lundi, novembre 05, 2007

Ammmmateurs de Herzog

Voici un très très long article du The Observer sur Herzog et son dernier film que seuls les passionnés liront jusqu'au bout. Très intéressant.

L'intro:

Things happen on a Werner Herzog set: mutinies break out, actors' lives are threatened, crew members are beaten and thrown in jail in the wildest corners of the world - and all in pursuit of the 'ecstatic truth' about humanity. Daniel Zalewski joins the German director shooting his first Hollywood film in the Thai jungle.

Werner Herzog hastily cordoned off a swath of jungle with wooden sticks and yellow tape, like a cop marking a crime scene. 'Nobody will cross this line!' he announced. It was late August, and the German director had travelled to northwest Thailand, a few miles from the border of Burma, to shoot Rescue Dawn amid virgin rainforest. It was his first Hollywood-funded feature, and he was determined to stop what he called 'the Apparatus' - a squadron of make-up artists, special-effects engineers and walkie-talkie-carrying professionals who had been deployed to work with him - from trampling on yet another pristine thicket. Herzog, who typically works with a small crew and a minuscule budget, was pleased to have millions of dollars at his disposal, but he was not so pleased to have been saddled with more than a hundred collaborators. 'I do not need all these assistants,' he complained. 'I have to work around them.'

L'article complet

jeudi, novembre 01, 2007

Coq-à-l'âne ciné

Hé oui, Friedrich Wilhelm Murnau l'a dit il y a déjà longtemps:

«In each of my films I try to discover new artistic territory and find new forms of expression.
I feel that if a director succeeds in infusing his own being into a film, it will penetrate its audience. And I believe those films that do not concerns themselves with financial success point to the future of cinema».

C'est drôle à quel point ça rejoint exactement ce que disait Jean-Pierre Gorin en 2004:

«I really do believe that there’s two categories of filmmakers, there's the ones who are interested in the idiom and there are very vast number of them, and there's the ones that is more rarified who are interested in grammar».

Et ça rejoint un peu Deleuze «L'énorme proportion de nullité dans la production cinématographique n'est pas une objection: elle n'est pas pire qu'ailleurs, bien qu'elle ait des conséquences économiques et industrielles incomparables. Les grands auteurs de cinéma sont donc seulement plus vulnérables, il est infiniment plus facile de les empêcher de faire leur oeuvre. L'histoire du cinéma est un long martyrologe».

Sokurov va même jusqu'à dire que le cinéma n'est pas un art. Dans ses dialogues avec nul autre que Soljenitsyn, la discussion va comme suit:
Sokurov: It's not an art at all.
Soljenitsyn: Not an art? It's wrong. It is an art. Must I convince you? This is an art. And in your works, it is an art.
Sokurov: No, it just charms people. Charm is temptation. Charm is not love. It is temptation. Literature is an art.
Silence de Soljenistyn.

Finalement, pourquoi persiste-t-on à chercher quelque chose dans le cinéma?

Deleuze à la rescousse: «Le cinéma n'en fait pas moins partie de l'histoire de l'art et de la pensée, sous les formes autonomes irremplaçables que ces auteurs ont su inventer, et faire passer malgré tout».

Nous les Québécois, on se flatte et on ronronne

Un peu plus et je ne pouvais plus jamais vous parler faute de me souvenir de mon mot de passe sur blogger, c'est tout dire. Mais la scie à chaîne est bien affutée et le bois de poêle s'entasse dans le cabanon.

Pendant que je finalise ma propre critique tiède et trop gentille sur le film Comment survivre à sa mère (Surviving a bad comedy), je tombe sur cette «critique» de mon collègue indirect - par convergence - du Gournal (prononcez «gourrrr» comme dans gourde, gourer ou gore) de Mourrial où il dit par exemple:

«Les créateurs de Mambo Italiano font mouche à nouveau avec Surviving My Mother, une irrésistible comédie dramatique qui mélange habilement l’humour et le drame».

«On reconnaît dès les premières minutes le ton et l’efficacité des dialogues de Galluccio et la réalisation rythmée et dynamique de Gaudreault».

«Aussi, autant l’écriture et les gags sont plus fins et plus subtils, autant la réalisation est plus inspirée et plus poussée. Bonne idée, par exemple, ces messages textes échangés d’un cellulaire l’autre qui défilent sur l’écran».

Misère. À lire cette critique, on a l'impression qu'on va s'amuser et se délecter, pourquoi pas un mélange entre Woody Allen, Veber et Almodovar tant qu'à y être.

Et là je tombe sur cette autre critique d'Eddie Cockrell du Variety et je me dis, «mais c'est ça que je veux écrire!» Fouettez-moi le chat quelqu'un, que le minou Cottonelle sorte ses griffes!

