Dans le livre Andre Bazin de Dudley Andrew, dans la partie "Esprit et le personnalisme" du premier chapitre, l'auteur établit la filiation entre la pensée de Roger Leenhardt et celle d'André Bazin.
Je me doutais que Bazin était influencé par le personnalisme, mais je ne n'avais jamais réalisé que c'était de manière aussi directe. Cela m'intéresse beaucoup, parce que des cinéphiles très importants au Québec sont directement influencés par la revue Esprit dans les années 40 ou 50 comme Fernand Cadieux, Germain Cadieux, Rock Demers, Pierre Juneau, Michel Brault, Jacques Giraldeau, Marc Lalonde et bien d'autres. Cette influence se voit par exemple entre 1950 et 1952 dans les Cahiers d'action catholique (où Fernand et Germain Cadieux sont actifs pendant les années 50) dans laquelle il est souvent question de culture et de cinéma. Fernand Cadieux avait écrit quelques articles comme "Le cinéma et le monde étudiant", "Influence du cinéma américain au Canada français", "Pour faire le cinéma à notre dimension", etc. Les revues Découpages et Liaison font aussi partie de ce courant personnaliste, culturel et éducatif d'une vision large du monde où le cinéma est une chose parmi d'autres.
Revenons à Leenhardt et Bazin. Dudley Andrew écrit:
"Les écrits de Leenhardt dans Esprit formèrent le noyau originel des théories que Bazin allait développer dix ans plus tard. Dans ses critiques et ses écrits "occasionnels" sur le cinéma, Leenhardt fait montre de la même tendance réaliste qui allait plus tard être l'apanage de Bazin. Sa plus grande contribution à la théorie du film fut un essai en cinq parties intitulé La Petite école du spectateur. Dans ce texte, Leenhardt cherche à abolir la distance qui sépare les producteurs du public en démystifiant la technologie du film, espérant qu'une fois perdu le respect craintif du médium et de ses productions, le profane exigerait des films nouveaux faits avec conscience. Leenhardt lui-même proférait déjà de telles exigences. Contrairement à la plupart des autres intellectuels français, il voyait dans le développement du son un gain majeur dans l'histoire du septième art; le procédé mettait en effet en valeur plutôt le sujet filmé que la qualité de l'image. Leenhardt méprisait les techniques ostentatoire. Il attaqua Eisenstein comme étant un "grand rhétoricien du cinéma", et insista sur le fait que la photographie n'avait pas pour but la manipulation rhétorique, mais la "transcription de la réalité" et l'obligation d'un sujet digne d'intérêt.
"Leenhardt n'était pas le premier théoricien à insister sur la proximité du cinéma à la réalité, mais avant Bazin, il fut incontestablement le plus subtil d'entre eux. Vers la fin de cette Petite école, il remet directement en question la relation du cinéma à l'art, d'une manière qui anticipe parfaitement les théories dont Bazin allait bientôt se faire le chantre."
Cette Petite école m'intriguait, j'ai donc cherché les textes sur Internet. Comme ils sont difficiles d'accès, j'ai donc décidé de faire une sorte de petit recueil virtuel facile d'accès. Je publie ici les cinq articles un à un au cours des prochaines semaines.
Roger Leehardt écrivit personnellement quatre des cinq parties de La Petite école du spectateur:
1- l'introduction générale de la série, "Où l'on ouvre l'école du spectateur" (novembre 1935): pp. 332-36,
2- "Le rythme cinématographique" (janvier 1936): pp. 627-32;
3- "La Photo" (mars 1936): pp. 977-79;
4- "La prise de vues" (mai 1936): pp. 254-56.
5 - Maurice Jaubert termina la série avec son article "La Musique", Esprit, avril 1936: pp. 114-19.
À l'époque où ces articles sont publiés, Bazin a 17-18 ans.
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