vendredi, juillet 14, 2006

Papa II

Quel air peut-on avoir le jour où on a pour la première fois de notre vie et en même temps:

un coup de froid, de l'air dans les poumons, un sein dans la bouche, le soleil directement dans les yeux, plein de gens nous parlant et nous touchant, une couche au cul et tout ce qu'il faut pour la remplir, le cri de notre propre voix, des piqûres aux talons, un bain, une tuque et des vêtements ?

Cet air là:



Après la naissance de Ludovic un 10 juillet 2004, voici celle de Médéric, un 14 juillet 2006.

jeudi, juillet 13, 2006

Cinémas engagés

On n'a pas toujours envie de lire le Monde diplomatique ni Manière de voir. Surtout que l'un et l'autre valent bien un roman chacun. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que le prochain numéro de Manière de voir n'est pas consacré à quelconque problème politique africain ou à un des nombreux effets pervers de la mondialisation, mais plutôt au cinéma. On y retrouvera une tonne de textes sur les cinémas engagés. Évidemment, le thème central demeure politique, fidèle à l'esprit du journal.

On retrouve trois textes accessibles en ligne pour un avant-goût:

-Apocalypse Now ou la fuite dans le symbole
Christian Zimmer

-Tsahal, défense et illustration de l'armée israélienne
Amnon Kapeliouk

-Titanic et la lutte des classes
Thomas C. Frank

Aussi d'autres titres qui ont l'air intéressants tels que:

-Redécouvrir Le Cuirassé Potemkine
Lionel Richard
-«Phobies jaunes» à Hollywood
Jean-Pierre Jeancolas
-L’apocalypse nucléaire vue d’Amérique
Anne-Marie Bidaud
-Filmer le conflit du Vietnam
Ignacio Ramonet
-Présence du Québec caméra au poing
Roger Bourdeau
-Le drame intérieur du Danois moyen
Dorthe Wendt
-Renaissance méconnue du cinéma russe
Sylvie Braibant

Bien d'autres articles s'y retrouvent. Si le cinéma politique et les textes intellos d'analyse vous intéressent, consultez tous les détails sur le numéro 88 de Manière de voir à cette adresse :
http://www.monde-diplomatique.fr/mav/88/

vendredi, juillet 07, 2006

La tragédie des dragons

Triste, c'est vraiment triste. J'ai tellement aimé voir la pièce de théâtre La Trilogie des dragons de Robert Lepage que j'étais tout excité quand j'ai appris qu'il voulait l'adapter au cinéma. Hé bien non, s'il faut en croire les dernières déclarations du cinéaste de Québec qui se fait plutôt boudeur en fermant Ex aequo. Il se dit tellement de choses depuis quelques jours sur ce sujet compliqué qu'est le financement public du cinéma qu'il est difficile de s'en faire une opinion.

Rapidement, je dirais que:

-Le gouvernement actuel n'en a rien à cirer (féd. et prov.)
-Le système d'enveloppes à la performance est certainement à revoir rapidement
-Davantage de petits films devraient être financés dans une certaine mesure sans qu'on ne laisse de côté les plus gros
-Nous ne devons pas oublier que nous vivons dans un tout petit pays d'environ 7 millions d'habitants, soyons réalistes et modestes en rêvant un peu moins quant à notre capacité de financer des films avec des fonds publics.
-Je sais que c'est facile à dire, mais je vais le dire quand même: cesser de vouloir à tout prix imiter une certaine industrie américaine lourde et coûteuse. Il y a des bijoux du cinéma qui ont été tournés avec rien, le génie n'est pas directement lié à l'argent. En quatre mots: penser le cinéma autrement (au moins quelques fois).
-Se donner les moyens de récupérer une partie de l'argent qui circule dans le monde du cinéma pour le redistribuer aux artisans. On ne fait presque rien de ce côté là. Par exemple, dans La Presse d'aujourd'hui, on rappelait qu'en France on impose une taxe aux compétiteurs hollywoodiens pour financer le cinéma national. Pourquoi ne pas faire cela ici aussi?

