Dans La Presse du 19 mai, Nathalie Collard commençait son article par ce paragraphe : "Quand la nomination de Patrick Beauduin a été annoncée à l'automne 2010,
les commentaires n'ont pas tardé à fuser dans la grande tour du
boulevard René-Lévesque: qu'est-ce qu'un publicitaire (il avait été
vice-président à la création chez Cossette) connaissait à la radio
publique?"
Je crois que la question se pose toujours. Quand je compare le cheminement d'un technocrate carriériste comme Beauduin à celui d'un homme comme Pierre Juneau qui avait fait son cours classique, qui avait été à la tête de l'ONF, d'un festival du film à Montréal, du CRTC et de Radio-Canada et qui était surtout amoureux de la culture au sens large, je me dis que les temps ont changé, et pas pour le mieux. Tout ce qui est culturel maintenant tend à être géré par des gestionnaires professionnels, diplômés, maîtres des règles, des politiques, des rouages et de la nomenclature de l''industrie" culturelle avec ses niches et ses courbes scientifiques. Et pas seulement les gestionnaires, même une cinéaste comme Chloé Robichaud a étudié à l'INIS "Pour me retrouver dans la vraie vie et avoir à négocier des budgets et
des salaires avec des syndicats. Ça a l'air un peu bête, mais le cinéma
est une grosse machine et il faut en connaître les rouages." On peut bien mettre les cours de littérature en option en arts. Étudions la gestion et la technique pour devenir de bons artistes.
Le pire, c'est que maintenant tout est sous le chapeau de plus en plus grand de la communication où règne le discours utilitariste, laudatif, univoque, crédule, naïf, aseptisé, etc., mais en subtilisant tout le discours de rébellion, d'originalité et de liberté. J'ai toujours cette image du jeune "rebelle" de la banlieue qui, pour bien marquer qu'il est hors du système, s'habille comme un ex-prisonnier des bas-fonds new-yorkais avec 1500$ de fringues de grandes marques sur le dos.
En réaction à cet article de La Presse, j'ai lu un commentaire très intelligent sur la situation à la radio de Radio-Canada et je tiens à le publier ici en gardant son anonymat pour le protéger.
"[...] il
est important de mentionner le fait qu'à mon humble avis, la direction
sans direction d'Espace musique est responsable de la démise de cette
chaîne qui avait le potentiel de devenir la radio la plus allumée,
amicale, excitante et branchée du réseau hertzien francophone
pan-canadien.
Malheureusement, le désir de "plaire à tout prix à une
majorité de gens" et la peur de confronter les "valeurs établies et du
ronron des tendances à la mode" tout comme son refus d'être à l'écoute
de ses artisans et de ses auditeurs ont contribué à lui faire commettre
un tas d'erreurs grossières tant au niveau de la programmation que de
l'animation et la promotion résultant dans le fait qu'Espace musique est
un constat d'échec sur toute la ligne au point que Patrick Beauduin
considérait mettre fin à la chaîne telle que nous la connaissons.
Contrairement aux dires et aux écrits de certains, faire de la "bonne
radio" ne coûte pas cher: Il suffit d'engager des personnes de terrain
au lieu de gestionnaires insipides et déconnectés et de leur faire
confiance une fois que leurs mandats respectifs ont été clairement
identifiés et ratifiés un point c'est tout! Nul besoin d'une équipe de 4
ou 5 personnes pour créer une émission que les auditeurs attendent avec
impatience et plaisir. Un réalisateur/animateur impliqué et allumé qui
fait sa propre recherche et qui signe de façon créeative et responsable
le contenu des émissions qu'il programme lui-même fait non-seulement
très bien l'affaire, mais coûte aussi 4 ou 5 fois moins cher qu'une
équipe produisant une émission style-genre "recette de cuisine" peu
originale, redondante et ennuyante allant dans le sens contraire du
mandat de la radio publique sans tenir compte des goûts d'un auditoire
toujours curieux de découvrir des sons, des contextes et des idées
nouvelles.
Mettre fin à Espace musique n'est certainement pas la bonne
solution. Par contre, retourner à la table à dessin et donner la chance à
une radio publique humaine, amicale, intéressante, cultivée, artistique
tout en étant amusante, éducative et accessible est un défi tout à fait
possible en autant que les "gros fromages" de la SRC fassent preuve de
sagesse et d'humilité en reconnaissant les erreurs qu'ils ont commis et
qu'ils soient suffisamment ouverts pour donner la possibilité à Espace
musique de devenir la chaîne qu'elle aurait pu et dû être depuis
plusieurs années au risque de rappeler certains de ses animateurs/trices
congédiés pour des raisons plus ou moins vaseuses et dont je fais
malheureusement partie... Il me semble qu'une telle proposition serait
beaucoup plus simple, logique et positive ainsi que dans l'intérêt de
tous les fidèles de la RADIO PUBLIQUE car il y en a encore énormément.
Saborder Espace musique à cause d'erreurs commises par une Direction
déconnectée de ses artisans et de son auditoire serait cruel et
malheureux alors qu'avec du savoir-faire et une attitude ouverte, tout
est absolument possible!"
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