In English, please.

Even more broadly played and annoyingly self-conscious than helmer Emile Gaudreault's modest-grossing "Mambo Italiano" (2003), "Surviving My Mother" is an all-over-the-map Canuck dysfunctional family saga that's a challenge to withstand. Call it "Canadian Ugly," a tediously faux-transgressive slog with nary an ounce of verisimilitude, risk or wit on view. Alliance Atlantis Vivafilm has no announced release plans after pic's Oct. 19 local bow, nor should the distrib look much beyond Quebec's borders for much save cable and disc deals.

Tired of the nonstop kvetching of her cancer-ridden mother (Veronique Le Flaguais), Clara (Ellen David) suffocates her in bed, then feels guilty about that. Vowing to get to know her own 21-year-old daughter Bianca (Caroline Dhavernas) better, mom has no idea her offspring's a Web-cruising nympho having a torrid affair with local priest Michael (Adam J. Harrington). Gaudreault's sledgehammer style crushes Steve Galluccio's leaden script, while talented Drew Carey cohort Colin Mochrie is wasted as affable paterfamilias Richard. Tech package is the sole reason to endure pic, sporting vet Pierre Mignot's crystalline lensing, Patricia Christie's fine production design and Gino Vanelli's "You Gotta Move."

Bon vous me pardonnerez, j'ai d'autres chats à flatter. Où est le papier de toilette... ah c'est le Gournal, ça va faire pareil.

mercredi, septembre 19, 2007

Ombres d'un poète

Sur le DVD de Criterion Le Sang d’un poète de Jean Cocteau, on retrouve dans les suppléments le documentaire Jean Cocteau : autoportrait d’un inconnu.

L’homme est extrêmement inspirant, son époque aussi, son œuvre. Cocteau vient d’une époque artistique en ébullition où les très grands esprits se rencontrent et s’influencent. Absolument fascinant de l’entendre parler, mais force est de constater au passage à quel point nous vivons à une époque beaucoup plus impersonnelle et insignifiante, celle de la mass culture.

Cocteau parle tout bonnement de ses amis et connaissances : Igor Stravinsky et Pablo Picasso, Erik Satie qui connaissait Debussy, Diaghilev, Mme Chanel mêlée dans l’ombre au ballet russe de Diaghilev, Nijinski, Jean Renoir, Chaplin, Raymond Radiguet, Modigliani et bien d’autres. Un tel brassage de génies, j’en suis bouche-bée.

J’ai pris le temps de mettre quelques extraits de ce documentaire par écrit. Une de mes citations préférées? Un poète se doit d’être un homme très grave et par politesse d’avoir un air léger, souvent, hélas, le poète est un homme léger qui prend l’air grave. Peu après l'avoir entendu, La Vie est un miracle d'Emir Kusturica me confirmait pleinement cette citation en traitant brillamment un sujet très grave avec un air léger.

Extraits

Quand un film n’a pas d’intrigue, quand on ne sait pas qu’au début il y a monsieur, madame et qu’à la fin monsieur tuera madame ou madame tuera monsieur, et bien il faut que chaque image soit très importante.

Ce film (Jean Cocteau : autoportrait d’un inconnu) sera une espèce d’ombre chinoise de ma vie. La mienne, hélas, ne pourrait se raconter ni prendre sous aucune forme allure anecdotique. C’est une longue lutte contre les habitudes, contre les autres, contre moi-même, un épouvantable mélange de conscience et d’inconscience, de désordre et de rigueur, une silhouette pareille à celle qu’on découpait au 18e siècle dans le papier noir.

Nous vivons nous-mêmes dans une énigme. Nous sommes les ouvriers d’une ténèbres qui nous est propre mais qui nous échappe. Cet homme profond nous le connaissons très mal, c’est notre vrai moi. Il est caché dans les ténèbres, il nous donne des ordres. J’ai décidé de m’enfoncer en moi-même dans ce trou terrible, dans cette mine inconnue au risque de rencontrer le grisou. Il y a un état de somnolence qui n’est pas le sommeil et une sorte de vérité qui sort de nous, et qui n’est pas le rêve ni la rêverie.

Ce qui est propre à Paris, c’est que des musiciens et des peintres, mettons espagnols et russes, peuvent être considérés comme des Français, par exemple quand je dis «Picasso, Stravinsky», je pense toujours que Picasso est français, que Stravinsky est français, c’est absurde mais c’est un fait. Et ensuite après Picasso, Matisse, Braque, Auric, Poulenc ont travaillé pour le ballet russe qui n’était plus russe que par ses danseurs.

