lundi, mars 30, 2009

Dehors novembre

Un excellent film d'animation de Patrick Bouchard a été ajouté au site de l'ONF il ne doit pas y avoir très longtemps, Dehors novembre. Film mis sur une chanson des Colocs, on jurerait une lettre ouverte de suicide écrite par Dédé... L'ONF veut peut-être rappeler le prix Jutra que le film a remporté en 2006 ou alors rendre hommage à Dédé Fortin au moment de la sortie de Dédé à travers les brumes.

J'aime beaucoup les Colocs et le travail de Patrick Bouchard, alors 2 pour 1.

jeudi, mars 19, 2009

Films numériques: note d'espoir


Le cinéma a connu un moment de rupture radical en passant du muet au parlant autour de 1930. La rupture entre l’ère du filmique-analogique et l'ère du numérique est un phénomène beaucoup plus vaste qui touche tous les domaines, en même temps la coupure est moins nette, du moins au cinéma. Je fais partie de ceux qui ne voient pas encore vraiment l’avantage du numérique par rapport à la pellicule. Il me semble qu’on ne fait qu’essayer de parvenir à mimer la qualité du 35 mm et je n’ai pas encore remarqué de chef-d’œuvre qui se distinguerait par une utilisation originale des possibilités nouvelles offertes par le numérique. Je suis peut-être encore trop prisonnier de l’ancien paradigme. Et bien je trouve au moins une certaine consolation dans ces mots optimistes de Roman Jakobson… de 1933 ! J’aime toujours voir, avec le recul, l’accomplissement d’une parole visionnaire. Disons-nous la même chose pour l’ère du numérique qui commence.

«Les mots d’ordre les plus courants sont ceux-ci « Le film sonore, c’est la décadence du cinéma», «cela limite considérablement les possibilités artistiques du cinéma», «die Stilwidregkeit des Sperchfilms», etc.

L’opposition au film sonore pèche surtout par ses généralisations prématurées. Elle néglige le fait que les phénomènes particuliers ont, dans l’histoire du cinéma, un caractère exclusivement temporaire, étroitement limité du point de vue historique. Certains théoriciens ont mis trop hâtivement la mutité dans l’ensemble des propriétés structurelles du cinéma, et ils se sentent offensé si le développement ultérieur de celui-ci s’écarte de leurs formules. Au lieu d’admettre que «tant pis pour la théorie», ils répètent le traditionnel pro facto.

Ils montrent, de nouveau, trop de précipitation s’ils prennent les qualités des films sonores d’aujourd’hui pour les qualités du film sonore en général. Ils oublient qu’il ne faut pas comparer les premiers films sonores avec les derniers films muets. L’état actuel du film parlant correspond au moment de l’occupation par de nouvelles acquisitions techniques (il paraît que c’est déjà bien si l’on entend quelque chose, etc.), le moment où l’on commence à rechercher de nouvelles formes. Le film muet avait traversé une période analogue avant la guerre, alors que le film muet de l’époque la plus récente avait déjà créé ses standards, qu’il en était arrivé aux œuvres classiques ; c’est peut-être justement dans ce classicisme, dans cet achèvement du canon que résidait sa fin et la nécessité d’une nouvelle rupture.»

samedi, mars 14, 2009

Question de goût

Il y a un texte dans Le Devoir qui devrait intéresser le critique en vous:

Le devoir de philo - Hume, Slumdog Millionaire et Bollywood

«Quels sont les critères pour juger de la valeur d'une oeuvre d'art comme Slumdog Millionaire ou les films de Bollywood. Et surtout, qu'est-ce qui fait que, malgré la diversité des goûts, nous nous entendions souvent -- pensons aux Oscars -- sur la valeur d'une oeuvre d'art? Le philosophe écossais David Hume (1711-1776) s'est penché sur ces débats dans plusieurs essais, dont De la norme du goût, rédigé vers 1757. »

Et pour compléter la lecture, lisez ou relisez ce texte de notre ami Janmi:

Edmund Burke sur le beau et le sublime

samedi, mars 07, 2009

Télécommunications : si Kafka savait


Deleuze voyait dans cet extrait des «Lettres à Milena» de Franz Kafka un élément de définition de l’affect «pur» comme dans le gros plan au cinéma, soit la perte de la fonction individuante et de la fonction sociale du visage; la dislocation des âmes selon la formule de Kafka.

