dimanche, juin 20, 2010

100e de Kurosawa au Cinéma du Parc

YojimboJ'ai perdu l'habitude de regarder la programmation du Cinéma du Parc depuis qu'on y passe du numérique à tour de bras, mais depuis que j'ai cédé à Facebook, je suis notamment devenu un ami ou un fan (je ne sais plus trop bien) dudit cinéma. Et bien quelle bonne surprise ai-je d'apprendre qu'il y aura 15 films d'Akura Kurosawa en 35mm en salle au mois d'août prochain! Malheureusement Kagemusha, Ran et bien d'autres sont en numérique... Si les films en numérique vous intéressent, visitez le site du Cinéma du Parc, pour les puristes, voici la liste des 35mm.



1- YOIDORE TENSHI / DRUNKEN ANGEL


Vendredi 6 août, 19h30


Samedi 7 août, 19h30


Dimanche 8 août, 19h00


Lundi 9 août, 21h15


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Japon. 1948. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 98 min. Avec Toshiro MifuneVersion originale japonaise avec sous-titres anglais


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Le Japon de l’immédiate après-guerre. Un soir, un médecin alcoolique officiant dans les quartiers défavorisés est réveillé par un jeune yakuza blessé par balle. En le soignant, il découvre que celui-ci est atteint de tuberculose, mais il refuse de suivre les prescriptions proposées. Commence alors une relation étrange entre les deux hommes."Toshiro Mifune jouait avec une énergie stupéfiante […]. Avec sa vivacité, il avait également une grande finesse de sensibilité. […] J’ai compris tout de suite que je ne devais pas le laisser devenir trop séduisant dans le rôle du gangster, mais il aurait été désastreux de contenir la puissance attractive de Mifune au moment où sa carrière s’ouvrait…"– AKIRA KUROSAWA




2- RASHÔMON / RASHOMON


Vendredi 6 août, 21h30


Samedi 7 août, 17h30 et 21h30


Dimanche 8 août, 15h00


Vendredi 13 août, 18h15


Lundi 16 août, 18h15


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Japon. 1950. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 88 min. Avec Toshiro MifuneVersion originale japonaise avec sous-titres anglais


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"Véritable leçon de cinéma, le film de Kurosawa demeure une réalisation exemplaire dont le modernisme surprend encore et toujours. Tout comme Citizen Kane, qui aurait pu être réalisé aujourd'hui sans grandes altérations majeures, Rashomon se distingue par la finesse d'un jeu de caméra posé et intelligent. Que ce soit le premier film oriental à attirer l'attention des cinéphiles occidentaux justifie son importance historique mais n'explique pas son succès. Ce qui fait que l'on revient encore et toujours au classique de Kurosawa, c'est cette splendide naïveté nuancée qui en informe la réflexion. L'indéniable accomplissement technique de l'ensemble n'est que le couronnement pour un film fort simple dont la densité, pourtant, a de quoi laisser pantois. Ce qui a vraiment eu lieu dans cette forêt restera à jamais un mystère, car même la perspective qui peut nous sembler définitive est voilée par le mensonge et la subjectivité. Mais c'est cette absence d'absolu qui fait de Rashomon un film grandiose."– PANORAMA-CINEMA.COM




3- NORA INU / STRAY DOG


Dimanche 8 août, 21h00


Lundi 9 août, 19h00


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Japon. 1949. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 122 min. Avec Toshiro Mifune.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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"Stray Dog, tourné en 1949, est déjà le neuvième film de Kurosawa, qui commença sa carrière en 1942 alors que la Seconde Guerre mondiale faisait rage. S’attaquant aux mêmes problématiques que le néo-réalisme italien — et même le réalisme poétique de Renoir —, ce polar magnifique conjugue l’atmosphère tendue et oppressante du film noir, la réflexion existentialiste sur les notions de bien et de mal et la description quotidienne d’un Japon ravagé par la guerre. Un film essentiel pour aborder l’œuvre difficile — et cependant incontournable — du cinéaste japonais.Conjuguant la chaleur et l’humidité palpables des scènes, la musique aux soubresauts violents, les contre-plongées en forme d’abîme, la mise en scène toute en intensité (dans les passages d’un plan à l’autre, souvent par volets) et en profondeur (dans le cadrage), Kurosawa obtient avec Stray Dog un « film noir » parfait de bout en bout. Hitchcock lui-même l’aurait salué bien bas."– CRITIKAT.COM




4- IKIRU / TO LIVE


Mardi 10 août, 21h00


Mercredi 11 août, 21h00


Jeudi 12 août, 18h15


Samedi 14 août, 13h45


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Japon. 1952. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 143 min. Avec Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Un fonctionnaire effacé apprend qu'il n'a que quelques mois à vivre et décide de profiter de la vie avant de se rendre compte que cela ne le satisfait pas.Film préféré de Kurosawa, To Live est une oeuvre humaniste touchant à une préoccupation essentielle du réalisateur, tourmenté à l'idée de mourir avant d'avoir assez vécu."To Live est un film spécifiquement japonais, mais ce qui frappe en cette oeuvre et s'impose à l'esprit, c'est la valeur universelle de son message."- ANDRÉ BAZIN




5- SHICHININ NO SAMURAI/ SEVEN SAMURAI/ LES SEPT SAMOURAIS


Vendredi 13 août, 20h00 (STA)


Samedi 14 août, 16h15 (STF) et 20h00 (STA)


Dimanche 15 Août, 16h15 (STF) et 20h00 (STA)


Lundi 16 août, 20h00 (STA)


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Japon. 1954. Réal.: Akira Kurosawa. Projection numérique (STF) / 35 mm (STA). 207 min. Avec Toshiro Mifune, Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres français ou anglais selon l’heure de projection


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Au XVIe siècle, époque de grande violence au Japon, une bande de guerriers sans pitié opprime et rançonne un village de paysans. Désespérés, ces derniers se résolvent à engager des samouraïs pour les protéger. Kambei, aidé de son disciple Katsushiro, recrute quatre soldats errants ainsi qu'un demi-fou, Kikuchiyo. Peu à peu, ils s'intègrent au village dans un climat de confiance. Grâce à un entraînement intensif, et parfois cocasse, les villageois se préparent à défendre leurs biens et à combattre aux côtés des samouraïs...Ce fut longtemps le film le plus cher de l'histoire du cinéma nippon. Confrontés à un tournage long et difficile, les dirigeants de la Toho faillirent même abandonner le projet. Mais la version intégrale prouve que Les sept samouraïs est un chef-d'oeuvre, bien plus qu'un simple western japonais. D'ailleurs, si Kurosawa a pu se dire influencé par John Ford, c'est son film qui a suscité un remake sous forme de western (le trop élaboré Les sept mercenaires) et non l'inverse. L'assaut final est filmé avec de nombreuses caméras et une multitude de plans latéraux qui, dans un montage rapide accélérant l'action, contribuent à l'aspect frénétique et mémorable de la scène.- ARTV




6-IKIMONO NO KIROKU / I LIVE IN FEAR


Mardi 17 août, 19h00


Mercredi 18 août, 21h00


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Japon. 1955. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 103 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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L’industriel Nakajima, chef de famille fortuné, est obsédé par la menace atomique. Il souhaite vendre tous ses biens et s’exiler au Brésil pour se protéger. Dans cette intention, il retire tout son argent de la banque et cherche à vendre son usine."Mifune nous offre ici une prestation remarquable, très éloignée de ses habituels rôles, toujours aussi énergique et fougueux, sous les traits plus marqués d’un vieillard, qui plie sous le poids de l’angoisse dont il est imprégné."– KUROSAWA-CINEMA.COM