Le Sacre du printemps me bouleversa de fond en comble, le premier Stravinsky m’enseigna cette insulte aux habitudes sans quoi l’art stagne, et meurt. Chez Picasso, l’insulte aux habitudes a quelque chose de religieux, elle ressemble aux invectives amoureuses que les Espagnols adressent à la madone si elle n’est pas celle de leur paroisse.

Un poète se doit d’être un homme très grave et par politesse d’avoir un air léger, souvent hélas le poète est un homme léger qui prend l’air grave.

Je ne suis qu’un intermédiaire, qu’un médium et qu’une main d’œuvre. Et tous les poètes sont des médiums et des main d’œuvre de cette force mystérieuse qui les habite, je ne me vante pas, je ne parle pas d’inspiration, l’inspiration ne nous arrive pas d’un quelque ciel, l’inspiration devrait s’appeler l’expiration, c’est quelque chose qui sort de nos profondeurs, de notre nuit et en somme un poète essaie de mettre sa nuit sur la table.

Il arrive qu’on se laisse envoûter par une atmosphère énigmatique, celle des rêves entre autres, et j’estime qu’une œuvre peut intriguer sans être comprise, attachée sans qu’on en fasse la preuve par neuf et trouver son équilibre sans être soumise aux disciplines de la règle d’or.

Je n’aime pas ce qui est poétique, j’aime la poésie, c’est-à-dire la poésie qui se fait toute seule, dont on ne s’occupe jamais.

Une œuvre d’art n’a d’excuse d’être que si elle est une solitude partagée par un grand nombre grâce au seul moyen qui puisse la rendre accessible aux autres.

Le film autorise ce phénomène extraordinaire qui consiste à vivre une oeuvre au lieu de la raconter et en outre à faire voir l’invisible, à rendre objectives les abstractions les plus subjectives. C’est pour ça que j’ai tellement aimé le cinématographe.

Mon œuvre résulte de graves calculs consistant à métamorphoser les chiffres en nombres et me range parmi ces donneurs de sang qui sont les seuls artistes que je respecte et dont la longue traînée rouge qu’ils laissent derrière eux, me fascine.

Le poète n’est autre que la main d’œuvre du schizophrène, dans le temps on aurait dit du fou, que chacun de nous porte en soi et dont il est le seul à ne pas avoir honte. Comme l’enfant, il n’a droit qu’au génie, le talent ne lui apporte qu’une base artisanale, ne lui sert qu’à sculpter l’ectoplasme qui coule de sa main, à mettre de la nuit en plein jour, à couper le cordon ombilical des monstres délicieux qui l’aident à venir au monde. Ne vous y trompez pas, ce schizophrène habite et hante même les artistes célèbres pour leur équilibre et leur robuste santé morale, disons les «ogres». Si j’osais me citer moi-même «Victor Hugo était un fou qui se prenait pour Victor Hugo».

jeudi, août 16, 2007

L'esthétique de la violence


J'attire votre attention sur une analyse publiée dimanche dans le New York Times, la thèse: depuis le film Bonnie and Clyde, qui marque une rupture, et d'autres comme The Godfather, The Wild Bunch et Reservoir Dogs, «The filmmakers seemed less interested in the moral weight of violence than in its aesthetic impact». Extraits vidéos à l'appui, article très intéressant.

Dites-moi, s'agit-il vraiment d'un extrait du film The Godfather dans la vidéo? Si oui, je suis dû pour le revoir car je n'ai aucun souvenir de ces images pourtant percutantes.

Murderous Movies

Locarno

Une petite pensée pour nos cinéastes qui n'ont rien remporté au Festival du film de Locarno. On les félicite quand même!





Vous trouvez pas que sur cette photo Denis Côté a un petit air... imposant?


Pour plus de photos de l'événement consultez la galerie photo officielle

mardi, août 07, 2007

Autre époque de Criterion




C'était l'époque du câble télévisé avec la grosse «manette» à boutons shlak-shlak et à la veille de l'explosion du marché VHS (et Beta).

lundi, août 06, 2007

Créer c'est résister

«L'énorme proportion de nullité dans la production cinématographique n'est pas une objection: elle n'est pas pire qu'ailleurs, bien qu'elle ait des conséquences économiques et industrielles incomparables. Les grands auteurs de cinéma sont donc seulement plus vulnérables, il est infiniment plus facile de les empêcher de faire leur oeuvre. L'histoire du cinéma est un long martyrologe. Le cinéma n'en fait pas moins partie de l'histoire de l'art et de la pensée, sous les formes autonomes irremplaçables que ces auteurs ont su inventer, et faire passer malgré tout».

