vendredi, juillet 07, 2006

La tragédie des dragons

Triste, c'est vraiment triste. J'ai tellement aimé voir la pièce de théâtre La Trilogie des dragons de Robert Lepage que j'étais tout excité quand j'ai appris qu'il voulait l'adapter au cinéma. Hé bien non, s'il faut en croire les dernières déclarations du cinéaste de Québec qui se fait plutôt boudeur en fermant Ex aequo. Il se dit tellement de choses depuis quelques jours sur ce sujet compliqué qu'est le financement public du cinéma qu'il est difficile de s'en faire une opinion.

Rapidement, je dirais que:

-Le gouvernement actuel n'en a rien à cirer (féd. et prov.)
-Le système d'enveloppes à la performance est certainement à revoir rapidement
-Davantage de petits films devraient être financés dans une certaine mesure sans qu'on ne laisse de côté les plus gros
-Nous ne devons pas oublier que nous vivons dans un tout petit pays d'environ 7 millions d'habitants, soyons réalistes et modestes en rêvant un peu moins quant à notre capacité de financer des films avec des fonds publics.
-Je sais que c'est facile à dire, mais je vais le dire quand même: cesser de vouloir à tout prix imiter une certaine industrie américaine lourde et coûteuse. Il y a des bijoux du cinéma qui ont été tournés avec rien, le génie n'est pas directement lié à l'argent. En quatre mots: penser le cinéma autrement (au moins quelques fois).
-Se donner les moyens de récupérer une partie de l'argent qui circule dans le monde du cinéma pour le redistribuer aux artisans. On ne fait presque rien de ce côté là. Par exemple, dans La Presse d'aujourd'hui, on rappelait qu'en France on impose une taxe aux compétiteurs hollywoodiens pour financer le cinéma national. Pourquoi ne pas faire cela ici aussi?

Je reviendrai sur ce sujet très large dans un billet plus élaboré. Je termine d'ailleurs quelques lectures à ce sujet.

J'ai trouvé ça un peu étrange que Robert Lepage et le producteur Mario St-Laurent brandissent encore le drapeau de l'inéquité régionale en disant «Hors de Montréal, point de salut!». Si cela a le mérite de donner un angle d'attaque particulier au débat et d'attirer l'attention, je ne pense pas que le problème soit vraiment là.

Région ou pas, il demeure toutefois étonnant que le projet de Lepage n'attire pas plus l'attention des gens de Téléfilm. La pièce de théâtre a eu du succès aux quatre coins de la planète et Robert Lepage possède une renommée internationale. De plus, il a remporté le prix Génie pour la meilleure adaptation cinématographique de sa pièce de théâtre La face cachée de la lune. Que demander de plus?

Dans Le Soleil on pouvait lire la frustration

FINANCEMENT DU CINÉMA
«Hors de Montréal, point de salut!»
Julie Lemieux
Le Soleil


Robert Lepage et le producteur de la défunte boîte Ex æquo, Mario St-Laurent, considèrent que les organismes de financement du cinéma devraient donner une petite chance aux régions, qui ont bien du mal à livrer une saine compétition à la puissante industrie montréalaise du film.

« La télévision aujourd’hui, c’est quoi ? C’est des téléséries qui se passent à Longueuil et à Outremont, s’insurge Lepage. C’est ça le Québec ? Ce n’est pas vrai, il y a une province énorme. Il y a le même nombre de personnes qui habitent en dehors de la ville et de la région immédiate de Montréal. »

Mais bien souvent, ces gens ne sont pas bien représentés, tant au petit qu’au grand écran. Car les Téléfilm de ce monde ne démontrent pas une très grande sensibilité envers les régions, affirme Mario St-Laurent. « Nous nous étions donné comme mission de développer l’industrie cinématographique de Québec, mais on dirait que ça nous a désavantagés. On a bien tenté de défendre notre point de vue devant Téléfilm. On leur a dit à quel point le projet de La Trilogie des dragons était important pour la région de la capitale. Mais regardez le résultat... Ils n’ont aucun intérêt pour le développement régional. En dehors de Montréal, point de salut ! »