7-KAKUSHI-TORIDE NO SAN-AKUNIN/ THE HIDDEN FORTRESS


Mardi 17 août, 21h00


Mercredi 18 août, 18h30


Dimanche 22 août 22, 14h00


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Japon. 1958. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 139 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Afin de refonder le clan Akizuki, une jeune princesse tente de gagner un territoire allié, escortée par un guerrier hors pair et deux paysans cupides et maladroits."Après quelques films sérieux et graves, Kurosawa se lance dans le film d'aventures. Dans cette histoire relativement classique, Kurosawa surprend le spectateur avec des personnages qui le sont beaucoup moins. Ainsi, le héros, le général joué par Mifune, n'hésite pas à sacrifier sa soeur, la princesse est une femme indépendante qui se ballade en short, quant aux paysans-serviteurs ils ne sont là que par l'appât du gain, et apportent une touche d'humour par leur maladresse et leur naïveté. Pour son premier film en cinémascope, Kurosawa perfectionna l'utilisation de caméras multiples. Il tourna la même scène avec plusieurs caméras (entre deux et six) sous différents angles. Cette technique il permettant une grande souplesse lors du montage. George Lucas avoua s'être inspiré du scénario de La Forteresse cachée pour écrire La Guerre des étoiles. En effet, Lucas raconte l'histoire d'une princesse (Leia) pourchassée par ses ennemis (Dark Vador et l'Empire), aidée dans sa fuite par un chevalier (Luke Skywalker) et deux hommes attirés par l'argent (Han Solo et Chewbacca)."– UTC.FR




8- TENGOKU TO JIGOKU / HIGH AND LOW


Jeudi 19 août, 18h00


Vendredi 20 août, 21h15


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Japon. 1963. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 143 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Gondô est placé devant un dilemme : il a réuni une grosse somme d’argent pour racheter la totalité des parts de son usine, mais on lui demande la même somme comme rançon d’un enfant kidnappé."Polar ayant inspiré de grands noms tel que Polanski, High and Low est un oeuvre majeure à mi-chemin entre la dénonciation sociétale et le thriller hitchkokien. On retrouve tous les éléments qui inspireront des cinéastes comme Polanski ou Scorsese. Une méthode en partie brisée par la suite, quand le film se concentre sur l'enquête policière. Chose rare, la presse n'est pas un obstacle au bon déroulement des investigations, mais un allié collaborant avec la police. En toile de fond, l'industrie devient un environnement de requins dont s'émancipe l'homme d'affaires. Après un final haletant, le constat est là : High and Low est bel et bien l'un des meilleurs polars jamais réalisés. Du très très grand cinéma !"– PLAN-C.FR




9-KUMONOSU-JÔ / THRONE OF BLOOD


Jeudi 19 août, 21h00


Vendredi 20 août, 19h00


Samedi 21 août, 17h15


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Japon. 1957. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 109 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Dans le Japon du XVIe siècle, deux généraux, Taketoki Washizu et Yoshiaki Miki, sont perdus dans les brumes et la forêt au retour d'une bataille victorieuse. Ils rencontrent une sorcière qui leur prédit que Washizu deviendra commandant du fort septentrional et succédera à son seigneur Kuniharu Tsuzuki. Cependant, ce sera Yoshiteru, le fils de son ami Miki, qui régnera. Sous l'influence de sa femme Asaji, Washizu assassine le seigneur Tsuzuki, puis envoie ses hommes tuer Miki, mais son fils échappe à la mort."Cette très fidèle transposition du Macbeth de Shakespeare dans le Japon médiéval se révèle une véritable splendeur plastique. Avec Shakespeare, Akira Kurosawa trouve une sorte de frère : l'univers de l'auteur de Hamlet se fond admirablement dans celui du cinéaste, qui ne renie jamais la théâtralité de son matériau d'origine. La violence, les conflits, les enjeux de pouvoir, les marques du destin, le sens du mystère trouvent ici de merveilleux équivalents japonais. D'où une réalisation expressive et théâtrale, marquée par quatre moments forts inscrits dans toutes les mémoires : l'apparition magique d'une lady Macbeth directement issue du théâtre nô ; les oiseaux chassés de la forêt qui envahissent la forteresse ; la ténacité d'un brouillard mystérieux dans les environs du château ; enfin, l'attaque finale du château par des guerriers que l'on ne distingue pas de la forêt et qui s'achève sur un buisson de flèches s'abattant sur Toshiro Mifune, l'acteur fétiche du cinéaste. À la fois fidèle à la lettre et profondément japonais, Throne of Blood illustre la force d'inspiration d'un réalisateur majeur de l'histoire du cinéma, et qui reviendra 30 ans plus tard à Shakespeare, avec Ran, inspiré du Roi Lear."-SYLVAIN LEFORT




10-WARUI YATSU HODO YOKU NEMURU/ THE BAD SLEEP WELL


Samedi 21 août, 14h30


Dimanche 22 août, 16h45


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Japon. 1960. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 150 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Le directeur d’une agence immobilière va marier sa fille à son secrétaire. Mais il est plongé au coeur d’une affaire de corruption qui semble toucher beaucoup d’employés."À la fois film noir et chronique sociale, Kurosawa, à travers l'histoire de Nishi, futur époux d'une riche héritière estropiée, aborde tous les thèmes qui lui sont chers : les bas-fonds, la criminalité, la corruption des riches et la misère."– CINEMATEK.BE




11-YÔJIMBÔ / YOJIMBO


Samedi 21 août, 19h15


Dimanche 22 août, 19h30


Lundi 23 août, 19h30


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Japon. 1961. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 110 min. Avec Toshiro Mifune , Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Au milieu du XIXe siecle le samourai Sanjuro loue ses services a une des bandes qui regnent sur un village au detriment des villageois. Voyant qu'on veut se debarrasser de lui apres qu'il eutaccompli la salle besogne, Sanjuro va decimer les deux bandes qui se dechirent le village."Yojimbo est un film très ironique de Kurosawa, qui filme ici une "parodie de la violence" (Aldo Tassone). Il reprend tous les codes du film de samouraï et du western américain (que Kurosawa, grand cinéphile, connaît bien), pour mieux les détruire et faire rire le spectateur. Certaines scènes sont hilarantes, tant les personnages sont ridicules et les quiproquos cocasses.Une telle démonstration ne pouvait qu'influencer les occidentaux: Sergio Leone, qui tombe par hasard sur le film, décide de l'adapter: ce sera For A Few Dollars More, avec Clint Eastwood (1964), nettement moins fin que son modèle, mais tout aussi jouissif. Plus récemment, Walter Hill adaptera de nouveau le scénario, dans Last Man Standing, avec Bruce Willis (1996). Le succès considérable de Yojimbo au Japon poussera les producteurs à demander une suite à Kurosawa: ce sera Sanjuro (1962), un autre chef-d'oeuvre d'ironie et de parodie."– MATHIEU PERRINTous les montréalais qui se disent ‘’cinéphiless’’ viendront voir (ou revoir) en 35mm Yojimbo et Sanjuro.




12-TSUBAKI SANJÛRÔ / SANJURO


Samedi 21 août, 21h30


Dimanche 22 août, 21h30


Lundi 23 août, 21h30


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Japon. 1962. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 96 min. Avec Toshiro Mifune, Takeshi Shimura.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Au Japon, à l’ère Tokugawa, dans la capitale d’un petit Etat féodal, le samouraï rônin Sanjuro Tsubaki (Sanjuro des camélias) prend sous son aile neuf jeunes guerriers idéalistes et épris de justice, mais inexpérimentés. Il les aide dans leur lutte contre le chambellan leur maître."Poursuivant dans la veine de divertissement pur entamée par The Hidden Fortress, et dont l'apothéose serait peut-être le Yojimbo mis en scène un an auparavant, Akira Kurosawa offre avec Sanjuro (la « suite » de Yojimbo) un film de sabres d'une fluidité et d'une évidence cinématographiques mémorables.(…) Akira Kurosawa ouvrait la porte à un renouveau du cinéma d'exploitation, plus nerveux, plus violent, faisant la part belle aux héros marginaux et sans concessions."– ÉCRAN LARGE