C'est pas parce qu'on rit que c'est drôle. De l'énorme proportion de nullité, des centaines de titres défilent dans ma pensée. Le martyrologe quant à lui m'évoque spontanément Orson Welles, Eric Von Stroheim, Buster Keaton et, dans une moindre mesure, André Forcier (il n'a quand même pas des studios sur le dos qui mettent ses oeuvres en pièces). Et vous?

J'apprécie la philosophie accessible de Gilles Deleuze, enfin, la langue utilisée l'est si les idées avancées nécessitent réflexion. Chez Deleuze, la langue est au service des idées, elle sert à clarifier, pas à s'enfermer et à s'empêtrer dans des modèles abscons.

Par rapport à la philosophie de Deleuze, je vous ai déjà parlé des livres téléchargeables de Bergson, et bien sachez que grâce à notre technologie moderne, vous pouvez suivre les cours de Deleuze en ligne! Des gens dévoués à la cause ont pris le temps de transcrire les cours qui sont également en format audio.

Sur le site La voix de Gilles Deleuze, vous retrouverez les catégories Anti-Oedipe et autres réflexions, Spinoza, La peinture et la question des concepts, et surtout, Cinéma ainsi que L'image-mouvement. Dans Cinéma, on retrouve pas moins de 42 cours!

L'Abécédaire de Gilles Deleuze et liens regroupe divers sujets, par exemple, R comme Résistance, L'acte de création et Q comme Question.

mardi, juillet 31, 2007

Jamais deux sans trois






Je ne peux m’empêcher d’écrire un mot. Les morts s’accumulent.

Jamais deux sans trois. Le dicton retentit cette semaine comme une vérité avec la perte des monuments du cinéma que sont Michel Serrault, Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni. À l’hiver de leur vie, l’âge les avait déjà passablement ralentis tant et si bien que la sève de l’inspiration montait moins souvent pour faire éclater le bourgeon du génie. Mais leur mort nous permet de les honorer et de rappeler la grandeur de leurs œuvres, de la marque qu’ils ont su laisser derrière eux. Finalement, le cinéma, comme les autres arts, découle de cette pulsion impénétrable, de ce désir d’influencer son temps et de laisser son empreinte dans le temps.

Comme cinéphile, au gré de mes visionnements, je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer Michel Serrault. Soyons honnête. Oui, un film par-ci, un film par-là, au gré du hasard, mais ce n’est pas ce que j’appelle une rencontre. Pour parler de rencontre, il faut être habité par un ou des personnages, être imprégné à vie.

Antonioni m’impressionne grandement par sa résistance à l’air du temps et son indépendance artistique. Il n’a pas marchandé son inspiration et il a su aller jusqu’au bout de ses idées. Dans un texte de l’AP, j’ai lu aujourd’hui que le cinéaste avait avoué ne pas «pouvoir aller à l'encontre de ses goûts pour rencontrer le public». Ça c’est le gage d’un cinéma authentique qui mène à de vraies rencontres, à de vraies découvertes. Ce que je retiens d’Antonioni et que j’aimerais approfondir davantage : son rapport au temps et à l’espace ainsi que la construction et l’évolution du récit.

Ingmar Bergman. Sa partie d’échecs avec la Mort est terminée. Même si elle a eu le même dénouement invariable que celle de tous et chacun, il était probablement plus prêt que d’autres, un peu comme ses personnages médiévaux Jöns et Antonius Block.

Il y aurait tant de choses à dire.

J’ai vu la totalité des films de Bergman (exception faite de Fanny et Alexandre) qui se trouvaient à la Boite noire, et certains plusieurs fois. Les souvenirs des uns sont refoulés dans les limbes de mon subconscient alors que d’autres me hantent toujours, tels Le Septième sceau, le Magicien, Virgin Spring, Through a Glass Darkly, Winter Light, Persona et Cris et chuchotements.

Rarement un cinéaste ne parvient à m’intéresser autant au couple avec autant d’intensité, parce qu’au bout du compte, Bergman ne met pas l’accent sur les vétilles narcissiques et puérils animant les (mauvaises) relations entre les hommes et les femmes, mais plutôt sur les peurs fondamentales, existentielles, qui habitent chacun de nous. Dans ce cadre, ce n’est pas tant une relation de genre entre les êtres qui compte qu’une relation avec l’autre qui nous permet de nous définir comme être, comme à travers un miroir, obscurément… Mais si l’autre ou le film sont des miroirs, il ne faut pas oublier que « Le miroir n'est pas un objet qui réalise la vérité mais qui l'obscurcit».

Bon j’ai assez parlé. Silence.

jeudi, juillet 12, 2007

Rescue Dawn


Le dernier film de Herzog, Rescue Dawn, devrait arriver à l'affiche en juillet. Le New York Times nous propose une courte présentation du film par l'auteur en diaporama électronique qui s'intitule The Heart of Men.