Il y a bien longtemps qu’on a commencé à s’envoyer des lettres quand Kafka vient au monde. C’est là le génie de l’écrivain qui décèle déjà dans la simple accélération des moyens de communiquer un moment de rupture radicale… en 1920! Le phénomène se poursuit à la puissance 10 avec le web, les Blackberry, les cellulaires, Facebook, MSN et toute la panoplie de gadgets et d'espaces virtuels. Dans ce contexte, sa lettre de 1920 fait presque figure de prophétie. Aujourd’hui il y a de quoi nourrir des millions de fantômes – comme par ce présent billet et par ce blogue-, on est peut-être proche de notre mort.


«Voilà déjà bien longtemps Madame Milena, que je ne vous ai plus écrit, et, aujourd’hui encore, je ne le fais que par suite d’un hasard. Je n’aurais pas au fond à excuser mon silence, vous savez comme je hais les lettres. Tout le malheur de ma vie – je ne le dis pas pour me plaindre mais pour en tirer une leçon d’intérêt général – vient, si l’on veut, des lettres ou de la possibilité d’en écrire. Je n’ai pour ainsi dire jamais été trompé par les gens, par des lettres, toujours; et cette fois, ce n’est pas par celles des autres mais par les miennes. Il y a là en ce qui me concerne un désagrément personnel sur lequel je ne veux pas m’étendre, mais c’est aussi un malheur général. La grande facilité d’écrire des lettres doit avoir introduit dans le monde - du point de vue purement théorique - un terrible désordre [dislocation dans une autre traduction] des âmes. C’est un commerce avec des fantômes, non seulement avec le fantôme du destinataire, mais encore avec le sien propre; le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres où l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? On peut penser à un être lointain, on peut saisir un être proche : le reste passe la force humaine.



Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route. C’est grâce à cette copieuse nourriture qu’ils se multiplient si fabuleusement. L’humanité le sent et lutte contre le péril, elle a cherché à éliminer le plus qu’elle pouvait le fantomatique entre les hommes, elle a cherché à obtenir entre eux des relations naturelles, à restaurer la paix des âmes en inventant le chemin de fer, l’auto, l’aéroplane; mais ça ne sert plus de rien (ces inventions ont été faites une fois la chute déclenchée); l’adversaire est tellement plus calme, tellement plus fort; après la poste, il a inventé le télégraphe, le téléphone, la télégraphie sans fil. Les esprits ne mourront pas de faim, mais nous, nous périrons. »

Mon fantôme salue le vôtre.


dimanche, mars 01, 2009

Vous avez lu la préface qu’il a écrite pour Mahagonny ?


Dernièrement j'ai vu le film d'un cinéaste québécois et ça m'a rappelé le film Tout va bien de Godard quand le personnage cinéaste d'Yves Montand dit : «. Je commençais à en avoir marre de faire mes films d’esthète. Je tournais en rond.» Et bien je me disais exactement la même chose au sujet de ce cinéaste québécois. J'ai hâte qu'il en ait marre de faire ses films d'esthète. J'y reviendrai.

Yves alias Jacques alias Jean-Luc:

«Je vous l’ai dit je faisais des films. J’ai commencé comme scénariste à l’époque de la Nouvelle vague. C’est déjà loin tout ça, très loin oui. Non euh, ça collait plus du tout. Finalement, bien avant mai 68. Je commençais à en avoir marre de faire mes films d’esthète. Je tournais en rond. J’étais prêt à recevoir mai dans la gueule et c’est ce qui s’est passé d’ailleurs.

[…]

Alors j’ai essayé de réfléchir, j’essaie toujours d’ailleurs par rapport au système, et à ce que je pourrais faire et à ce qu’on me laisserait faire. Puis au type de film qu’il faudrait essayer de réaliser. J’ai un projet de film politique sur la France que je traîne depuis trois ans… voyez que c’est pas simple. J’ai découvert seulement maintenant, je veux dire que je commence à comprendre seulement maintenant certains trucs que Brecht avait mis en évidence il y a plus de quarante ans. Vous avez lu la préface qu’il a écrite pour Mahagonny ? Fantastique non ?»

Fantastique non? Mais l'avez-vous lue?

La voici cette préface, juste pour vous, sur Cinépars:

«Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny» par Bertolt Brecht