13-AKAHIGE / RED BEARD


Mardi 24 août, 20h30


Mercredi 25 août, 18h00


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Japon. 1965. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 185 min. Avec Toshiro Mifune.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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En 1820, le jeune médecin Yasumoto est bien décidé à faire une brillante carrière, sa connaissance de la médecine occidentale et ses origines le destinant aux plus hautes sphères médicales. Mais sa première affectation l’envoie dans un quartier très pauvre de Tokyo, dans le dispensaire de l’intransigeant docteur Kyojo Niide, surnommé Barberousse, médecin des pauvres. Au terme d’expériences parfois éprouvantes, Yasumoto découvre la misère des quartiers et s’ouvre au monde à l’aide de son mentor."Réalisé dans la douleur (deux ans de tournage, un budget faramineux impossible à amortir qui entraînera la rupture définitive avec la Toho, de profonds désaccords avec Toshiro Mifune, qui mettront fin à leur très fructueuse collaboration), Red Beard ne souffre nullement de ces contraintes et c’est un nouveau chef-d’œuvre que nous livre ici Akira Kurosawa. S’attaquant, après To Live, The Lower Depths... à l’un de ses sujets de prédilection, le sort des miséreux, celui que l’on surnommait l’Empereur déploie une nouvelle fois toute sa science septième art, pour nous offrir une œuvre d’une bouleversante humanité."– ÀVOIR-ÀLIRE.COM




14-DONZOKO / THE LOWER DEPTHS


Jeudi 26 août, 18h45


Vendredi 27 août, 21h00


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Japon. 1957. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 125 min. Avec Toshiro Mifune.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Rokubei et de son épouse Osugi vivent dans un asile où trouvent refuge une douzaine de vagabonds."On retrouve dans cette adaptation de la pièce de Gorki, un des thèmes préférés de Kurosawa: la peinture de la misère et des petites gens (qu'on retrouve dans The Seven Samurai ou The Drunken Angel). Alors que beaucoup considèrent Kurosawa seulement comme un grand peintre du monde des samouraïs, il démontre ici l'ampleur de son talent et des préoccupations sociales pour dépeindre aussi la pauvreté..."– MATHIEU PERRIN




15-DODESUKADEN / DODES'KA-DEN


Jeudi 26 août, 21h00


Vendredi 27 août 27, 18h15


Jeudi 29 août, 13h30


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Japon. 1970. Réal.: Akira Kurosawa. 35 mm. 144 min.Version originale japonaise avec sous-titres anglais


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Dans un quartier défavorisé de Tokyo, dans les années 70, la vie des marginaux. Un jeune garçon s’échappe du réel pour se construire un monde imaginaire."Reprenant le thème des The Lower Depths (1957), c’est dans un décor stylisé aussi flamboyant que désolé qu’Akira Kurosawa choisit de faire évoluer ses personnages, pour sa première réalisation en couleurs. Pour Kurosawa, qui traverse alors une grave dépression (il tentera d’ailleurs de mettre fin à ses jours devant l’échec commercial de son film), l’humanité offre un spectacle aussi désolé que désolant. Le seul espoir, ténu, se situe dans le rêve. Celui du père clochard et de son fils (dont le couple rappelle celui du Kid de Chaplin), qui fantasment leur maison idéale. Un superbe film sur le monde tel qu’il va mal et l’art, tel qu’il sauve."– ÀVOIR-ÀLIRE.COM

lundi, mars 22, 2010

Simon Galiero attaque le cinéma d'auteur et la critique

Il y a deux textes - non trois - que j'ai lus dernièrement sur le cinéma québécois qui me paraissent très importants même s'ils ne font pas la Une de La Presse. Enfin si, celui de Foglia auquel j'ai pensé après les deux premiers, mais ils sont rares ceux qui ont quelque chose à dire et qui peuvent être entendus par le plus grand nombre.

Tout d'abord le fruit d'une entrevue du blogue Films du Québec avec Simon Galiero.

Extraits:

«Pour moi il [le cinéma d'auteur] n'est pas forcément si vivant que ça. Quand ça grouille, ça peut être vivant mais ça peut aussi être quelque chose de mort qui se fait bouffer par des vers.»

«Beaucoup de critiques ne sont plus des critiques mais des attachés de presse qui peuvent être autant au service d'"Avatar" que de la "nouvelle vague du cinéma québécois".»

Je prépare moi-même un article sur le manque de sens critique chez nos cinéastes inspiré par un article de Jean Douchet, et ce dernier extrait tiré de l'entrevue de Galiero rejoint ce que Douchet écrivait en 1961: «Il est évident que n'entre pas dans son propos [à la critique] d'entretenir le lecteur de ces papotages si répandus dans tant de gazettes. Ils n'ont de critiques que le nom et, dégradant le mot, avilissent la fonction et abaissent ceux qui la pratiquent. Considérer le cinéma (puisque c'est de cet art que nous parlons) comme un sujet de conversation et seulement comme tel me semble inqualifiable. L'envisager uniquement comme un objet d'intérêt personnel (gagne-pain, occasion de se faire un nom et d'arriver, possibilité de vendre un scénario ou de se vendre), ou l'utiliser pour mener un combat idéologique, politique, religieux, qui lui est étranger, bref, gonfler son moi ou une cause, fût-elle la plus noble, fût-ce même l'objection de conscience, ou détriment du cinéma, trahit une malhonnêteté intellectuelle foncière. L'art exige de la critique qu'elle le serve et non qu'elle s'en serve.» («L'art d'aimer»)

Dans son article Que disent les images? (24 Images, numéro 146) Marie-Claude Loiselle poursuit et élabore sa réflexion amorcée dans son éditorial Chercher sa place (24 Images, numéro 140). Ce superbe texte empreint de lucidité est très important, car si on accuse souvent la presse quotidienne de pauvreté intellectuelle, les magazines tels que Séquences, Ciné-bulles et même 24 Images se contentent le plus souvent d’éviter de faire des vagues.

L'article est très long et si les extraits stimulent votre intérêt, il vous faudra acheter le magazine ou le consulter à la biblio. (Pour les paresseux, voici l'article en pdf, désolé pour le look, Google a changé son service dernièrement et je ne le connaissais pas jusqu'à ce soir...) Je vous offre ces extraits qui n'apparaissent pas sur le site de 24 Images.

Il y a quelques phrases assez assassines bien senties mais beaucoup de questions importantes d'ordre plus général sont soulevées comme dans cet extrait:

«On a en tout cas l'impression que les plus jeunes cinéastes sont écartelés, et quelquefois de façon confuse, entre le poids de l'héritage (du cinéma) à assumer et le besoin d'affirmer une modernité en acceptant le fait de venir justement «après», en tournant le dos à ce qui pourrait constituer une entrave à leur simple envie de faire des films. Mais paradoxalement, c’est chez ceux qui revendiquent de la façon la plus ostensible un désir de liberté, de dissidence par rapport aux impératifs imposés par le commerce que cette liberté semble la plus difficile à atteindre, comme si la chape de plomb de ce qui apparaît moderne à leurs eux tendait à se refermer sur eux tels un piège, une prison. La lenteur, les silences soutenus, la fixité des cadrages, la quasi-absence de dialogue inscrivent, certes, leurs films aux antipodes d’un certain univers audiovisuel aux effets tonitruants, mais cela les place-t-il du coup à l’abri des tendances et de tout conformisme autant que leurs auteurs le souhaitent?»

À lire, absolument.

Finalement Pierre Foglia. Je suis toujours étonné du phénomène Foglia. Cet auteur adore l’écrit, il s’applique, il approfondit, il se torture pour livrer des textes vivants et intelligents, les gens l’aiment, l’admirent, on dit même que les ventes de La Presse augmentent quand on le publie. Alors quoi, la qualité peut vendre? Pourquoi la tendance est-elle uniquement de niveler par le bas dans les médias?

En tout cas, qu’il parle de vélo ou de cinéma, on a toujours envie d’être d’accord avec lui.

«Les céréales»

mercredi, février 17, 2010

Bride of Frankenstein



Bride of Frankenstein, l'un des rares films compris dans une suite qui est meilleur que le premier (Frankenstein, aussi réalisé par James Whale).


À chaque fois que je vois ce film, je ne peux m'empêcher de penser à quel point notre actrice québécoise Catherine Trudeau (à droite sur le montage) ressemble à l'actrice Elsa Lanchester (à gauche). Avec la perruque, le maquillage et l'éclairage, ce serait identique. À quand le remake québécois? Peut-être un clin d'oeil dans Karmina 3 (quoique... on y tient peut-être pas non plus)?

samedi, février 13, 2010

Le cinéma en tant qu'être

Vampyr de Dreyer

«Il est extraordinaire que tant d’hommes aient confié tant d’images, tant d’affects, tant de constructions, tant de beautés à un support si proche, ontologiquement, de sa propre ruine.» -George Didi-Huberman


L'idée de cette citation m'habite. J'admire la sculpture et son éternité, pourtant c'est le cinéma éphémère qui me fascine. Mais qu'est-ce qu'un film? Pourquoi en faire? Pourquoi en voir autant? Pourquoi écrire sur le cinéma?