Je reviendrai sur ce sujet très large dans un billet plus élaboré. Je termine d'ailleurs quelques lectures à ce sujet.

J'ai trouvé ça un peu étrange que Robert Lepage et le producteur Mario St-Laurent brandissent encore le drapeau de l'inéquité régionale en disant «Hors de Montréal, point de salut!». Si cela a le mérite de donner un angle d'attaque particulier au débat et d'attirer l'attention, je ne pense pas que le problème soit vraiment là.

Région ou pas, il demeure toutefois étonnant que le projet de Lepage n'attire pas plus l'attention des gens de Téléfilm. La pièce de théâtre a eu du succès aux quatre coins de la planète et Robert Lepage possède une renommée internationale. De plus, il a remporté le prix Génie pour la meilleure adaptation cinématographique de sa pièce de théâtre La face cachée de la lune. Que demander de plus?

Dans Le Soleil on pouvait lire la frustration

FINANCEMENT DU CINÉMA
«Hors de Montréal, point de salut!»
Julie Lemieux
Le Soleil


Robert Lepage et le producteur de la défunte boîte Ex æquo, Mario St-Laurent, considèrent que les organismes de financement du cinéma devraient donner une petite chance aux régions, qui ont bien du mal à livrer une saine compétition à la puissante industrie montréalaise du film.

« La télévision aujourd’hui, c’est quoi ? C’est des téléséries qui se passent à Longueuil et à Outremont, s’insurge Lepage. C’est ça le Québec ? Ce n’est pas vrai, il y a une province énorme. Il y a le même nombre de personnes qui habitent en dehors de la ville et de la région immédiate de Montréal. »

Mais bien souvent, ces gens ne sont pas bien représentés, tant au petit qu’au grand écran. Car les Téléfilm de ce monde ne démontrent pas une très grande sensibilité envers les régions, affirme Mario St-Laurent. « Nous nous étions donné comme mission de développer l’industrie cinématographique de Québec, mais on dirait que ça nous a désavantagés. On a bien tenté de défendre notre point de vue devant Téléfilm. On leur a dit à quel point le projet de La Trilogie des dragons était important pour la région de la capitale. Mais regardez le résultat... Ils n’ont aucun intérêt pour le développement régional. En dehors de Montréal, point de salut ! »

Depuis 2003, depuis La Face cachée de la lune, la capitale n’a en effet accueilli aucun tournage majeur. Une situation inquiétante pour les artisans de l’industrie, mais aussi pour la diversité culturelle québécoise. Car selon Robert Lepage, il est naturel que l’industrie cinématographique soit concentrée dans la métropole pour des questions pratiques, « mais pas que la culture québécoise y soit polarisée. Aussi bien mettre la clé dans la porte du Québec, aussi bien fermer la province. Ça va être moins compliqué pour Montréal », ironise-t-il.


Système injuste

Le réalisateur affirme en outre que le système de financement de Téléfilm est injuste puisqu’il ne favorise pas le cinéma d’auteur « C’est très clair que si tu fais Boys 6 et que tu fais du cash, tu n’as pas besoin de présenter un scénario l’année d’après et tu fais Boys 7. Et les gens qui gagnent des prix, qui représentent le Canada ailleurs, ça n’a pas de valeur. »

Mario St-Laurent est du même avis. Selon lui, il est inacceptable que la performance des producteurs au box office soit aussi importante lorsque vient le temps d’octroyer des subventions. Et il donne l’exemple de Denise Robert, qui part toujours avec une longueur d’avance puisqu’elle récolte beaucoup plus d’argent, plus « d’enveloppes à la performance » que les autres en raison de la popularité de ses productions (Les Invasions barbares, Ma vie en cinémascope). « Tous les producteurs devraient pourtant être égaux », lance-t-il.

Malgré tout, M. St-Laurent n’a pas perdu tout espoir de continuer à faire du cinéma dans la capitale. Il souhaite toutefois que la présente crise de confiance qui secoue Téléfilm Canada contribuera à revaloriser le cinéma d’auteur, à changer les règles et à redonner aux régions la voix qui leur fait cruellement défaut.


