votre bande? Et quel est votre objectif? Vous devez faire un tri de ce que vous filmez, pour n'en retenir peut-être que quinze minutes?

-Richard Leacock: Avez-vous déjà observé un aquarelliste? Il peint sans arrêt, vingt aquarelles, trente aquarelles. Cinquante, en une heure. Sur ces cinquante, il y en aura peut-être une de bonne. Mais il s'en fiche, c'est seulement du papier. Voilà, c'est peut-être comme ça que je veux travailler aujourd'hui. Selon cette méthode, je n'ai rien fait jusqu'à présent que je puisse considérer comme une oeuvre d'art, comme un joyau. Mais j'ai l'impression d'apprendre, tous les jours. Avant, je filmais une fois par an: c'est horrible quand j'y pense. Et la plupart des réalisateurs utilisent des caméramans professionnels: c'est obscène. Je veux filmer moi-même, je veux tenir la caméra, voir ce qui se passe. Avec la caméra vidéo, je peux filmer sans arrêt, ça ne coûte rien et je peux réutiliser les bandes, de toute façon.»

-24 images: Finalement, dans votre oeuvre, on observe le passage d'une aventure collective, sociale, à une expérience extrêmement individuelle.

-Richard Leacock: Mais pas du tout! Je peux faire des films sur l'expérience collective. Cette opposition, cette limite n'existe pas pour moi. Comme je l'ai dit, je n'ai pas d'idée préconçue, lorsque je tourne, je ne sais pas où je vais. La seule chose que je sais, c'est que je filme lorsque je sens en moi l'envie de participer. Au lieu de «couvrir» un événement, ce qui, pour moi, est un peu bidon, artificiel. Mais, si c'est ça que vous voulez faire, faites-le. Faites ce que vous avez envie de faire. Par exemple, en janvier, à Moscou, j'ai rencontré des cinéastes, comme Maarina Goldovskaia qui a fait Le pouvoir de Solovski que j'ai beaucoup aimé. Nous nous sommes rencontrés, nous avons discuté, et j'ai filmé ça et bien d'autres choses...

-24 images: Quel conseil donneriez-vous aux jeunes de vingt ans qui veulent faire du cinéma? Doivent-ils travailler librement, comme vous le faites, et avec ce nouvel équipement vidéo?

-Richard Leacock: Avec ce nouvel équipement, vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous pouvez faire une comédie musicale, si ça vous tente. Vous n'êtes pas limité. Vous avez une liberté totale. Mais, la liberté, c'est gênant. Que faire de la liberté? De plus, je pense que plusieurs résistent parce qu'être réalisateur de vidéo ce n'est pas aussi chic qu'être cinéaste. Aussi, il faut éviter la paresse. La plupart des caméramans ne filment que lorsqu'ils sont payés: c'est incroyable! Vous ne trouvez pas ça bizarre? Des gens qui font des choses seulement lorsqu'ils sont payés?»