Jean Louis Schefer en est un qui a su se sonder à ce sujet avec un talent exceptionnel. Un autre auteur qui donne envie de ne jamais écrire. J'aime beaucoup quand il parle de flocons.


«Qu’est-ce après tout que ces «séances»? sinon des durées d’irradiation d’un être indifférencié (sur son savoir, ses souvenirs, sa classe et son langage) probablement déposé en nous, obstinément amputé de tout organe mais subsistant là puisqu’il ne cesse de commencer des mouvements, de commenter nos passions par ces ébauches de gesticulations qui nous endorment. Comme si, toute notre masse s’assoupissant, s’en détachait violemment et peu à peu cet être de désir ou cette créature d’objets qui peut toucher des images et acquiescer à leur réalité, quand même leur invraisemblance ne cesse de nous frapper, même si des stries, des saccades, de la «neige» les corrompent sans cesse et même si toute la couleur tourne à une lumière jaune. Et cet être-là, cet homme sans naissance, aurait-il besoin constamment de cette imperfection d’image ou de ces flocons criblant indifféremment un visage, une main ou un mur, de nappes de suie pour réclamer son existence ou toucher, par l’ébauche seule d’un mouvement, d’un commencement de désir, la matière dont il pourrait se composer (mais cet être inchoatif ne peut donc non plus durer puisque la brièveté de toute image, la disparition même du film le font disparaître).»

«L’image filmée – au contraire de toute autre représentation, comme la peinture – a une définition technique sensible dans sa perception, elle n’a pas de support fixe : je la vois parce que quelque chose (un écran coupant un faisceau) l’empêche de disparaître; elle n’est cependant ni tout à fait sur la pellicule, ni définitivement sur l’écran, ni réellement dans les rayons que projette la lanterne : je suis aussi l’assurance d’une transition des images, je suis donc autre chose que leur spectateur; je m’affaiblis en elles.»

L’Homme ordinaire du cinéma, Jean Louis Schefer

vendredi, février 12, 2010

Hiroshima mon amour, Montreal, 1960


Aimez-vous Vajda?
Arthur Lamothe
Cité Libre, XIe année, No 30, oct. 1960

Ce fut de la frénésie. Le Loew’s plein à craquer, la police à la porte, des billets au marché noir. Hiroshima mon amour était mot de passe.

Il n’y avait pourtant pas de vedettes sur scène; et sur l’écran seuls Paul Meurisse et Vittorio de Sica pouvaient, à la très grande rigueur, figurer les monstres sacrés du cinéma. Car personne n’oserait affirmer que les foules se déplaçaient pour admirer Martin Lasalle et Marika Green, Emmanuele Riva et Eiji Okada, Francisco Rabal et Marga Lopez, Soumitra Chatterji et Shamila Tagore, Zbigniew Cybulski et Eva Krzyzanowska, Toshiro Mifune et Misa Uehara. On courut voir Renoir, Bresson, Resnais, Bunuel, Ray et ses Indes, Vajda et sa Pologne, Kourosawa et son Japon. Pendant la semaine du Premier Festival international du film de Montréal, la rue Ste-Catherine résonna, souvent pour la première fois, de ces noms étranges.

Pour la première fois, Montréal découvrait la vitalité du cinéma indien et beaucoup rencontraient une Inde sortie des clichés faciles avec lesquels on habille tous les peuples dits sous-développés. La Pologne traversait le rideau de fer, le Japon affichait les légendes épiques et truculentes de son Moyen-Age.

Ce fut aussi un arrêt au milieu d’une grande diète, une pose dans le carême qui nous est imposé. Tous les grands noms que l’on retrouve aux trophées de Cannes et de Venise, aux rares exceptions qui confirment la règle, ne sont jamais isncrits sur les frontons montréalais. Les revues, magazines et journaux français et américains nous en parlent; certains voyageurs se rendent à New-York… Mais à Montréal, inconnus. Or le Loew’s, 2,800 places, était plein pour Pickpocket et Cendres et Diamants. Cela ne prouve rien, cela ne veut pas dire grand chose, mais permet au moins de se poser quelques questions utiles, de formuler des hypothèses, comme disent les chercheurs. Voyez Hiroshima mon amour.

Avant que toute publicité soit lancée sous ce titre, tous les billets étaient vendus… Certes, il y avait le léger attrait du fruit défendu, mais quand même, il y avait au moins 2,800 montréalais qui avaient entendu parler de l’œuvre de Resnais.

Cinéma art mineur? Où est l’humanisme que d’aucuns prêchent, chez Feydeau ou chez Bresson et Bunuel? Avez-vous vu le théâtre Kabuki dont on parle si bien et que l’on voit si peu… La compréhension de l’œuvre de Resnais requiert-elle moins de sensibilité et d’intelligence que la compréhension de l’œuvre de Proust?

On peut aimer ou ne pas aimer le Monde d’Apu, on peut préférer Le Général Della Rovere à Cendres et diamants ou inversement, des esprits distingués ou avertis préféreraient Kanji Mizoguchi à Akira Kourosawa, on peut, avec grand chagrin, pleurer sur l’absence de Bergman ou d’Antonioni, mais nul ne peut nier l’importance du regard kaléidoscopique que ce festival permit de jeter sur diverses formes des humanismes de notre époque.

D’ailleurs, sur les films présentés, tout a été dit. Le festival répondait à un besoin, remplissait un tel vide qu’on s’en rend compte en regardant la place que lui accorda la presse locale. A l’étranger The New York Times le consacra événement cinématographique majeur; Le Monde y ajouta le prestige de MacLaren; Variety, la plus importante revue mondiale de la corporation cinématographique, parla de ce «premier festival de la Côte Est de l’Amérique du Nord» comme «l’événement culturel majeur de l’été à Montréal»; le New York Film Bulletin écrivit que c’est à New-York qu’aurait dû être présenté pareil programme.

Tout le monde fut content, et les finances du gouvernement provincial additionnèrent, avec les droits de censure, les milliers de dollars de la taxe d’amusement.

samedi, janvier 02, 2010

Robert Morin à l’ère du blogue


Commençons l'année stalkérienne 2010 en grand en publiant un billet dès le 2 janvier.

Comme bien souvent, je suis un mois en retard dans les nouvelles. En tout cas, ça nous laisse tout de même encore un mois pour «contaminer» le prochain film de Robert Morin, Journal d’un coopérant. (Voir son invitation vidéo ici)

Le personnage Jean-Marc Phaneuf nous invite à réagir sur son vlog http://www.journalduncooperant.com/ par vidéo ou par écrit. Phaneuf alias Morin nous invite à le faire en nous créant un rôle ou non.

Internet est un outil très récent et même si nous n'en sommes encore qu'au stade de tâtonnement, on sent qu’il aura une influence déterminante non seulement dans la manière de voir mais aussi de faire des films.

Il n’y a pas eu de nouvelle capsule depuis le 25 décembre, mais que se passe-t-il avec Jean-Marc? Le web provoquerait-il des rebondissements à Ujama?

À voir aussi, Martin Ouellette de Provokat qui nous parle de l’expérience :




Vlog du boss :: Journal d'un coopérant from provokat on Vimeo.

vendredi, octobre 30, 2009

Halloween treats



Ce n'est pas tout à fait de l'horreur mais juste assez sombre pour conspirer avec les fantômes de la veille de la Toussaint. J'ai découvert dernièrement que l'ONF avaient rajouté deux films d'animation de Patrick Bouchard sur son site. Dans le film Dehors novembre - en ligne depuis un moment déjà - on reconnaissait l'univers de Bouchard même si la chanson lui imposait une certaine ligne à suivre. Avec Révérence et Les Ramoneurs cérébraux, il nous amène plus loin dans ses bas-fonds. Vraiment excellents, un authentique travail d'artiste.

http://www.onf.ca/explorez-par/realisateur/Patrick-Bouchard/

lundi, septembre 28, 2009

Critique-nostalgie

«Si le cinéma de demain devait ressembler au film de Brault et Jutra, l’Art ne serait plus que la résultante de complaisances gratuites, l’Art n’aurait plus de fondement dans la réalité, bref il n’y aurait plus d’Art.»