Dans La Presse, c'était sensiblement la même chose

Autre article du Soleil


Fini les films à Québec
Julie Lemieux
Le Soleil

Dur coup pour la capitale. Désillusionné par le système, Robert Lepage ne veut plus tourner de films au Québec et ferme sa boîte de production cinématographique, Ex æquo, qui avait pignon sur rue dans la capitale. « Si je veux réaliser ou scénariser, il faut que j’aille ailleurs. C’est ce qu’on me dit », soutient-il.

Le réalisateur n’a pas digéré la cinquième gifle au visage de Téléfilm Canada, qui a encore une fois refusé de subventionner le tournage de La Trilogie des dragons, malgré la renommée internationale de cette pièce. Il rejette la faute sur le système de financement de Téléfilm, mais aussi sur la montréalisation de la culture. « Il y a un demi-million de personnes dans la région de la Capitale-Nationale. On a le droit nous aussi de refléter notre vision, d’être présents. »

Le producteur d’Ex æquo, Mario St-Laurent, ajoute que tous les autres projets de la compagnie, lancée il n’y a même pas deux ans, se sont aussi butés à la fermeture d’esprit de Téléfilm Canada. Les œuvres de Hugo Latulippe et de Martin Villeneuve ont en effet été refusées par Téléfilm, même si elles ont été appuyées par la SODEC. « Si Téléfilm refuse nos projets parce qu’ils sont différents, il faut bien se rendre à l’évidence que ce n’est plus possible de faire le type de cinéma que l’on veut faire », lance M. St-Laurent, en ajoutant que la productrice Fabienne Larouche avait bien raison de dénoncer le climat malsain qui règne au sein de cet organisme.

«C'est non seulement dramatique pour notre région, mais aussi pour la cinématographie québécoise», soutient pour sa part la directrice du Commissariat municipal du film et de la télévision de Québec, Lorraine Boily, qui réserve toutefois sa véritable réplique à plus tard.

jeudi, juillet 06, 2006

Refonte sur Canoë

Un petit scoop de rien du tout ce soir: il y a une refonte complète de la section Culture-Showbiz de Canoë qui est en cours, laquelle nouvelle section divertissement sera en ligne probablement en septembre. Si j'en parle, c'est que la section cinéma y sera beaucoup plus visible, mieux entretenue et mieux nourrie. Les internautes trouveront plus facilement les nouveautés en salle, les critiques, les nouvelles ciné et les entrevues.

Parlant d'entrevues, c'était la première fois que j'interviewais une personnalité du milieu du cinéma la semaine dernière. J'étais bien nerveux d'ailleurs. On a beau tenter de se rassurer et se dire que tout ira bien, l'irrationnel et la peur de l'inconnu prennent le dessus. L'inconnu dans ce cas-ci était probablement lié à l'orgueil. J'avais peur de poser mes questions devant d'autres journalistes et de passer pour un novice. Sacré orgueil, va!

Je me suis tout de même rendu à l'hôtel avec mon enregistreur vocal numérique tout neuf pour interviewer Ghyslaine Côté au sujet de son film Le secret de ma mère. Évidemment, tout s'est bien passé.

J'ai un seul regret, j'aurais aimé penser lui poser une question du genre: «Pourquoi ne pas avoir exploité davantage le côté fou de la mise en scène plutôt qu'un traitement classique et réaliste?»

Lire le compte-rendu de l'entrevue sur Canoë

Voici ma critique non-relue qui paraîtra demain sur Canoë, une fois qu'elle aura été relue...

Le secret de ma mère de Ghyslaine Côté

La comédie Le secret de ma mère nous prouve qu'il est possible d'allier légèreté et profondeur avec intelligence. Aussi se distingue-t-elle des nombreuses comédies d'été produites dans le seul but de distraire les vacanciers en quête de néantise. Avec des influences avouées telles que Ettore Scola et Robert Altman, la réalisatrice Ghyslaine Côté nous propose une comédie dramatique réussie qui n'a rien à envier aux antihéros idiots auxquels nous ont habitués certains réalisateurs.