Depuis 2003, depuis La Face cachée de la lune, la capitale n’a en effet accueilli aucun tournage majeur. Une situation inquiétante pour les artisans de l’industrie, mais aussi pour la diversité culturelle québécoise. Car selon Robert Lepage, il est naturel que l’industrie cinématographique soit concentrée dans la métropole pour des questions pratiques, « mais pas que la culture québécoise y soit polarisée. Aussi bien mettre la clé dans la porte du Québec, aussi bien fermer la province. Ça va être moins compliqué pour Montréal », ironise-t-il.


Système injuste

Le réalisateur affirme en outre que le système de financement de Téléfilm est injuste puisqu’il ne favorise pas le cinéma d’auteur « C’est très clair que si tu fais Boys 6 et que tu fais du cash, tu n’as pas besoin de présenter un scénario l’année d’après et tu fais Boys 7. Et les gens qui gagnent des prix, qui représentent le Canada ailleurs, ça n’a pas de valeur. »

Mario St-Laurent est du même avis. Selon lui, il est inacceptable que la performance des producteurs au box office soit aussi importante lorsque vient le temps d’octroyer des subventions. Et il donne l’exemple de Denise Robert, qui part toujours avec une longueur d’avance puisqu’elle récolte beaucoup plus d’argent, plus « d’enveloppes à la performance » que les autres en raison de la popularité de ses productions (Les Invasions barbares, Ma vie en cinémascope). « Tous les producteurs devraient pourtant être égaux », lance-t-il.

Malgré tout, M. St-Laurent n’a pas perdu tout espoir de continuer à faire du cinéma dans la capitale. Il souhaite toutefois que la présente crise de confiance qui secoue Téléfilm Canada contribuera à revaloriser le cinéma d’auteur, à changer les règles et à redonner aux régions la voix qui leur fait cruellement défaut.


Dans La Presse, c'était sensiblement la même chose

Autre article du Soleil


Fini les films à Québec
Julie Lemieux
Le Soleil

Dur coup pour la capitale. Désillusionné par le système, Robert Lepage ne veut plus tourner de films au Québec et ferme sa boîte de production cinématographique, Ex æquo, qui avait pignon sur rue dans la capitale. « Si je veux réaliser ou scénariser, il faut que j’aille ailleurs. C’est ce qu’on me dit », soutient-il.

Le réalisateur n’a pas digéré la cinquième gifle au visage de Téléfilm Canada, qui a encore une fois refusé de subventionner le tournage de La Trilogie des dragons, malgré la renommée internationale de cette pièce. Il rejette la faute sur le système de financement de Téléfilm, mais aussi sur la montréalisation de la culture. « Il y a un demi-million de personnes dans la région de la Capitale-Nationale. On a le droit nous aussi de refléter notre vision, d’être présents. »

Le producteur d’Ex æquo, Mario St-Laurent, ajoute que tous les autres projets de la compagnie, lancée il n’y a même pas deux ans, se sont aussi butés à la fermeture d’esprit de Téléfilm Canada. Les œuvres de Hugo Latulippe et de Martin Villeneuve ont en effet été refusées par Téléfilm, même si elles ont été appuyées par la SODEC. « Si Téléfilm refuse nos projets parce qu’ils sont différents, il faut bien se rendre à l’évidence que ce n’est plus possible de faire le type de cinéma que l’on veut faire », lance M. St-Laurent, en ajoutant que la productrice Fabienne Larouche avait bien raison de dénoncer le climat malsain qui règne au sein de cet organisme.

«C'est non seulement dramatique pour notre région, mais aussi pour la cinématographie québécoise», soutient pour sa part la directrice du Commissariat municipal du film et de la télévision de Québec, Lorraine Boily, qui réserve toutefois sa véritable réplique à plus tard.

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