Pour peu qu’on se souvienne de la revue québécoise sur le cinéma Objectif, l’article «L’Équipe française souffre-t-elle de «Roucheole»?» publié en août 1962 est l’un des plus marquants de l’histoire de ce magazine. On reconnaît le ton très engagé d’une jeunesse cinéphile fougueuse qui cherche à définir son cinéma. Il y a là un idéalisme esthétique (et très moral) à coups de «on ne veut pas de ce cinéma-là» qu’on verra se convertir au politique une décennie plus tard (Vallières sur Brault en est un bon exemple).

Il paraît que Jean Pierre Lefebvre s’est fait des ennemis durables à ce moment-là. On peut facilement le croire. Ironiquement, un peu comme si le destin avait vengé Brault, son œuvre est déjà en coffret-souvenir alors que Lefebvre attend toujours le sien. En passant, Lefebvre a terminé le tournage de La Route des cieux qui devrait sortir prochainement.

L'article complet «L’Équipe française souffre-t-elle de «Roucheole»?» sur Cinépars.

dimanche, septembre 27, 2009

Falardeau le misanthrope sublime


«Je suis un homme d’un autre siècle. Je chauffe au bois. Je n’ai pas d’ordinateur. J’écris à la main, avec un crayon à mine ou une plume. En art, je crois à la simplicité. Je chasse à l’arc. Je me bats pour la liberté, la liberté sous toutes ses formes, la mienne, celle de mon peuple, celles de tous les peuples. Bref, je suis un primitif égaré.»

Le 4 septembre dernier j’apprenais au hasard d’un article du JdeQ que Falardeau avait le cancer.


«Falardeau, absent
Le cinéaste Pierre Falardeau aurait reconsidéré sa participation à l'événement, mais il a confirmé au Journal qu'il ne sera pas à Québec la semaine prochaine en raison de son état de santé, souffrant d'un cancer. «Je serais allé là avec grand plaisir parce que je suis content que quelqu'un fasse quelque chose. Je vais laisser la chance à d'autres. Je suis malade comme un esti de chien, mais je suis encore capable d'en faire chier une couple», a-t-il répondu, préférant être discret sur sa maladie. »

Discret, tu parles s’il était discret. Trois semaines plus tard il en est mort.

Il me manquera beaucoup, je dirais même qu’il nous manquera beaucoup, et encore plus à ceux qui le méprisent. J’aimais sa façon tout sauf subtile de traiter les emmerdeurs de téteux, d’imbéciles, de clowns, d’ordures, de trous d’cul, de niaiseux, de faux culs et j’en passe. Mais il y a plus que des insultes.

Toute sa vie, il a cherché à demeurer intègre, à défendre ce qu’il pensait, ce qu’il était, comme Québécois et comme cinéaste. Un résistant, un vrai. Pas de ceux qui exigent de faire emballer leurs saucisses dans un plat recyclable et qui ferment le robinet en se brossant les dents : sorte de mièvre résistance «à base de kiwi, de yoga et de oui-oui» (merci Leloup). Il était contre toute invasion de la pensée, contre l’abrutissement des masses. Contre la société aseptisée. Qui d’autre pour oser dire en ondes - la cigarette au bec (alors que c’est devenu le Mal), les running shoes aux pieds, avec un accent de bûcheron - que notre société est aseptisée?

Tu as été un boxeur exemplaire Pierre Falardeau, beaucoup sont contents de pouvoir raccrocher tes gants, mais personne ne pourra oublier de sitôt ton courage et ta pugnacité.

mercredi, juillet 29, 2009

Sur Elle veut le chaos



«C’est pourquoi les auteurs naturalistes méritent le nom nietzschéen de «médecins de la civilisation». Ils font le diagnostic de la civilisation.»


Avant-propos :

Par une étrange coïncidence, il y a eu toute une série d’échanges sur le blogue d’Helen au sujet de Denis Côté alors même que j’avais déjà publié la première partie de ce long billet ainsi que l’article de Falardeau. Je tiens à préciser que si j’avais voulu participer au débat sur ATC, je l’aurais fait sous mon nom de Stalker. Comme je préparais déjà cette deuxième partie de billet sur le film de Côté, j’ai préféré me tenir en retrait et me contenter de lire avec intérêt les nombreux commentaires. Je dois dire que si l’anonymat ou le pseudonymat n’empêche pas le propos d’être juste, il permet malheureusement plus facilement l’usurpation et les dérapages. Dommage qu’autant de gens préfèrent demeurer dans l’ombre car en effet la diatribe et la subversion manquent cruellement dans un Québec où le «pamphlet» désigne plus souvent qu’autrement le dépliant publicitaire.

DEUXIÈME PARTIE (fait suite à Autour de Elle veut le chaos)

Qu’est-ce qui agresse au juste dans Elle veut le chaos? D’une part, André Roy le souligne, c’est la quasi absence du recours à la puissance des sentiments (pris au sens le plus large). On s’en fout du destin des personnages et de ce qu’ils vivent. Tellement que lorsqu’ils meurent l’un après l’autre, on n’a ni compassion ni quelconque sentiment de justice rendue. S’il n’y a pas ou peu de sentiments, il ne reste alors que le cérébral (encore que cette dichotomie soit plus utile que réelle, les deux étant interdépendants). Comme le souligne Roy, il n’y a ni quête spirituelle ou mystique, ni rédemption. C’est ici qu’on pourrait peut-être parler d’audace. Côté explore les limites de la (non) potentialité au cinéma en réduisant l’expérience à une série d’actions presque vide de sens. L’idée maîtresse dans Elle veut le chaos, c’est celle du Contre : contre Hollywood, contre les effets habituels du cinéma, contre le cinéma socio-politique ou philosophique, contre la puissance de l’affect, contre le héros, contre le manichéisme, etc.

En écrivant ce paragraphe, j’étais déjà sur une piste mais il me manquait quelque chose. André Roy parlait de primitivisme, moi je voyais dans les personnages de Elle veut le chaos non pas deux bandes opposées, mais un seul et même groupe divisé et opposé. Je pensais à «clan», «gang» et même «meute»; la meute divisée, en état de crise. Comprenez donc toute mon excitation quand je suis tombé sur la catégorie bénie d’image-pulsion de Deleuze, alors même que je cherchais à positionner le film inclassable de Côté. Si vous avez vu Elle veut le chaos et que vous avez le livre L’Image-mouvement dans votre bibliothèque, rendez-vous au chapitre 8 du livre de Deleuze. Tout est là. Il m’apparaît évident que Denis Côté a tourné un des rares films qui se classent sous l’image-pulsion.

Un premier extrait nous permettra de situer l’image-pulsion dans la classification des images de Deleuze : «Quand les qualités et puissances sont saisies comme actualisées dans des états de choses, dans des milieux géographiquement et historiquement déterminables, nous entrons dans le domaine de l’image-action. Le réalisme de l’image-action s’oppose à l’idéalisme de l’image-affection. Et pourtant, entre les deux, entre la priméité et la secondéité, il y a quelque chose qui est comme de l’affect «dégénéré» ou de l’action «embryonnée». Ce n’est plus de l’image-affection, mais ce n’est pas encore de l’image-action. La première, nous l’avons vu, se développe dans le couple Espaces quelconques-Affects. La seconde se développera dans le couple Milieux déterminés-Comportements. Mais, entre les deux, nous rencontrons un couple étrange : Mondes originaires-Pulsions élémentaires. Un monde originaire n’est pas un espace quelconque (bien qu’il puisse y ressembler), parce qu’il n’apparaît qu’au fond des milieux déterminés; mais ce n’est pas davantage un milieu déterminé, lequel dérive seulement du monde originaire.»