Le sujet est grave. Exposée au salon funéraire, la dépouille du défunt Jos suscite de nombreux souvenirs, mais aussi l'émergence de secrets chez les parents et amis de la famille. La journée commence avec l'arrivée au salon des deux protagonistes, Blanche (Ginette Reno) et sa fille Jeanne (Céline Bonnier). L'humour et la détente viennent principalement du personnage de Blanche qui aborde l'événement avec sérénité et avec une pointe de détachement. Il faut aussi mentionner le personnage amnésique de Rolande (Clémence DesRochers) qui provoquent plusieurs situations cocasses.

Le film traite d'amour tout en juxtaposant et en télescopant de façon constante gravité et humour, passé et présent, mensonge et vérité, mort et vie. De l'idée du «regard d'une jeune femme sur ses parents qui se sont à la fois beaucoup aimés et déchirés», Ghyslaine Côté voulait parler d'«amour filial» et de «solidarité filiale».

Certes, si l'on compare ce dernier film de la réalisatrice avec son précédent, Elles étaient cinq, le traitement diffère par l'approche comique plutôt que tragique, mais des similitudes évidentes demeurent. Des notions qui semblaient encore préocupper la cinéaste se retrouvent dans l'un comme dans l'autre : le sentiment de perte, le secret, la mort, la vie et l'amour. Les souvenirs des personnages nous sont également révélés par des retours en arrière constants. La technique consistant à intégrer une série de flashbacks à même le déroulement chronologique des événements a le mérite d'être efficace, comme elle l'est dans ce film, mais classique.

Deux petites scènes moins classiques nous donnent l'occasion de faire une parenthèse sur la mise en scène. Si l'une des règles non-écrites du critique veut qu'il s'attaque davantage à la matière du film et le moins possible à ce qui en est absent, j'y ferai une entorse légère en me basant sur deux éléments de mise en scène apparaissant brièvement dans le film pour ensuite en déplorer l'utilisation anémique.

Lorsque Blanche aménage chez ses parents alors qu'elle et Jos viennent tout juste de se marier, la scène verse soudainement, et brièvement, dans le style comédie musicale, suprenant et amusant le spectateur au passage. Le même effet de surprise - le côté amusant en moins - se produit lorsque dans le salon funéraire, les lumières se tamisant et les invités s'immobilisant, le projecteur illumine Blanche et sa fille en tête à tête, créant une atmosphère intimiste suréelle et très efficace alors que Jeanne demande à sa mère de lui révéler le lourd secret.

Devant ces bribes d'originalité, on se demande pourquoi la réalisatrice Ghyslaine Côté n'a pas multiplié les techniques plus personnelles plutôt que d'utiliser les moyens conventionnels de mise en scène. Il est étonnant de constater que, malgré les divers courants artistiques ayant tenté de secouer les assises du réalisme depuis plus d'un siècle, celui-ci ait toujours une emprise aussi étendue sur le septième art. Sans s'étendre sur ce sujet, et pour terminer la parenthèse, disons qu'il serait admirable de voir un réalisateur québécois de talent tel que Côté prendre le risque d'aller jusqu'au bout de ses idées originales en laissant tomber le réalisme.

Qu'à cela ne tienne, la comédie Le Secret de ma mère n'en demeure pas moins un bon film touchant et drôle. La cinéaste avait raison de dire que «parler de la famille, ça fait toujours rire et ça fait toujours pleurer» puisque le spectateur ne peut qu'être touché par l'authenticité de l'histoire mais aussi des personnages. Ceux-ci sont d'ailleurs très bien interprétés par une brochette impressionnante d'actrices et d'acteurs vedettes tels que Ginette Reno, Céline Bonnier, Clémence DesRochers, David Boutin, Joëlle Morin, Bianca Gervais, Marie-Chantal Perron, etc.

Avec ce deuxième long métrage, la réalisatrice Ghyslaine Côté s'impose rapidement dans le paysage cinématographique québécois. Elle poursuivra d'ailleurs sa lancée avec un troisième long métrage traitant d'une partie importante de la vie de Ginette Reno. En attendant de découvrir sa vie en film, découvrons le secret que cache son personnage dans Le secret de ma mère.