L’image-affection, c’est lorsque le gros plan domine pour saisir les affects à l’état pur comme la violence, l’horreur, la haine, etc. Dans son film, Côté s’en sert très peu et les seuls affects présents sont effectivement «dégénérés». Pensez aux scènes où l’amour voudrait se réaliser, il se fait à tout coup dégénéré et reste à l’état embryonnaire. Que la proposition vienne de Spazz (Nicolas Canuel), Pierrot (Laurent Lucas) ou Pic (Olivier Aubin), cette pulsion - qui ne correspond d’ailleurs à aucun idéal de l’amour, sauf peut-être dans le cas de Pierrot - est repoussée par Coralie (Ève Duranceau). Coralie n’a elle-même aucun idéal de l’amour, elle ne saurait donc y répondre selon des critères établis. Pic, lui, proposait une sorte d’échange de pulsions : il offre à Coralie de la nourriture (pulsion alimentaire), tacitement «en échange de son corps» (pulsion sexuelle). Ces pulsions sexuelles refoulées dégénéreront, Pierrot sortira son arsenal d’armes alors que Spazz arrachera un morceau à Coralie. Étrangement, alors même qu’elle fait face à ce monde de pulsions qui tantôt la rejette et tantôt cherche à l’intégrer (et même la phagocyter), elle y résiste en ayant recours elle-même à ses pulsions ou du moins à son instinct.

L’image-action, quant à elle, est la plus commune au cinéma, surtout dans les films américains. C’est celle qu’on retrouve dans les films d’action où la situation réclame un héros. Le milieu déterminé aura souvent pour sujet une lutte historique dans des lieux connus : Fort Alamo, la guerre de Sécession, la conquête de l’Ouest, la Grande Dépression, la prohibition et la mafia, etc. Évidemment, le film de Côté n’a pas grand chose à voir avec l’image-action, même si le sujet de la mafia aurait facilement pu s’y prêter.

Le milieu de Elle veut le chaos est plutôt indéterminé, avec ses quelques fermes en bordure d’une autoroute. Dans le Québec rural, quelque part, à peu près à notre époque, une drôle de meute se disloque. Le groupe lui-même ne constitue pas un portrait précis d’une quelconque classe sociale. On se rend compte non sans humour que la bande d’Alain (Réjean Lefrançois) n’a absolument rien d’une famille de cultivateurs de maïs – ce qu’elle cultive pourtant. Assis sur le balcon à tuer le temps, réparant la camionnette, jouant au ping-pong, discutant d’activités illicites, ce gang mafieux semble tout droit sorti d’un quartier urbain malfamé.

Ce qui rend le film si déroutant, c’est que les actions des personnages ne répondent pas à des mobiles identifiables qui permettraient normalement de tracer une ou des trajectoires. Les personnages répondent à leurs pulsions. Or, une pulsion n’a pour cause qu’elle-même et son actualisation demeure toujours complètement imprévisible, en durée comme en force.

L’image-pulsion occupe tellement le centre dans Elle veut le chaos que Coralie en est la fille. Son père Jacob (Normand Lévesque) lui explique qu’à cette époque lointaine (les années 70?) où on fêtait fort et qu’on avait du plaisir, Alain, lui-même et d’autres hommes s’étaient retrouvés avec sa mère Hélène (Marie-Claude Langlois) et avaient eu envie d’elle. Il lui apprenait donc qu’on ne savait pas qui était son vrai père sinon un des hommes de ce groupe. Coralie est donc la fille de la Pulsion.

-Pourquoi le ptit nouveau, Pic, vient me dire que j’ai les mêmes yeux qu’Alain?
-On avait organisé un gros party à maison. Tout le monde était gelé, saoul, n’importe quoi… On était cinq gars avec Hélène…
-Pis?
-Pis… rien... C’est peut-être Alain… Les autres… C’est peut-être moi.
-Tu penses que je vas croire ça?
-Ouais.
-Crisse de menteur.


Nous pourrions continuer ainsi longtemps à décortiquer le film en trouvant des images-pulsions, mais nous perdrions de vue la question qui nous intéresse sur l’ennui. Allons à l’essentiel.

Je crois avoir déjà touché un point très important en disant qu’une pulsion n’a pour cause qu’elle-même. Comment alors éviter de tomber dans les scènes répétitives, sans but ou sans liens entre elles si une image vit pour elle-même? Côté s’est pris dans ce piège. Je ne prendrai qu’un seul exemple. Le personnage de Nicolas Canuel intimide un «client» ligoté à une carcasse automobile (pulsion de violence exaltée, de pouvoir), la caméra se déplace lentement dans un mouvement latéral, faisant passer l’image du clair au sombre au fur et à mesure qu’on se retrouve à contre-jour. C’est une très belle façon de faire mourir un plan, c’est très beau, mais pour créer quel effet «utile»? En quoi cette séquence est-elle liée aux autres ? À ce moment précis, que devrait-elle faire voir ou naître comme sentiment ou idée par rapport à l’Idée du film ?

Par la juxtaposition d’images plus ou moins liées entre elles, Côté aplatit son récit mais il s’arrête là. Jean-Louis Provoyeur écrivait dans Le cinéma de Robert Bresson (cinéaste que Côté admire) : «Si voir c’est prévoir, au cinéma c’est construire le récit en anticipant sur le sens ou sur l’action à venir. L’image dénarrativisée doit à la fois décevoir les attentes narratives du spectateur et le contraindre à voir des objets, des visages, des parties du corps indépendamment de leur fonction à l’intérieur du récit, pour leur redonner leur puissance de réalité, c’est-à-dire de mystère ou d’étrangeté. Il y a ainsi toujours dans l’effet de réel tel qu’il est produit dans les films de Bresson, un effet de surprise, indissociable du montage comme principe de collision.» p.232.

««Placer le public vis-à-vis des êtres et des choses, non comme on les place arbitrairement par habitudes prises (clichés), mais comme tu te places toi-même selon tes impressions et sensations imprévisibles. Ne jamais rien décider d’avance.» Notes sur le cinématographe, p. 94. C’est Bresson qui souligne.»

Si Côté déçoit à souhait les attentes narratives du spectateur au plan du récit (Elle veut le chaos est un travail systématique de dénarrativisation), au plan formel c’est complètement l’opposé qui se produit ; de telle sorte qu’on se retrouve souvent devant des beaux plans (des clichés ?) entre lesquels l’effet de collision est nul. Ève Duranceau devant une grange, dans la rue, dans le champ, devant une fenêtre, sur la clôture, etc., qui ont tout d’une superbe photographie pour illustrer le mois d’octobre dans un calendrier mais qui servent quel but? Bref, à mon avis, Côté n’a pas pris les risques formels qui correspondraient à son parti pris narratif et je pense que beaucoup de spectateurs et de critiques se sont fait embobeliner par cette esthétique des images qui tourne à vide. À mon sens, s’il y a une fausse audace, elle est bien là. Je n’ai pas vu d’audace ni d’innovation dans les images ou le montage de Elle veut le chaos.

Sur ce manque d’innovation chez plusieurs jeunes cinéastes – qui pourtant s’opposent au manque d’innovation dans le cinéma dominant-, Marie-Claude Loiselle a soulevé des questions très pertinentes dans son éditorial du numéro 140. Il est à lire au complet pour qui s’y intéresse.

Un extrait de l’éditorial de Loiselle :

«Mais avant tout, le jeune cinéma québécois qui attire notre attention, autant que le cinéma français que nous venons d'évoquer, marquent tous deux leur opposition à une sorte de «qualité professionnelle» venue standardiser la production dominante, répondant à un encadrement à outrance du cinéma par une quête de liberté. Or cette quête, quoique motivée par la volonté d'élaborer un langage formel doublée d'un urgent besoin de tourner, ne conduit pourtant pas nos cinéastes à proposer quelque chose d'unique ou de véritablement déroutant. Paradoxalement, si ce désir de liberté en amène plusieurs à se réclamer d'un certain «radicalisme» et d'une «aridité» esthétique, on peut se demander à quel point ces cinéastes savent tirer parti de la liberté que leur offre l'indépendance dans laquelle ils tournent la plupart de leurs films. Quel radicalisme y a-t-il à reprendre à leur compte les traits d'un cinéma largement répandu (même si toujours en marge de la production dominante) et éprouvé depuis 40 ans?

En cherchant à se libérer de tous les codes d'efficacité d'un cinéma institutionnel extrêmement normalisé, bien des jeunes cinéastes ne prennent-ils pas le choix même d'un parti pris contraire aux critères commerciaux pour une attitude subversive? La véritable radicalité (et la véritable liberté) ne suppose-t-elle pas – même à l'intérieur d'une mouvance, d'une famille de création – la capacité de s'affranchir de tous les procédés trop facilement recyclables d'un film à l'autre? Le risque de succomber alors à un certain maniérisme et à un effet de mode, aussi marginale soit-elle, les guette. Un plan long enveloppé de silence ne peut pas être en soi une façon de s'opposer à un cinéma au rythme frénétique. Il ne peut être qu'une manière de mieux faire voir, dans la mesure seulement où il est porté par un regard singulier.»

Ceci nous amène à aborder la question du cinéma contemplatif. Pour en donner une définition très sommaire, disons que la contemplation implique davantage l’intellect (un commentaire plus complet inclurait aussi l’intuition), en opposition à l’affect et à l’action. Bien entendu, il ne suffit pas de braquer une caméra en plan fixe sur la nature, de recourir aux services d’un bon preneur de son et de plaquer de la musique sur le tout pour réaliser un bon film contemplatif. Comme le souligne Loiselle, les nombreux interstices doivent donner l’occasion au spectateur de voir dans la mesure où le film est porteur d’un regard singulier ; on pourrait aussi dire d’une Idée ou d’un point de vue. La contemplation renvoie aussi à l’idée d’extase, comment alors ne pas penser à la recherche d’«ecstatic truth» de Werner Herzog. C’est son truc à lui, l’Idée qui motive tous ses films et qui détermine sa façon d’aborder le cinéma, au-delà de la simple idée du «contre Hollywood». Les cinéastes qui font du cinéma contemplatif prenant en s’appuyant sur une histoire et des sentiments ne manquent pas, je pense rapidement à Roy Andersson, Tsaï Ming Liang, Gus Van Sant, Bruno Dumont et Alexandre Sokourov.

Sokourov atteint presque les limites possibles du contemplatif dans Mère et fils, frôlant de peu la pétrification, le film se résumant en quelques tableaux quasi picturaux où les deux personnages apparaissent tels des fantômes discrets, pâles, sur le point de disparaître. Ce cinéma statique, difficile, pointu et aride ne se contente pas de se définir comme tel. Même s’il le fait à contrecœur, Sokourov admet que le cinéma demeure toujours une entreprise de séduction, beaucoup plus que dans la littérature (voir The Dialogues with Solzhenitsyn). Haneke, lui, ne s’en cache pas du tout et il se fait ouvertement virtuose de la séduction dans Funny Games (voir l’entrevue à Télérama). Dans Mère et fils, Sokourov nous met devant une situation déchirante, presque insupportable, d’une mère qui vit ses derniers moments aux côtés de son fils complètement bouleversé et désorienté. La mort, la piété filiale, les beaux paysages de campagne, c’est déjà beaucoup, mais chaque plan maladivement étudié sert une idée plus grande qui apparaît comme en filigrane dans les intervalles. Une campagne déserte, un arbre au tronc géant et une école rurale vétuste suffisent déjà à faire sentir le poids mélancolique de l’Histoire et de l’œuvre du Temps. Le travail est commencé – sentimental comme intellectuel -, un monde attachant disparaît en lambeaux, la jeune génération «dépaysée» est fragile et puis à chaque spectateur d’y ajouter ce qu’il peut y voir.

Dans Elle veut le chaos (et plus encore dans Carcasses), Denis Côté a comme voulu éprouver les limites de la séduction au cinéma. Pour moi, ses films indiquent clairement que vouloir se passer de tout élément séducteur est un procédé stérile puisque les sentiments, l’action comme l’intellect sont tous constitutifs du processus de séduction au service de l’Idée. Une petite parenthèse : on pourrait d’ailleurs reprocher à Côté de mettre beaucoup plus d’efforts à séduire «en dehors» que «dans» ses films. Le problème, c’est que la plupart des gens s’intéressent au film lui-même et non à ce que le réalisateur a à en dire.

Un film ne peut donc se contenter d’être «contemplatif» de l’intérieur car l’essence n’est pas dans l’œuvre, mais dans le point de vue. Lorsqu’un spectateur affirme : «j’entends le vent dans les feuilles, ça me fait décrocher et ça me suffit, vive le vide», c’est nier l’essence de l’art, c’est saborder l’acte de création dans sa nécessité. Cela ne suffit pas de regarder une belle image, elle doit nous porter à percer plus avant en tendant au moins vers le sublime si elle ne l’atteint pas.

«Si une image, regardée à part, exprime nettement quelque chose, si elle comporte une interprétation, elle ne se transformera pas au contact d’autres images. Les autres images n’auront aucun pouvoir sur elle, et elle n’aura aucun pouvoir sur les autres images. Ni action, ni réaction. Elle est définitive et inutilisable dans le système du cinématographe. (Un système ne règle pas tout. Il est une amorce à quelques chose.)» (Notes sur le cinématographe p. 23)

«Pas de la belle photo, pas de belles images, mais des images, de la photo nécessaires.» (Notes sur le cinématographe, p.92)

Ceci dit, il est évident que Les Notes de Bresson n’est pas un ensemble de commandements auxquels tout cinéaste devrait se conformer. Bresson avait élaboré un langage idéal qui se distinguerait des codes de la peinture, de la photographie et du théâtre, cherchant toujours à mettre en valeur l’essence unique du cinéma pour en maximiser la puissance. On pourrait cependant dresser une liste de chefs-d’œuvre qui démontreraient que les règles établies par Bresson ne sont pas indispensables à tout système. Si on s’y intéresse ici, c’est qu’elles semblent pouvoir expliquer le plus grand ratage de Côté, celui de la puissance.

Un certain nombre de belles images qui vivent pour elles-mêmes n’empêchent pas de facto la réussite d’un film. Dans le cas de Côté, nous l’avons vu, l’image-pulsion et l’absence d’idée maîtresse forte accentuent cet effet de cloisonnement de belles images orphelines. Certains s’émerveillent devant la dilatation du temps, de ce qu’un auteur «ose» faire durer longtemps un plan-séquence où il ne se passe rien en apparence. Cette dilatation ne suffit pas en elle-même et c’est là un problème. Les scènes de Elle veut le chaos prolongent l’instant plutôt que de l’élever en puissance, ratant ainsi le «saut qualitatif». Car comme disait Deleuze : «dans ce saut qualitatif il y a toujours élévation de l’instant à une série de puissances supérieures». Cette notion de puissance, je la ramènerais chez Bresson et Bazin.

«Images. Reflet et réflecteur, accumulateur et conducteur.» (Notes sur le cinématographe, p.92)

André Bazin écrivait en 1951 dans l’article Le «Journal d’un curé de campagne» et la stylistique de Robert Bresson : «Car ce n’est pas tant une résonance que l’esprit perçoit qu’un décalage comme celui d’une couleur non superposée au dessin. Et c’est dans la frange que l’événement libère sa signification. C’est parce que le film est tout entier construit sur ce rapport que l’image atteint, surtout vers la fin, à une telle puissance émotionnelle [alors que le film de Côté s’achève dans la vacuité émotionnelle].

On chercherait en vain les principes de sa déchirante beauté dans son seul contenu explicite. Je crois qu’il existe peu de films dont les photographies séparées soient plus décevantes; leur absence fréquente de composition plastique, l’expression guindée et statique des personnages, trahissent absolument leur valeur dans le déroulement du film. Ce n’est pourtant pas au montage qu’elles doivent cet incroyable supplément d’efficacité.

La valeur de l’image ne procède guère de ce qui la précède et la suit. Elle accumule plutôt une énergie statique, comme les lames parallèles d’un condensateur. À partir d’elle, et par rapport à la bande sonore, s’organisent des différences de potentiel esthétique dont la tension devient insoutenable. Ainsi le rapport de l’image et du texte progresse-t-il vers la fin au bénéfice de ce dernier, et c’est très naturellement sous l’exigence d’une impérieuse logique que, dans les dernières secondes, l’image se retire de l’écran. Au point où en est arrivé Bresson l’image ne peut en dire davantage qu’en disparaissant. Le spectateur a été progressivement amené à cette nuit des sens dont la seule expression possible est la lumière sur l’écran blanc».

Dans le film de Côté, chaque scène, même chaque plan, tend à se vider de toute charge. Les «lames parallèles» du condensateur (par exemple la présence d’ellipses, ce que les spectateurs impressionnables voient tout de suite comme une marque d’intensité) ne sont pas liées entre elles, bref, le courant ne passe pas et l’ennui s’installe. Cette absence d’effet du condensateur, vous le sentez très bien quand les morts successives des personnages vous laissent complètement insensibles.

Un des films-condensateurs les plus puissants qu’on ait jamais réalisés est The Tree of Wooden Clogs d’Ermanno Olmi. Imaginez, un film de 3 heures et 6 minutes qui réussit à fixer notre attention à partir de rien : des scènes de la vie quotidienne dans une ferme italienne. «De rien», c’est ce que nous pensons jusqu’à ce que le film nous éclate au visage vers la fin tant il a accumulé, condensé au maximum la puissance qui se décharge d’un coup. Pour continuer dans le thème de l’électricité, si le courant ne passe pas chez Côté, c’est qu’il y a trop de résistance de sa part. Il veut tellement se distinguer du cinéma dominant et des autres cinéastes indépendants, il a tellement peur de commettre un sacrilège en nous «divertissant» un tant soit peu qu’il pose une série de résistances où se perd le courant.

Si Haneke nous fait monter dans plusieurs manèges dans Funny Games, Côté, lui, nous fait monter puis redescendre aussitôt avant même que le manège ne se mette en marche. Haneke nous donne une claque au visage avant de nous séduire de nouveau, Côté nous donne une claque au visage avant de nous en donner une autre. Par exemple, dans Nos vies privées, après un demi-film insupportable, la scène étrange tournée dans la «cour à scrap» de Colmor nous donne un avant-goût de ce que Côté ne nous donnera pas. La même chose se produit dans Elle veut le chaos quand en pleine nuit le père de Coralie voit la main effrayante d’Hélène s’agripper à son cadre de fenêtre. Encore une fois, à quoi sert cette scène dans le film? Serait-ce simplement une manière de nous signifier qu’il possède le talent pour réaliser un film plus captivant?

Par souci de bonne conscience, je ne peux laisser l’impression que Elle veut le chaos n’est porteur que de l’Idée du «contre». Revenons au chapitre 8 de Deleuze : «Un monde originaire n’est pas un espace quelconque (bien qu’il puisse y ressembler), parce qu’il n’apparaît qu’au fond des milieux déterminés; mais ce n’est pas davantage un milieu déterminé, lequel dérive seulement du monde originaire.» Ce monde originaire, ce serait le Québec d’antan, celui du milieu rural. On peut reconnaître une première dérive en la génération des baby-boomers. Ceux-ci ont encore un pied dans le passé même s’ils ont tout fait pour s’en débarrasser. La belle époque de révolte et de fête est bel et bien terminée, et pourtant ils n’ont pas réussi à construire quelque chose d’entièrement neuf et de solide pour leurs jeunes. Ils ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes et, pire encore, ils sont à couteaux tirés dans un monde marécageux. Sans idéal quelconque, la jeune génération erre dans un monde statique et fermé; seule Coralie résiste sans résister. L’Idée du film – la possible nouvelle naissance - se rapporte donc à Coralie. Comment réagir dans un monde auquel vous tenez mais qui n’a rien à vous offrir de suffisant pour vous construire une identité? Par la fuite, la confrontation ou la résignation? Est-ce un constat socio-politique, culturel ou artistique? Difficile à dire. Ce constat est tellement terrible que nous n'osons même pas imaginer à quoi il se rapporte et dans quelle mesure il correspond au point de vue de son auteur. En réalité, s’il est terrible à ce point, c’est que Côté est tombé dans un autre piège de l’image-pulsion. Terminons sur ce point.

Revenons donc à Deleuze pour comprendre comment se définit et se situe l’image-pulsion par rapport au naturalisme, au réalisme et au surréalisme, mais surtout pour comprendre ce qui enchaîne Côté au négatif. «Ce sont des bêtes humaines. Et la pulsion n’est rien d’autre : c’est l’énergie qui s’empare de morceaux dans le monde originaire. Pulsions et morceaux sont strictement corrélatifs. Certes, les pulsions ne manquent pas d’intelligence : elles ont même une intelligence diabolique qui fait que chacune choisit sa partie, attend son moment, suspend son geste, et emprunte les ébauches de forme sous lesquelles elle pourra le mieux accomplir son acte. Et le monde originaire ne manque pas non plus d’une loi qui lui donne consistance. C’est d’abord le monde d’Empédocle, fait d’ébauches et de morceaux, têtes sans cou, yeux sans front, bras sans épaules, gestes sans forme. Mais c’est aussi l’ensemble qui réunit tout, non pas dans une organisation, mais fait converger toutes les parties dans un immense champ d’ordures ou dans un marais, et toutes les pulsions dans une grande pulsion de mort. Le monde originaire est donc à la fois commencement radical et fin absolue; et, enfin, il lie l’un à l’autre, il met l’un dans l’autre, suivant une loi qui est celle de la plus grande pente. Ainsi, c’est un monde d’une violence très spéciale (à certains égards, c’est le mal radical); mais il a le mérite de faire surgir une image originaire du temps, avec le début, la fin et la pente, toute la cruauté de Chronos.

C’est le naturalisme. Il ne s’oppose pas au réalisme, mais au contraire il en accentue les traits en les prolongeant dans un surréalisme particulier.»

«Et c’est sans doute une des grandeurs du naturalisme au cinéma, de s’être si bien approché d’une image-temps. Ce qui l’empêchait pourtant d’atteindre au temps pour lui-même, comme forme pure, c’était l’obligation où il était de le maintenir subordonné aux coordonnées naturalistes, de le faire dépendre de la pulsion. Dès lors, le naturalisme ne pouvait saisir du temps que des effets négatifs, usure, dégradation, déperdition, destruction, perte ou simplement oubli. (Nous verrons que, quand le cinéma affrontera directement la forme du temps, il ne pourra en construire l’image qu’en rompant avec le souci naturaliste du monde originaire et des pulsions).»

Sur cette grande pente, la grande pulsion de mort emporte presque tout sur son passage dans Elle veut le chaos. À la fin du film, il ne reste que Coralie, un rein en moins, claudiquant vers un avenir incertain. Terrible constat, les pulsions arrachent tous les morceaux sur leur passage, frôlant l’anéantissement. Le long cycle douloureux risque de basculer en descente aux enfers. Sur l’arête au bord du gouffre sulfureux, perdrons-nous l’équilibre?

La question angoissante de notre monde actuel se résume à ceci : «sommes-nous engagés dans une grande descente finale ou dans un cycle régénérateur?» Or, même si elle se pose également à un Mexicain, un Sud-américain, un Indien ou un Sud-africain noir, on les verrait très mal réaliser un film comme Elle veut le Chaos ou Carcasses. Alors pourquoi au Québec? On pourrait par exemple souligner à quel point le cinéma des jeunes québécois est peu engagé et juste assez nombriliste. C’est comme si les enjeux de la société actuelle ne les interpellaient pas. Dans les années 60 et 70 c’était la révolution sous toutes ses formes, aujourd’hui ce n’est plus qu’une vague crise identitaire sur tous les plans (cinéma, culture, économie, classes, religion, etc.). C’est même ce qui ressort de L’Âge des ténèbres de Denys Arcand, une sorte de pessimisme presque fataliste devant la dégradation. Notre façon d’aborder la question de la pente et du cycle serait-elle le symptôme d’une société saturée de confort et d’indifférence? Faudra t-il un nouveau mai 68 pour sortir de ce marasme? Faudra-t-il un référendum gagnant, une nouvelle religion, un crash boursier définitif ou une révolution pour sortir du cinéma d’esthète et en arriver à quelque chose de puissant et de nouveau?